Depuis plusieurs années, différents médias ont publié une panoplie d’articles sur le droit de filmer la police. Il est intéressant de constater que le résultat dans la société de cette médiatisation n’aboutit pas toujours dans un même sens… Du côté des citoyen·nes, certaines dispositions de la Loi sur le droit de filmer ont été intégrées dans le savoir populaire, puis dans leurs comportements même. Aujourd’hui, à l’image du COPWATCH américain, la France compte plusieurs associations ou collectifs qui dénoncent et documentent les violences policières.
Néanmoins, du côté de la police on semble aujourd’hui confronté régulièrement au fait que, soit de nombreux agents semblent négliger l’importance des droits des citoyen·nes, soit ils et elles ignorent expressément la Loi concernant le droit de les filmer. Le résultat est que les agressions documentées envers des citoyen·nes qui filment les policiers ne cessent jamais, voire deviennent de plus en plus récurrentes.
Récemment, la Mule a publié la vidéo d’une altercation entre une citoyenne et un équipage de la police municipale de Montpellier. Vidéo qui a fait plus d’un million d’impressions sur nos réseaux sociaux.
Sur les comptes de notre média (Youtube, Facebook et Twitter), nous avons vu défiler des centaines de commentaires. Deux thématiques de fond ont binairement émergé de la situation présentée par notre vidéo : le droit citoyen de filmer les policiers, et le droit qu’ont les policiers de filmer les citoyens. Il apparait essentiel, voire indispensable pour les relations entre la police et les citoyen·nes de mettre au clair ces questions, parmi d’autres concernant la captation d’images dans l’espace public, et d’éviter une fois pour toutes l’une de ces nombreuses portes qui constamment ouvrent sur la manipulation de l’information et le confusionnisme.
Sur le droit de filmer la police.
La pierre angulaire du droit de filmer les policiers est inscrite sur la circulaire n°2008-8433 du 23 décembre 2008, « Les policiers ne bénéficient pas de protection particulière en matière de droit à l’image, hormis lorsqu’ils sont affectés dans les services d’intervention, de lutte antiterroriste et de contre-espionnage (GIPN, Raid, DGSI…) » La circulaire précise « Il est exclu d’interpeller pour cette raison la personne effectuant l’enregistrement, de lui retirer son matériel ou de détruire l’enregistrement ou son support ».
Les temps changent et le progrès impose peu à peu son monde numérique… 132 millions de smartphones vendus dans le monde en 2008, plus de 1,5 milliard dix ans plus tard. Avant 2011, seul·es 17% des citoyen·nes étaient en capacité de faire des prises d’images dans l’espace public à l’aide d’un smartphone. Aujourd’hui, 77% des Francais·es possèdent une camera portable HD dans leur poche.
Malgré cette explosion numérique le(s) gouvernement(s) n’ont jamais retouché les dispositions énumérées dans la circulaire de 2008. Le 27 avril 2017, un mémo destiné à la police nationale, dans le cadre du projet AMARIS ( « Améliorer la Maîtrise des Activités et des Risques » lancé par Marie-France Monéger-Guyomarc’h, alors directrice de l’IGPN) reprend même quasiment mot pour mot la précédente circulaire, et vient rappeler aux fonctionnaires de police leur condition quant au droit à l’image. Ce type de message est clair, et crée inévitablement des démangeaisons chez les syndicats de police ou chez certains députés bien à droite comme Eric Ciotti.
Témoignage : “Dégage, sinon je t’embarque!”
Le 17 novembre, je suis monté à Paris pour couvrir l’anniversaire des Gilets Jaunes. En fin de manif, on assiste à plusieurs interpellations de la BRAV-M, je m’approche pour filmer l’une d’entre elles, et aussitôt un agent de police me pointe de sa lampe, qui m’empêche de filmer. Je me déplace pour pouvoir faire mon travail, mais je suis tout de suite approché par un autre policier qui me demande ma carte de presse, je la montre… Après quelques secondes, il me dit : “Dégage, sinon je t’embarque! Tu n’as pas le droit de filmer l’interpellé!”
Des témoignages de journalistes indépendants comme celui-ci, il y en beaucoup. A travers leur communication sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes se demandent s’ils peuvent filmer la police pendant une interpellation. La rubrique CheckNews de Libération explique qu’aucun texte n’interdit la captation de ce type d’images :
Les avocats interrogés s’accordent sur un point : contrairement à ce qu’affirme le policier, rien n’interdit à un photographe de presse de prendre en photo des interpellés. Pour Me Assous, «il est possible de filmer ou photographier une personne se faisant interpeller et menotter. La diffusion de cette image, ou de cette vidéo, n’encourt pas de sanction dès lors que la personne interpellée n’est pas identifiée ou identifiable, encore moins si cette dernière est d’accord pour que la photo soit diffusée».
