Montpellier entre lutte légitime contre le passe et désinformation antivax

À Montpellier, plusieurs milliers de personnes ont arpenté les rues du centre-ville ce samedi 15 janvier, jour de désactivation de centaines de milliers de passes sanitaires*, pour s’opposer à l’instauration du passe vaccinal et dénoncer de manière plus globale la gestion de la crise sanitaire par le gouvernement. Une semaine après une mobilisation impressionnante ayant drainé plus de 5000 personnes, les manifestant·es sont un peu moins nombreux, mais semblent faire preuve de la même détermination à s’opposer à un président qui les emmerde.

*et non pas d’instauration du passe vaccinal comme nous l’avons écrit par erreur dans un premier temps.

On peut distinguer encore une fois la grande diversité de la foule : de nombreux gilets jaunes, le retour de groupes ou organisations gauchistes, des collectifs antipass/antivax, et puis un peu monsieur et madame Tout-le-monde dont on sent bien le ras-le-bol contre le gouvernement. Cette lutte contre une gestion clivante et stigmatisante pour les non-vacciné·es est légitime, mais bien qu’elle puisse s’appuyer sur des raisonnements scientifiques ou politiques entendables, elle souffre de la présence envahissante de la désinformation complotiste ou antivax. Nouvel exemple aujourd’hui avec l’ancien médecin Denis Agret, égérie du mouvement antivax dans le Sud, qui a tranquillement « expliqué » sur une sono tonitruante, à base d’un savant calcul que nous retransmettons ci-dessous, que les non-vacciné·es étaient au minimum 32 millions en France. M. Agret a par la suite appelé à ne porter le masque en aucune situation, devant des milliers de personnes enthousiastes.

Difficile de jauger l’impact de tels propos, parce que ce sont aussi des slogans ou des revendications sensées et nuancées que l’on retrouve dans la foule, dans les paroles comme sur des pancartes. Notamment celles des personnels soignants suspendus de leurs fonctions, pour qui les non-vacciné·es sont comme l’arbre qui cache la forêt d’une santé publique vouée au démantèlement et à la privatisation. « Pandémie sans lits, hôpital sans soignants, gouvernement innocent ??? », « 2020 = prime Covid ; 2021 = Les poches vides », « Jamais vu de crise sanitaire où on suspend les infirmières »… Des prises de parole ont pu revenir sur un vécu interne à cette crise, qui dépasse largement la question du Covid et met le doigt sur celle d’un hôpital public exsangue. Côté politique, la Confédération Nationale du Travail a fait une apparition remarquée en tête de cortège, portant une banderole dénonçant la dérive autoritaire du gouvernement et pointant le lien entre les dispositifs de contrôle de masse que représentent le passe sanitaire ou vaccinal, comme la loi sécurité globale.

Présence policière renforcée par rapport à la semaine dernière, les CRS ont cloîtré Préfecture et Gare devant lesquelles le cortège est venu se masser, sans qu’aucun incident n’ait lieu. Le samedi précédent avait vu quelques affrontements se produire et l’usage de grenades lacrymogènes par les forces de l’ordre.

En proférant les propos insultants que l’on sait, Emmanuel Macron tente d’imposer la crise sanitaire au cœur de la campagne présidentielle et de faire des non-vacciné·es un nouveau bouc émissaire, comme il l’a auparavant fait de la population musulmane, des gilets jaunes, de tout corps social qui s’oppose à sa politique néolibérale, au milieu de pépiements gorgés de mépris. Cependant, l’échec plausible, rappelé ces dernières semaines par plusieurs instances importantes comme l’OMS, d’une politique sanitaire uniquement centrée sur les vaccins actuels, pourrait contrarier les plans de l’épidémiologiste en chef, en poussant de nombreuses personnes qui ont vécu leur vaccination comme un chantage à ne pas revenir vers le vaccin. Le gouvernement pourrait payer le prix de la politique de stigmatisation envers la population qu’il a pratiquée depuis le début de cette crise sanitaire au détriment d’une approche pédagogique et apaisée. Il a par ailleurs vu cette semaine l’ensemble du corps de l’Éducation nationale, vent debout contre la gestion sanitaire du primaire et du secondaire. Comme une odeur de bouillon social, qui se remet à frémir…







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