La Rose Blanche : de l’extrême-droite à l’agonie populaire

Depuis quelques semaines, une panoplie d’autocollants portant le nom de La Rose Blanche est recensée dans des manifestations contre le pass sanitaire, sur internet et dans la rue. Enquête sur un mouvement indépendant qui se propage via Telegram, à tendance complotiste et lié à l’extrême-droite.

Aujourd’hui, la pensée conspirationniste ne cesse de constituer l’imaginaire politique, du fait même des conflits et des incertitudes qui le sous-tendent. Certes, la montée en puissance du soupçon de complot démontre l’échec d’un principe téléologique de la communication « transparente » au niveau collectif.”

Usurpation et confusionnisme

Aussitôt après les annonces de Macron sur l’extension du pass sanitaire, la population française sombre dans l’agonie et dans la rage. Le lendemain, plusieurs “flash mobs” et manifs anti-pass sanitaire se matérialisent dans plusieurs villes, et le week-end suivant, des dizaines de milliers de personnes seront dans la rue. Ce dernier week-end du 24 juillet, selon le Nombre Jaune, plus de 300 000 personnes ont bravé les rues de l’Hexagone.  

À Montpellier, une manifestation a réuni plus de 7 000 personnes. Parmi elles : des Gilets jaunes, des soignant·es, des antivax ou des mouvements de « ré-information » tels que Reinfocovid. Cette mobilisation, traduit l’insatisfaction généralisée face à une mal-gouvernance et au manque de transparence étatique sur la crise du Covid-19.

Alors que la manif se déroule, que les paroles envahissent l’espace public, et que les affiches colorent les rues, plusieurs dizaines de nouveaux autocollants suscitent la curiosité des participant·es. Une large panoplie de stickers portant un QR Code et le nom “La Rose Blanche”, sont collés, partagés, ou exhibés : Covid-1984, un mouton, stop masque… Des autocollants qui font rire ou rappellent les plus notables films de science-fiction.

La Rose Blanche est un canal Telegram créé le 23 avril 2021. Il a été mis en place pour permettre aux francophones de se joindre à “l’action internationale” de “The White Rose”, canal Telegram créé en Angleterre en novembre 2020. Ce canal Telegram est lie au site complotiste Thewhiterose.uk. Le canal français a été lancé par le compte @animalgaierit, qui gère un autre canal : les Qréateurs. Ce canal poste surtout aujourd’hui des messages holistiques, portés sur le bien-être humain, l’amour, etc. Cependant, si on remonte dans le fil, en mars 2021, on verra pas mal de posts anti-masques et anti-vax, et si l’on remonte à février 2021 – décembre 2020, nous constatons qu’il s’agit initialement d’un groupe français complotiste pro-Trump – Qanon.

La Rose blanche est le nom d’un groupe d’étudiant·es qui a résisté aux nazis entre juillet 1942 à février 1943 en Allemagne, en distribuant des tracts dissidents au régime. Cette récupération est honteuse pour la mémoire collective, comme pour les familiers de celles et ceux qui ont enduré le nazisme. Le pire reste la manipulation qui va avec : ces groupes, qui font de la désinformation et relaient la propagande d’extrême droite, osent usurper le nom de “La Rose blanche”. Un confusionnisme inacceptable, qui révèle à quel point l’extrême-droite veut se réapproprier l’Histoire, la manipuler pour atteindre ses objectifs politiques. À ce sujet, revenons au chapitre : pour le bien, pour le mal. “Ma Chère Nostalgie nazie.”

Les étudiants écrivirent sur les murs des slogans pacifistes et antifascistes, collectèrent du pain pour des détenus de camps de concentrations et s’occupèrent de leurs familles. Les actions de la Rose Blanche furent prises en exemple à partir de janvier 1943 par des intellectuels du sud de l’Allemagne et de Berlin.

 

Sophie Magdalena Scholl, née le 9 mai 1921 à Forchtenberg (Allemagne) et exécutée le 22 février 1943 à Munich, est une résistante allemande au nazisme et l’un des piliers du réseau « La Rose blanche » (Die Weiße Rose).

