Aux alentours d’Arles, la plaine de la Crau constitue un vaste espace naturel et agricole, connu notamment pour la richesse de sa biodiversité et la qualité de son foin destiné aux animaux d’élevage. C’est pourtant la zone que viendra traverser le futur contournement autoroutier d’Arles, porté par la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) de la région PACA. Cet aménagement, en projet depuis 25 ans, vise à décongestionner la RN113 entre Arles et Saint-Martin, et qui constitue selon la Dreal “la dernière discontinuité autoroutière de l’axe Espagne-France-Italie“. Cette dernière serait alors requalifiée en boulevard urbain et le trafic autoroutier dévié sur le nouveau contournement de 26km entre l’A54 et l’A9.
Le projet n’a pas encore passé le stade des autorisations administratives, et donc de son étude d’impact, cependant, de nombreux habitant·es s’y opposent déjà et se sont uni·es au sein d’associations et collectifs, dont Agir pour la Crau. Initialement prévu pour 2038, il est réapparu au sein de la loi LOM (Orientation et Mobilités) de 2019, sous la forme d’une seule des sept variantes jusque là étudiées.
La destruction d’un riche environnement local
Si la moitié du projet repose sur le réaménagement de la RN113, 13km de nouveau tronçon seront réalisés au sud d’Arles, “dans un périmètre géographique qui faisait partie du Parc Naturel Régional de Camargue (périmètre déclassé pour l’occasion), sur des zones d’intérêt naturel et agricole uniques” explique Agir pour la Crau sur son site internet. Pour l’association, “outre ce patrimoine naturel qui risque de disparaître, le projet tel qu’il semble se dessiner, va générer de nombreux dommages collatéraux pour les habitants du territoire : augmentation de la pollution atmosphérique, disparition de terres agricoles, perte irréversible de biodiversité, risques d’inondations accrus.” On parle aussi d’un fort risque de pollution des eaux contenues par l’importante nappe phréatique de la Crau qui alimente en eau potable les environs.
C’est toujours le même modèle de développement des villes qui est pointé du doigt, le contournement autoroutier ouvre ainsi une vaste zone urbanisable au sud d’Arles, en en repoussant la sphère d’influence et de développement. Il offre aussi une infrastructure routière importante pour une ville qui se pense comme future capitale culturelle. Pensé il y a près d’un quart de siècle et présenté comme visant à améliorer le cadre de vie des habitant·es, le projet n’interroge pas le recours massif au tout-voiture, et pour ses opposant·es, constitue la destruction du cadre de vie choisi par les riverain·es de la Crau, plaine par ailleurs propice aux cultures maraîchères. “Selon les études, 40 exploitations agricoles seront impactées par le contournement pour un total d’environ 180 ha en comptabilisant les aires de services. En 2014, la Chambre d’agriculture estimait le préjudice potentiel à 900 ha dont 700 en terres arables soit 5 fois plus que l’estimation de 2020.”
L’impact d’un tel projet autoroutier est très considérable, l’emprise de la route ne se limitant pas au bitume, mais comprenant également les nombreux aménagements (bassins de rétention, échangeurs, aires d’autoroutes, etc) et les nuisances qui pourront toucher des riverain·es ou du bétail. Comme les opposant·es au contournement d’Arles le rappellent, mais également le sénateur écologiste des Bouches-du-Rhône Guy Benarroche, dans une question orale adressée à la ministre de la Transition énergétique en 2021, le projet a déjà nécessité “le déclassement d’une partie du parc naturel régional de Camargue [et] son impact sur la biodiversité [est] très dommageable et irréversible. L’atteinte porterait aussi sur des zones Natura 2000, des zones humides d’importance internationale, sur des terres agricoles, rizières, mais surtout sur plus de 50 hectares de foin de Crau, seul à bénéficier d’une appellation d’origine contrôlée (AOC).” Le foin de Crau est considéré comme l’un des plus riches et qualitatifs au monde.
Développer le maillage autoroutier pour maximiser les flux
Par ailleurs, le contournement s’inscrit plus vastement dans une logique portée par l’État d’un maillage autoroutier du territoire accélérant le développement et la rapidité du trafic de fret routier. Car contrairement à la présentation qu’en fait la Dreal, la continuité autoroutière depuis l’Espagne jusqu’à l’Italie est déjà effective par la jonction des autoroutes A7 et A9 au sud d’Orange, le contournement d’Arles représente en réalité l’opportunité de réduire le temps et les coûts du transport de marchandises.
Des habitant·es biaisées
Alors que le GIEC émet avec insistance l’urgence de changer de modèle et que la canicule actuelle vient nous rappeler la réalité du dérèglement climatique, les opposant·es au projet proposent des alternatives. Ils rejettent la transformation de la RN113 en autoroute et proposent son interdiction aux poids lourds afin de diminuer nuisances et pollutions. Ceux-ci se verraient alors dans l’obligation de suivre l’itinéraire autoroutier déjà existant entre l’A9 et l’A7.
Analysant le projet en terme de modèle de développement, les opposant·es rappellent aussi que le fret fluvial constitue “un mode de transport beaucoup moins polluant que le transport routier : il permet d’économiser de l’énergie, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que les émissions polluantes. Le Rhône est largement sous-exploité à ce niveau. Le transport fluvial de marchandises représente 14 % du transport total de marchandises en France.”
Même réflexion sur la question du fret ferroviaire : “Alors que la part du ferroviaire s’élevait à près de 30 % dans le transport de marchandises en 1985, elle ne s’élève plus qu’à un peu plus de 10 % aujourd’hui. Le développement du fret ferroviaire est un enjeu d’avenir. C’est d’autant plus vrai lorsque l’on sait qu’en France, 48 000 personnes décèdent chaque année à cause de la pollution et des particules fines. Il est donc particulièrement urgent, pour l’État, de porter une vraie politique publique de rééquilibrage modal.”
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