Dans le cas des gilets jaunes ou des journalistes arrêtés lors des manifestations de l’acte XXIII, on peut supposer que certains souhaitent que leurs interpellations soient filmées et diffusées, pour documenter ce qu’ils considèrent comme des injustices.
Ce qui est interdit, en revanche, c’est de diffuser des images de personnes menottées ou entravées, reconnaissables et sans leur accord. L’article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose ainsi que «lorsqu’elle est réalisée sans l’accord de l’intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, de l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d’amende».
L’article de Libération se focalise sur le cas des photographes de presse, cependant la législation englobe les acteurs de la presse, mais également les citoyens. Selon une jurisprudence de 2005 de la Cour de cassation émise à travers deux arrêts; l’un du 25 janvier 2000 et l’autre du 20 février 2001, si la vidéo présente un “intérêt général” en matière d’information, les images peuvent être diffusées sans risque légal. Il existe cependant des exceptions importantes :
Il ne doit pas y avoir d’atteinte à la liberté de la personne ou au secret de l’instruction (il est par exemple interdit de publier une image d’une personne menottée ou d’une reconstitution judiciaire). Dans ces cas, la diffusion des images nécessite une absence de possibilité d’identification (un floutage par exemple).
Les forces de l’ordre ne bénéficient d’aucune protection particulière en matière de droit à l’image, sauf si elles sont affectées dans des services d’intervention (Raid, GIGN, GIPN, BRI, sécurité du Président…), à la lutte antiterroriste ou au contre-espionnage. Les services concernés sont énumérés dans l’arrêté du 27 juin 2008. Rien ne doit permettre de les identifier sur les vidéos (s’il y a floutage, il doit être extrêmement rigoureux pour ne pas risquer d’être poursuivi).
Face à une police qui voit sa popularité s’effondrer, mais continue régulièrement à obstruer les angles de vue de ceux et celles qui tentent de la filmer pour documenter son action publique, une autre question se pose: Un policier peut-il prendre votre téléphone ? Les journalistes de L’Obs n’ont aucune difficulté à trouver des réponses :
Non. Un gendarme ou un policier ne peut pas saisir un appareil photo ni une caméra, ou son contenu. Sauf s’il s’agit d’un officier de police judiciaire habilité par le parquet à l’effectuer. Mais cette mesure est rarissime et nécessite donc l’autorisation d’un magistrat.
Comme le rappelle la circulaire, un fonctionnaire de police, soumis à des règles déontologiques strictes auxquelles il doit se conformer, ne doit pas craindre l’enregistrement d’images et de sons.
Il est difficile de comprendre ce qui se passe avec la police. Pourquoi ne pas simplement respecter le code de déontologie et le règlement, et pourquoi nombre d’interventions policières deviennent ainsi des violences policières, relayées médiatiquement ? Manque de formation ? Une hiérarchie démantelée et déséquilibrée par le carriérisme, la volonté de ne pas faire de vagues en soulevant les problèmes de violence internes ? Un gouvernement permissif et complice ? Une police en déclin ? Le gouvernement, qui baigne dans sa novlangue idéologique, ne reconnaît pas la brutalité policière pourtant identifiée de manière récurrente, et camoufle celle-ci à travers le récit d’erreurs humaines, de faiblesses liées à la fatigue du suremploi de ces agents si dévoué·es à la République…
Ce sont des humains, avec leurs faiblesses ? On n’a pas le droit à ces « faiblesses » quand on remplit cette mission. On doit être irréprochable et arque-bouté sur des principes qui sont autant de garde-fous. Sinon, on change de métier. Comme un pilote qui perd la vue, un chirurgien dont la main tremble ou un couvreur qui a des vertiges. Comme un médecin qui trahit le serment d’Hippocrate ou un enseignant qui s’en prend aux enfants qu’il est chargé d’instruire.
https://blogs.mediapart.fr/philippe-blanchet/blog/180620/barbarie-policiere-barbarie-societale
Sur le droit qu’ont les policiers de filmer les citoyens avec des smartphones.