Un canal Telegram d’extrême-droite “apolitique”

Selon ceux qui sont aux manettes de La Rose Blanche ou The White Rose, le groupe est un “réseau mondial décentralisé, d’activistes indépendants travaillant pour diffuser un contre-récit “bien nécessaire” à l’assaut incessant de la peur, des mensonges et de la propagande auxquelles les populations étaient soumises depuis le début du Covid-19“. Leur mission est d’inspirer un “scepticisme sain”, une “pensée critique” face à la propagande omniprésente du gouvernement et des médias. Le modus operandi du groupe se construit autour du collage d’autocollants partout. Pour l’heure, nous avons identifié une vingtaine de pays où ce réseau prospère : États-Unis, Irlande, Angleterre, Allemagne, France, Belgique, Danemark, Portugal, Italie, Pologne, Nouvelle-Zélande, Australie, etc.

Le groupe se définit ainsi :

“Nous ne souscrivons pas à la partisanerie, à la politique identitaire ou aux faux paradigmes politiques gauche/droite créés, à dessein, pour nous diviser et nous conquérir, et pour tenter de nous soumettre au contrôle de ceux qui croient à tort qu’ils possèdent notre corps, notre esprit, et les âmes.”

“Nous ne tolérons pas, et de plus, nous condamnons le racisme de toute nature. Nous pensons que tous les individus doivent être jugés uniquement sur le contenu de leur caractère, et non sur des caractéristiques génétiques immuables, ou sur les actions d’autres membres de tout groupe auquel ils peuvent appartenir. Nous sommes intrinsèquement anti-autoritaires, condamnant toutes les formes de collectivisme involontaire, y compris le mondialisme, le fascisme, le communisme, le national-socialisme, le marxisme et toutes les autres doctrines.”

Un “speech” impeccable à la veine libertarienne, dont le but est d’infiltrer les psychés des plus démunis. De celles et ceux, qui n’ont pas le réflexe ni les outils pour questionner ou creuser le “pourquoi” du “comment”. Des phrases courtes, des super slogans, des références populaires ou aux grands films de science-fiction, des références universelles qui engagent les “gens” dans une atmosphère séduisante, non-violente, et qui apporte de suite une forme d’action directe.

Un fonctionnement ou “mécanisme de désinformation” qui parait inoffensif, mais qui introduit progressivement dans notre vocabulaire de nouveaux concepts comme le nouvel ordre mondial ; le grand reset ; l’idée d’un faux virus, et de médias qui sont le vrai virus, etc. Voilà la finesse d’un lavage idéologique qui a d’abord pour but la rupture avec les repères qui nous attachent à la réalité, avant de nous conduire vers d’autres recherches et réseaux dans l’internet.

On parle d’une nébuleuse d’extrême-droite omniprésente sur internet qui fait du “marketing” politique, à travers des techniques similaires à celles utilisées par des growth hackers : des faux comptes Twitter, des groupes Telegram, Whatsapp, Instagram, des pages Facebook, etc. Ces militant·es dynamisent le flux de la “désinformation” puis de la “réinformation” dans le but d’amener les “agent.es libres indépendant.es” vers une radicalisation de la pensée. Une stratégie également reprise par les influenceurs d’extrême-droite sur Youtube, comme Papacito, Le Raptor, Valek, Bruno le Salé, Baptiste Marchais ou Laurent Obertone.

À cette radicalisation de la pensée, s’ajoute une froideur émotionnelle, un sentiment de puissance narcissique, en totale confrontation avec le monde. Pendant la manifestation du 24 juillet à Montpellier, plusieurs altercations se sont produites, soit entre manifestant·es, soit avec des badauds, sur la question des morts du Covid-19. Choquées par la violence des affiches, ces dernières personnes “qui ont perdu des proches”, auraient fait des commentaires perçus comme des gestes “typiques des moutons”… Ce détachement émotionnel de la société et du deuil collectif se constate également dans les autocollants de La Rose Blanche.

Les idées Qanon mutent et persistent dans l’espace public

Dans notre précédente enquête Reinfocovid : Quand l’extrême droite s’empare de l’épidémiologie, nous avons affirmé que contextualiser les mouvements covido-sceptiques, anti-masques, ou encore anti-vaccins Covid-19 dans le monde, était la clef pour comprendre la nébuleuse Reinfocovid. La Rose blanche ou The White Rose fait partie du continuum d’un mouvement réactionnaire issu des États-Unis, dont il vaut la peine d’explorer et de connaître les intentions.

