Espagne – La désolation d’un désert nourricier qui sème la mort

Tels des miroirs, des serres brillent à l’horizon désertique du sud de l’Espagne. Aujourd’hui légion, elles se révèlent dans le paysage, en descendant de Carthagène vers Malaga. Les bras (vallées) de cette région, qui penchent vers la mer, cachent un vrai secret : derrière la mort de la biodiversité et l’empoisonnement des eaux, la naissance hybride des légumes.

Dans la région d’Almeria, mais également à Malaga et Carthagène, plus de 50 000 hectares de structures plastifiées appelées la “Mer de plastique” ou “le potager de l’Europe” sont le berceau d’une vie artificielle qui détruit la vie de la terre, via les nappes phréatiques, et de la mer. À cet écocide volontaire, s’ajoute la double peine des milliers de tonnes de plastique, dont le temps de dégradation va de 400 à 1000 ans, et la diffusion “en continu” de gaz à effet de serre. Une tragédie qui s’imbrique (triple peine) avec les dizaines de milliers de clandestins et d’ouvriers non déclarés qui sont exploités sous une chaleur infernale, au milieu des pesticides et des engrais chimiques.

*N’hésitez pas à zoomer sur les photos.

 

#1

C’est à partir de Carthagène, que les serres en plastique commencent à coloniser un écosystème désertique déjà affaibli. Depuis des centaines d’années, ces montagnes ont souffert des coupes massives d’arbres, que ce soit pour les “Conquistas españolas“, la création de champs agricoles ou les guerres.

 

#2

Le peu de “quintas” (fermes familiales), qui ont résisté à l’exode rural, voient dans les serres une source de revenus à ne pas négliger. Ces vieux mas se redéfinissent, et des plateformes bricolées pour héberger des serres transforment ces lieux de vie en espaces encore plus austères et remplis de poubelles.

 

#3

De grands groupes agricoles comme “El Grupo Paloma” achètent d’énormes surfaces de terrain qui vont jusqu’à la mer. Leurs productions, comme 90 % de ce type d’exploitations, ne sont pas bio.

       

#4 #5

Beaucoup de ces veilles maisons, qui possédaient des terres agricoles, sont rachetées et retapées à l’arrache pour héberger des travailleurs.

 

#6

Seulement, dans la région Andalousie, plus de 110 000 travailleur.euses ont été recensés dans les serres, dont environ 40 % d’immigrant.es sans-papiers. Elles et ils travaillent également dans l’été. En ce jour de début août, ici, on comptait 44°C au soleil.

 

#7

Voici encore l’exemple d’une ancienne ferme paysanne, avec son moulin à vent aujourd’hui en ruines qui plantait auparavant certainement des céréales, reconvertie aux cultures en serres.

 

#8

On parle de dizaines de kilomètres de serres, qui utilisent une quantité astronomique de pesticides, herbicides, fongicides et insecticides, qui au-delà de détruire toute vie biologique dans le sol, s’infiltrent vers les nappes phréatiques.

 

#9

Cette vision d’une Europe écologique finit dans nos assiettes, avec des fruits et légumes qui voyagent des milliers de kilomètres dans des camions réfrigérés.

 

#10 #11

Ce qui était avant l’estuaire d’Almeria – le parc naturel de Punta Entinas-Sabinar et Mar de Alboran – résiste à peine à l’invasion de la mer de plastique. Les politiques locales consistent à sauver l’économie plutôt qu’à protéger la nature.

 

#12 #13

À El Ejido, l’optimis optimus, un labyrinthe de champs tranchés par des routes, s’étend de la mer jusqu’à la montagne. Les seules choses qui vivent ici sont les insectes, les mouches, les cafards. Les espaces vides se remplissent de poubelles, ici la mort règne sur la vie. Voici la réalité de la production agricole qui fournit à peu près la moitié de la consommation européenne.

 

#14 #15

Le plus incroyable, c’est que les petits villages ont fini par être entourés par les serres. Une folie pour la santé de leurs habitants. En 2004, un rapport (lien ici) rend compte des résultats de 9 échantillons d’eau de surface et 15 échantillons d’eau souterraine, qui ont été prélevés dans les principales zones agricoles de la province d’Almería. Les pesticides les plus courants trouvés dans les échantillons analysés étaient l’endosulfan alpha, le sulfate d’endosulfan et le chlorpyrifos éthyle dans les eaux souterraines ; l’endosulfan alpha, bêta et sulfate dans les eaux de surface. Bien que le pesticide trouvé au niveau de concentration le plus élevé soit le malathion.

 

#16

Face à l’abandon politique et victimes de l’exploitation, les travailleur.euses font des pochoirs pour dénoncer leurs “maîtres”. Dans celui-ci, on peut lire : Salaire de l’heure manipulée : 6,50 – Champ 584.

 

#17

21 ans après les attaques contre les migrants à El Ejido, les mouvances fascistes continuent à se propager. Depuis que le parti politique d’extrême-droite Vox est au pouvoir, la peur s’installe chez beaucoup de migrants. Les fascistes, souvent, se baladent dans les serres et utilisent le graffiti pour disséminer leurs symboles et messages.

 







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