Dans la police, deux types de supports sont généralement utilisés pour filmer les citoyens: les caméras-piétons type Gopro, Sony, Canon, etc. Et les smartphones (système Android) homologués par les services de police, les tablettes Xperia Z4, les smartphones Xperia X, et certains modèles Samsung, tous porteurs de l’application NEOGEN (gendarmerie) ou NEOPOL (police).
En 2019, nous avons publié une enquête sur la dérive de certains policiers et l’utilisation de leurs smartphones personnels pour photographier et filmer des manifestants, des acteurs de la presse ou des observateurs de la Ligue des droits de l’Homme. Dans Police et numérique : dérives à mots couverts pendant les manifestations des Gilets Jaunes, nous avons recensé plusieurs cas d’abus de pouvoir numérique de la part de la police, mais aussi avons échangé avec des avocats et des juristes, pour mieux comprendre le cadre légal de la prise d’images de la part de la police.
Tout cet argumentaire vise à convaincre la population résidente en France que le combat contre la fraude documentaire et la criminalité est facilité par les merveilles du numérique. Mais, un certain aveuglement juridique, qui pourrait mettre en cause la protection des données et les libertés a souvent été évoqué et remis en question par des associations, ONG, juristes et avocats. Le Monde précise ainsi dans son article du 2 mars 2019 :
« plusieurs juristes estiment que la prise en photo, par un smartphone, des pièces d’identité est « injustifiée » et pourrait représenter une entrave au règlement général sur la protection des données (RGPD) et à la loi informatique et libertés. »
La protection des données remise en cause
Nous pouvons corroborer que le système normatif “à grande vitesse” a su s’adapter au monde numérique et profiter de ces nouvelles possibilités pour accroître l’efficacité du maintien de l’ordre public. Cependant, l’utilisation quotidienne des smartphones par les forces de police, révèle déjà une lacune dans la formation concernant ces mêmes cadres déontologiques. Celle-ci semble en effet résiduelle au sujet des smartphones « homologués par la police » et de leur logithèque, mais pire encore à propos de l’usage de leurs téléphones personnels dans le cadre de leurs missions.
Au cours de notre enquête, le fruit de nos échanges avec juristes et avocats a souvent abouti sur une mise en garde :
« L’un des soucis majeurs de cette pratique est celui de la protection des données… Et sur ce point la législation française est très restrictive. Je doute que les policiers aient le droit de se servir de leurs téléphones personnels pour prendre qui que ce soit en photo dans le cadre de leur travail. Si a fortiori il s’agit de téléphones non sécurisés (ce qui est fort probable), la question de la protection des données est encore plus importante. J’imagine que l’institution pourrait être condamnée pour cela (d’autant plus avec la réforme de la RGPD). »
Le paragraphe 6° de l’article 4 de la loi « Informatique et Libertés » dispose que :
“Les données à caractère personnel doivent être traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données, y compris la protection contre le traitement non autorisé ou illicite et contre la perte, la destruction ou les dégâts d’origine accidentelle, ou l’accès par des personnes non autorisées, à l’aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées.”
Pour des avocats et juristes, la grande difficulté pour pouvoir éclaircir toutes ces questions est la loi elle-même, et son « flou législatif et réglementaire ». En voici un exemple :
“Article 2: […] Constitue un fichier de données à caractère personnel tout ensemble structuré de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés, que cet ensemble soit centralisé, décentralisé ou réparti de manière fonctionnelle ou géographique. […]
Article 6 : I. – Il est interdit de traiter des données à caractère personnel qui révèlent […] les opinions politiques, les convictions […] philosophiques ou l’appartenance syndicale d’une personne physique […].
Article 5 : Un traitement de données à caractère personnel n’est licite que si, et dans la mesure où, il remplit au moins une des conditions suivantes : 5° Le traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission d’intérêt public ou relevant de l’exercice de l’autorité publique dont est investi le responsable du traitement […].”
Dans le cadre de manifestations et autres interventions, à défaut de contrôles administratifs, l’opacité entourant l’utilisation des smartphones ne peut permettre d’exclure de telles dérives. Le droit au respect de la vie privée se trouve également affecté par les risques de détournement des données, spécialement si de telles pratiques s’avèrent relativement marginales et effectuées en complète illégalité.
Reste encore une autre question, celle du temps de conservations de ces données. Pour les vidéos récoltées avec les camera piétons, les images peuvent être conservées pendant une durée maximale de 6 mois, à moins qu’elles ne servent « dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire ».