Rapidement, le monde est sous le choc. 3 mois seulement “après Wuhan“, le Covid-19 se propage déjà dans 90 % des pays du monde. Les États-Unis, plongés dans le Trumpisme, accusent les Chinois de la catastrophe, et au lieu de prendre des mesures, s’enferment dans une approche libérale : le monde ne doit pas s’arrêter. Au fur et à mesure que la courbe de cas positifs et de morts monte, les États se divisent et commencent à instaurer des mesures de protection obligatoires. Trump garde son cap, le but est de diviser pour régner, car les élections approchent, il faut mobiliser les troupes et toucher un maximum d’électeurs. Au-delà des théories conspirationnistes menées par le mouvement Qanon (pro-Trump), le but est de profiter de la crise du Covid-19 pour toucher en profondeur la classe populaire. Une stratégie apparait, celle de la banalisation du discours covido-sceptique et anti-masque, au sein des Républicains d’abord, puis de l’extrême-droite. Trump se définit ainsi, au contraire de Biden, comme celui qui défendra la logique libérale. Rapidement, ce mouvement se répand en Allemagne puis en France, promu sur les réseaux sociaux par les mouvements complotistes, intégristes, voire d’extrême droite. Les manifestations covido-sceptiques, anti-masque et anti-vaccin, se multiplient alors en Angleterre, en Suisse, en Allemagne ou en France. Reinfocovid, BaslesMasques, Laissonslesprescrire et d’autres, sont la continuité de ce flux complotiste et réactionnaire, incarné par le film Hold Up conforme aux idées conspirationnistes qui se propagent depuis des mois dans les réseaux d’extrême-droite américains.

Insister sur la nécessité de prendre du recul et prendre au sérieux ces glissements sémantiques… permet de connaître les grands axes du mouvement Qanon, qui agglomère une série de théories et complots (remplis de contradictions), mais aussi de comprendre notre position personnelle sur ces mêmes thématiques et clarifier si nos valeurs politiques peuvent être assimilées par l’extrême-droite.

Les grandes lignes conspirationnistes Qanon s’accordent sur l’idée de l’État profond (ou Deep State), largement exploitée par l’administration Trump, mais quelques fois aussi par Macron. Il définit un monde où les magnats du monde financier ou politique, en coopération avec les médias, auraient des pratiques pédophiles, cannibales et sataniques.

À l’été 2020, nous apprenons que “le virus Sars-Covid-19 a été créé en laboratoire” et qu’il est “Made in France”. Le pdf The Whole Truth, facilement trouvable sur le web, révèle également le processus par lequel l’axe du mal Gates-Rockefeller, crée actuellement le vaccin contre le virus. Cependant, celui-ci ne serait pas un simple vaccin, mais une substance nanotechnologique qui sera activée avec l’entrée en service de la 5G, et  permettra un contrôle total de l’humanité.

La grande réinitialisation – The Great Reset, terminologie apparue lors du Forum Économique Mondial à Davos, en Suisse, s’imbrique dans une ancienne théorie, celle d’un nouvel ordre mondial mené par les Illuminatis visant à instaurer un État mondial totalitariste, technocratique et policier.

Sur le nouvel ordre mondial, l’historien des idées Pierre-André Taguieff considère que la vision d’un « mégacomplot » puise ses racines au XVIIe siècle avec le mythe du complot juif qui se métamorphose au XIXe siècle en mythe du complot judéo-maçonnique, lesquels sont devenus des modèles pour le judéo-bolchévisme qui se développe au XXe siècle. « Le « mégacomplot », tel qu’il a été théorisé dans les milieux de l’extrême-droite dans les années 1920 et 1930, inclura le complot judéo-bolchevik (« l’Internationale du sang ») et le complot judéocapitaliste ou judéo-ploutocratique (« L’Internationale de l’or »).