La Loi Informatique et Libertés encadre les utilisations prévues sur les appareils homologués de la police et de la gendarmerie, néanmoins, sur la question des smartphones personnels des agents, on ne trouve aucune disposition légale. Bien des exemples attestent que des agents de police réalisent des photos avec des iPhones personnels. L’iPhone ne fait en effet pas partie des téléphones pouvant supporter le logiciel Néogend ou Néopol, seuls les appareils Sony et Samsung fonctionnant sous Androïd ont été choisis pour équiper les agents de la gendarmerie et de la police nationales.
Sur le droit qu’ont les policiers de filmer les citoyens avec des caméras-piétons.
C’est là que le bât blesse: en effet, en avril 2018, le ministère de l’intérieur avait acheté 10 400 caméras fabriquées en Chine pour un budget de 2.300.000 euros, mais elles se sont avérées de piètre qualité et sont quasiment inutilisables en raison de problèmes de fixations défectueuses, d’un objectif obstrué en intervention (la direction du tir étant décalée de 90 degrés par rapport à la position de la caméra.) et surtout d’une autonomie dérisoire (2h50) ! Du coup, de nombreux policiers utilisent leur propre matériel.
Suite à nos échanges avec Me Thierry Vallat, nous fûmes invités à consulter son article Le cadre légal et la doctrine d’emploi de l’utilisation des caméras piétons par les forces de l’ordre. Me Vallat clarifie que suite à l’expérimentation concernant l’utilisation de caméras mobiles par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale entamé en 2012, un dispositif de « caméras piétons » est désormais mis en place dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale. Les forces de police sont appelées à respecter une loi promulguée en juin 2016, régie par les articles L. 241-1 et R. 241-1 et l’article L 241-2 et le Décret n° 2019-140 du 27 février 2019.
L’article L. 241-1 concerne la police nationale et la gendarmerie :
“Dans l’exercice de leurs missions de prévention des atteintes à l’ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ainsi que de leurs missions de police judiciaire, les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale peuvent procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées.
L’enregistrement n’est pas permanent.
Les enregistrements ont pour finalités la prévention des incidents au cours des interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale, le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ainsi que la formation et la pédagogie des agents.
Les caméras sont portées de façon apparente par les agents et les militaires. Un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Le déclenchement de l’enregistrement fait l’objet d’une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l’interdisent. Une information générale du public sur l’emploi de ces caméras est organisée par le ministre de l’intérieur. Les personnels auxquels les caméras individuelles sont fournies ne peuvent avoir accès directement aux enregistrements auxquels ils procèdent.
Les enregistrements audiovisuels, hors le cas où ils sont utilisés dans le cadre d’une procédure judiciaire, administrative ou disciplinaire, sont effacés au bout de six mois.”
Créé par la loi du 3 juin 2016, l’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure encadre donc l’utilisation des caméras piétons pour la police nationale et la gendarmerie.,
Une Instruction n° 18009 du 1er mars 2017 définit la doctrine d’emploi pour la police nationale et la gendarmerie.
Les enregistrements visuels et sonores réalisés à l’aide de ces caméras ont pour finalité :
– de prévenir les incidents au cours des interventions des agents de la police nationale et des militaires de la gendarmerie nationale ;
– de constater les infractions et de collecter les preuves nécessaires à la poursuite des auteurs ;
– d’assurer la formation des agents
Les policiers et les gendarmes régulièrement équipés de « caméras piétons » sont autorisés à les utiliser, quels que soient le moment et le lieu de déroulement de leurs interventions (lieux publics ou ouverts au public, lieux privés – y compris dans les véhicules -, domiciles et assimilés). Dans les domiciles, la captation des images et du son doit se cantonner au strict périmètre de l’intervention avec les tiers concernés.
L’enregistrement n’est pas permanent : le déclenchement de l’enregistrement au cours de l’intervention est laissé à l’appréciation du porteur de l’équipement, d’un membre de l’équipage ou du chef de patrouille. Il est notamment réalisé pour toutes les opérations au cours desquelles « se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées. » L’information préalable des personnes filmées est recommandée, en particulier dans les domiciles. Elle n’est toutefois pas obligatoire, notamment lorsque les conditions d’intervention ou les circonstances ne le permettent pas. Le consentement des personnes filmées n’étant pas requis, leur opposition ne fait pas obstacle à la poursuite de l’enregistrement.