Le paradoxe fasciste Qanon, se définit donc par une série de personnages et mouvances qui veulent lutter contre le Great Reset, le totalitarisme économique, la dictature sanitaire, mais qui parallèlement diffusent une panoplie d’idées extrémistes et intégristes : opposition à l’immigration, au mariage homosexuel, climatoscepticisme, racisme, antisémitisme, islamophobie, homophobie, négationnisme ou même néonazisme.

Dans le discours conspirationniste, Donald Trump apparaît comme une figure messianique qui apporterait « la Tempête » (The Storm) ou « Le Grand Éveil » (The Great Awakening). Après la défaite aux élections, d’une prophétie qui jamais ne se produira, une petite partie du mouvement accepte la réalité, mais la majorité du mouvement Qanon évolue.

La communication politique dans toute société est nourrie des représentations collectives et imaginaires que chacun des groupes sociaux produit. Ces représentations sont véhiculées par l’investissement d’une « pensée de type magique » dans les conflits politiques et surgissent à la surface du monde politique au travers de divers comportements paranoïaques d’attribution causale.
Il est évident qu’au-delà du domaine politique, l’imaginaire du complot intervient dans toutes les formes d’interaction humaine en attribuant une « causalité diabolique » à un ennemi imaginé.

Le contexte Covid relance le mouvement sur des thématiques sociétales, dont l’extrême-droite vise à s’emparer pour faire grandir ses rangs : les anti-vax, anti-pass, anti-confinement, etc. Le même schéma se reproduit en Angleterre avec le mouvement Anti-lockdown (anti-confinement), en Allemagne avec les Querdenker (Libres penseurs) ou en Suisse les Freiheitliche Bewegung Schweiz (Mouvement de liberté suisse).

https://www.tagesschau.de/multimedia/bilder/querdenker-fahne-101~_v-original.jpg

Attaquer les médias, semer le doute, réinformer

Une stratégie ancienne, qui vise à démunir l’opposition politique et idéologique dans une première phase, puis à s’attaquer aux médias de “masse” avec des “fakenews” pour ensuite les accuser de propager des “mensonges collectifs” qui cachent le triste destin de l’humanité : l’esclavage technocratique.

Plutôt qu’essayer de changer la réalité, et exiger/lutter pour l’indépendance des médias des groupes financiers et influences politiques, la stratégie est de tout dénigrer et d’instaurer la méfiance. Plutôt que de financer la presse locale et indépendante présente sur le terrain, les actions portées par le mouvement Qanon et ses dérivés tendent à emmener les gens vers des médias d’extrême-droite prêts à salir toutes les chartes journalistiques ou les droits humains, pour monter dans les audiences et crédibiliser le racisme, la xénophobie, l’islamophobie, le grand remplacement, etc.

Le résultat attendu est donc de destituer les citoyens des outils démocratiques, puis d’instaurer une méfiance envers la toile médiatique, pour ainsi solidement conduire les gens vers les sites internet qui partagent “la vraie information”. Un phénomène que nous avons décrit dans l’enquête Reinfocovid : Quand l’êxtreme droite s’empare de l’épidémiologie.

À travers les liens présents sur les sites internet, une carte non-exhaustive des collectifs partageant les mêmes idées apparaît. D’autres collectifs comme Bas Les Masques, BonSens, Enfance et Libertés, montrent la vraie dimension du réseau, mais aussi leur stratégie pour augmenter les “web-clusters” sur la toile. L’idée est de faire converger plusieurs types d’internautes qui ne partagent pas forcément les mêmes idées. Ainsi, les collectifs se relayent dans un “entre soi” les mêmes infos, mais également font de la “pêche” à travers différents dispositifs de propagande : les plateformes sociales, Twitter, Facebook, Instagram, Youtube, des plateformes WebTV/Radio comme FranceSoir, Cnews ou SudRadio.