Sur l’obligation ou non de la déclencher, c’est donc le facultatif qui l’emporte: les policiers sont seulement «invités» à enregistrer, par exemple lorsqu’ils utilisent un LBD, et seulement lorsque «les circonstances le permettent». Et en aucun cas, l’absence d’usage de la caméra ne constitue un motif invalidant le recours au LBD,
La « caméra piéton » est portée directement sur le personnel, de manière apparente, au moyen des matériels de fixation fournis par l’administration. Les personnels en civil équipés du dispositif doivent être porteurs des insignes extérieurs et apparents de leur qualité (brassard). Une fois activé, l’enregistrement doit être matérialisé par un signal visuel spécifique. Il perdure tant que les circonstances qui ont motivé son déclenchement persistent. Le porteur de la caméra s’assure de la visibilité du voyant par le ou les tiers filmé(s). Tout dispositif de transmission d’image en direct est interdit.
Les données enregistrées sont constituées :
– des images et des sons captés ;
– de la localisation géographique de l’intervention ;
– de son horodatage ; – de l’identification du porteur de la caméra, pour les matériels qui sont pourvus de cette possibilité.
Aucun enregistrement ne peut être effacé. Les caractéristiques techniques des matériels employés dans les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale sont décrites dans les notices techniques, annexées à l’instruction n° 18009 du 1er mars 2017
À l’issue de chaque vacation ou patrouille, les données enregistrées sont intégralement transférées sur les supports de stockage dédiés. Les données transférées sont systématiquement effacées des mémoires de la caméra.
La consultation des enregistrements ne peut être réalisée qu’une fois les données transférées, par les personnels dûment habilités. Les données sont conservées pendant une durée de 6 mois. Au terme de ce délai, les enregistrements sont automatiquement supprimés du traitement.
Les personnes filmées bénéficient d’un droit d’accès indirect aux enregistrements qui peut être exercé auprès de la Commission nationale de l’information et des libertés
Tout nouveau matériel acquis par le ministère de l’intérieur dans le cadre du présent dispositif doit faire l’objet d’une notice technique et transmises à la CNIL, conformément aux prescriptions des articles R. 241-1 et suivants du CSI.
Pour ce qui est de la police municipale, c’est l’article 3 de la loi n° 2018-697 du 3 août 2018 relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique qui a introduit un article L. 241-2 au code de la sécurité intérieure lequel dispose que:
« les agents de police municipale peuvent être autorisés, par le représentant de l’État dans le département, à procéder en tous lieux, au moyen de caméras individuelles, à un enregistrement audiovisuel de leurs interventions lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées ».
Ce décret précise que la procédure d’autorisation pour l’utilisation des caméras mobiles par les agents de police municipale sera délivrée par le préfet et autorise les communes à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel issues des enregistrements audiovisuels.
Entre l’autorisation et le traitement des données, Me Vallat précise qu’existent “des imprécisions concernant leur déclenchement” :
“Elle n’est toutefois pas obligatoire, notamment lorsque les conditions d’intervention ou les circonstances ne le permettent pas.
Sur l’obligation ou non de la déclencher, c’est donc le facultatif qui l’emporte: les policiers sont seulement «invités» à enregistrer.”
Un déclenchement facultatif, choix laissé au porteur de l’équipement ou à son supérieur, et qui soulève beaucoup de questions, surtout dans le cas des violences policières.
Une autre question, celle de l’utilisation et de la facilité d’accès aux images recueillies, est abordée par Mediapart qui parle d’un “fiasco des caméras-piétons” , mais aussi des criminologues comme Gwenola Ricordeau, que essaient de clarifier les dangers de cette technologie.
Une situation nuageuse en ce qui concerne les caméras piéton mais trop inconfortable pour les statut des smartphones. Un vide juridique, profitable pour la police, qui perturbe également la CNIL :
La Cnil a appelé en septembre 2018 à la tenue d’un débat démocratique autour de ces questions, « afin que soient définis les encadrements appropriés, en recherchant le juste équilibre entre les impératifs de sécurisation, notamment des espaces publics, et la préservation des droits et libertés de chacun »
En somme, si le cadre législatif définit de manière très claire le droit de filmer les forces de l’ordre dans l’exercice de leur mission publique, il existe de graves lacunes en ce qui concerne la situation inverse, et notamment le droit des agents à utiliser leurs smartphones personnels pour filmer leurs interventions, des interpellés, manifestants, ou simples personnes qui assistent à la scène. Quoi qu’il en soit, filmer les forces de l’ordre demeure un droit, et au delà, l’usage d’un contre-pouvoir et d’un contrôle démocratique.
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