Le canal Telegram anglophone, The White Rose, ne se gêne pas pour partager “comme sources sûres” une série de sites et canaux Telegram qui partagent “sans retenue” des liens vers des sites et pages web où prolifèrent des théories du complot, mais également des réseaux pro-armes, républicains, et évidemment quelques groupuscules d’extrême-droite.

https://www.firearmsnews.com/editorial/buy-be-ready-online/368006

Voici quelques canaux : We Are Change (https://t.me/News4AChange) – Covid Vaccine Victims, (https://t.me/covidvaccinevictims) – Dr. Sherri Tenpenny, (https://t.me/DrTenpenny) – World Doctors Alliance, (https://t.me/worlddoctorsalliance) – David Avocado Wolfe (https://t.me/davidavocadowolfe) – Worldwide Demonstration, (https://t.me/wethepeopleworldwide) – HATS (https://t.me/HATSTRUTH) Truth Pills (https://t.me/truthpills)The Great Re-Openingn(https://t.me/thegreatreopeninguk) https://t.me/AbsoluteDefiance

Les sites proposées par le groupe qui offrent une information “fiable et crédible”, plongent à fond dans la complosphère américaine : Mike Yeadon, l’ex-président de Pfizer (le super anti-vax), la World Doctors Alliance (dont fait partie le complotiste allemand Heiko Schöning) qui prétend que la pandémie Covid n’existe pas, l’America Frontline Doctors (pro-Trump) qui distille des fakenews antivax, aujourd’hui persécuté par la justice, et beaucoup d’autres sites connectés à la droite radicale étasunienne et anglaise.

Sur le canal francophone La Rose Blanche, plus récent, nous identifions quelques références à Reinfocovid et Faits & Documents. Ce dernier est une lettre bimensuelle de 12 pages de contenu classé à l’extrême-droite, qui traite essentiellement de l’actualité, en relayant de nombreuses théories du complot et en produisant des enquêtes qui servent à mettre en lumière les “travaux des obédiences maçonniques”, le lobby juif, pharmaceutique, etc.

Pour le bien, pour le mal. Ma chère nostalgie nazie.

Sur l’article Étoile jaune et anti-vaccins : la comparaison de la honte, notre journaliste Clara Maillé : “Alors pourquoi la comparaison de la honte ? Parce que mettre sur le même plan un génocide sur la base d’une hiérarchie entre les peuples qui a provoqué la mort de 5 millions de Juifs, 2 millions d’homosexuels, 600 000 Tziganes et quelques autres milliers d’opposants politiques ; et des mesures, certes autoritaires, dans le contexte d’une pandémie qui a déjà fait plus de 4 millions de morts à travers le monde, c’est tout simplement banaliser ledit génocide. Pour rappel, l’étoile jaune était apposée sur les personnes désignées comme juives – qu’elles le soient vraiment ou pas – pour les envoyer mourir dans les camps de la mort. Purement et simplement. Pas grand-chose à voir avec celles et ceux qui s’opposent au Pass Sanitaire. Si la mesure est stigmatisante, elle ne risque en rien d’exposer au meurtre les personnes qui ne s’y plient pas.”

Dans un article por The conversation : Allemagne : quand le covidoscepticisme entraîne la banalisation du nazisme, Docteure en information et communication de l’Université de Leipzig, explique que “de nos jours, la démocratie et la liberté d’expression prévalent : la preuve, on a le droit de faire des comparaisons historiques loufoques sans rien risquer, alors que Sophie Scholl, elle, savait ce qui l’attendait. Les transcriptions de ses interrogatoires par la Gestapo ne laissent aucun doute là-dessus. C’est comme si, demain, une anti-masque lambda se comparait à Jean Moulin. Or, Jean Moulin risquait la mort et le savait ; la manifestante lambda risque seulement de se couvrir de ridicule – et ne le sait pas. Il convient de remettre en question l’usage décomplexé de ces symboles de la résistance au nazisme et à l’holocauste, parce qu’ils pavent la voie à la relativisation de l’horreur en comparant ce qui n’est pas comparable. Cela n’a pas sa place, même à l’heure de la désinformation et des fake news, dans nos démocraties.

Sur Mediapart, la communauté juive s’exprime : “La Shoah, ses six millions de morts juif·ve·s, mais aussi prisonnier·e·s politiques, personnes atteintes de handicap, homosexuelles ou Rroms ne sont pas une réserve lexicale, source d’inspiration, de comparaison ou d’humour. Nous, membres de la communauté juive, refusons que la Shoah soit invoquée à tout bout de champ dans des débats, manifestations et discussions en ligne. Nous refusons que notre histoire et cette partie de notre identité soit instrumentalisée. La Shoah n’est pas un folklore, le portail du camp d’Auschwitz et son slogan “Le travail rend libre”, détourné en “le pass sanitaire rend libre”, non plus. La Shoah n’est pas une caution dans la lutte contre les restrictions des libertés. Évoquer le massacre pensé, organisé, systématisé, de six millions de personnes relève au mieux d’une paresse intellectuelle traduisant ignorance ou trous de mémoire, au pire d’un révisionnisme qui ne dit pas son nom.”

“Il faut aussi garder à l’esprit que cette récupération n’est pas anecdotique. Elle est un symptôme supplémentaire d’un antisémitisme systémique et historique au sein de la société française qui se renforce en contexte de crise. Déjà, à l’aube de la pandémie, l’idée d’un complot juif a gagné en vigueur : la rhétorique consistant à attribuer l’émergence d’un virus à une partie de la population n’est pas nouvelle, à droite comme à gauche d’ailleurs. Non content d’imputer aux Juif·ves la paternité du Coronavirus, il s’est agi ensuite de les accuser d’avoir commercialisé un vaccin à des fins lucratives. Ces idées peuvent sembler relever de la bêtise mais elles menacent en réalité des communautés entières.”

Au delà du nouvel ordre mondial, de l’axe du mal Gates-Rockefeller, du Great Reseat et du « Grand Éveil » (The Great Awakening), La Rose Blanche usurpe l’histoire allemande et exacerbe le complot anti-juif.

Au manque de mots, un autre témoignage :

“As a person of German heritage, Lara said she felt angry when she saw the name the group responsible for the misinformation had used.”

Comme une personne allemande : Lara a déclaré qu’elle s’est sentie en colère lorsqu’elle a vu le nom (La Rose Blanche, NDLR) utilisé par le groupe qui propage de la désinformation.

“I’ve spent some time thinking about what it would really mean to actively resist a fascist regime and I believe it would require great courage, wisdom and compassion for one’s fellow humans,” she said.

J’ai passé un certain temps à réfléchir à ce que cela signifierait vraiment de résister activement à un régime fasciste et je pense que cela nécessiterait beaucoup de courage, de sagesse et de compassion pour ses semblables“, a-t-elle déclaré.

“The people who have chosen this WW2 anti-Nazi group as their namesake maybe don’t realise the irony of what they are doing, or the insulting nature of their choice for some people for whom resistance to fascism is still within living memory.

Les gens qui ont choisi le nom de ce groupe anti-nazi de la Seconde Guerre mondiale comme leur homonyme ne réalisent peut-être pas l’ironie de ce qu’ils font, ou la nature insultante (de ce choix) pour les personnes, dont la résistance au fascisme est encore vivante dans leur mémoire.”

They also seem to forget that there are real neo-Nazis to worry about, and equating science-backed health protection with Nazism is a hideous distortion of reality.

Ils semblent également oublier qu’il y a de vrais néo-nazis dont il faut s’inquiéter, et assimiler le débat scientifique sur la santé publique au nazisme est une déformation hideuse de la réalité.

Défendre et insister sur la légitimité et la nécessité d’affronter la Macronie, sortir dans la rue, bloquer, faire grève, et user de tous les moyens démocratiques nécessaires pour résister à la dérive sécuritaire, à une fausse laïcité, au séparatisme de LREM, n’implique pas de céder au complotisme. Il est important de comprendre que c’est, dans des classes sociales qui souffrent d’une grande précarité et/ou d’abandon et de solitude, que l’extrême-droite, aux airs angéliques, criant liberté, fierté de la nation, induit un vide intellectuel et nous éloigne des luttes réelles, locales comme globales.

De nos jours, il est important de garder un esprit critique, et de scanner “fréquemment” les articles, posts, messages que l’on voit sur internet. Comparez-les avec d’autres sources, explorez les personnages qui les propagent, leurs réseaux sociaux et remontez dans le passé, pour comprendre que l’honneur et la facticité des mots sur le Web, va selon l’argent, le pétrole, la vente d’armes, le racisme, la haine et les intérêts partisans en quête de pouvoir.







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