Procès de militants de l’Amassada, la justice face à l’arnaque de la transition écologique

Mercredi 10 juin dernier devait se tenir au tribunal de Rodez le procès de quatre militant.es de l’Amassada, qui s’oppose à l’implantation d’un transformateur électrique RTE sur le territoire de la commune de Saint-Victor en Aveyron. Alors même que celle-ci accueille déjà dix-huit installations liées à l’électricité, RTE prévoit un site de plus de 7 hectares (soit 10 terrains de football) qui pourrait même s’étendre jusqu’au double.

La raison ? Connecter l’ensemble du parc éolien aveyronnais, mais aussi de l’Hérault, et d’une bonne partie du Gard, du Lot, et de la Lozère, le tout s’inscrivant dans une “autoroute” de l’électricité reliant les Pays-Bas au Maroc. Les militants de l’Amassada, après avoir acquis une parcelle en indivision et occupé la zone consécutivement à leur expropriation, avaient subi leur expulsion des lieux le 9 octobre 2019 par les forces de l’ordre.

Prélevé.es lors d’une action contre le projet trois jours plus tard, quatre militant.es avaient été déféré.es pour “participation à un attroupement avec dissimilation du visage, dégradations de véhicule de gendarmerie, dégradations de biens, outrages et violences avec arme envers agent dépositaire de l’autorité publique, refus de prélèvement ADN et refus de signalétique.”

Une tentative de court-circuiter la mobilisation de soutien ?

Curieux ménage que celui de la justice autour de ce procès, qui devait se tenir au mois de mars et a été une première fois reporté. Alors que le collectif de l’Amassada avait annoncé un appel à la mobilisation devant le tribunal pour cette nouvelle audience, le vendredi précédent celle-ci, le juge a finalement renvoyé le procès sur deux dates possibles (en juillet 2020 ou juin… 2021) avant de… se rétracter le mardi matin et de maintenir la date du mercredi 10 juin.

L’annonce du maintien de la date initiale s’est donc faite au dernier moment, et après que l’Amassada ait annoncé le renvoi du procès à ses soutiens. Est-ce là une façon de court-circuiter la mobilisation prévue pour soutenir les inculpés en dépit de l’interdiction générale de se regrouper ? Ou d’entraver la présence de témoins de poids cités à l’audience ?

Une “enquête à charge, impartiale et inexacte” selon la défense

Selon les témoignages de quatorze gendarmes, le jour de l’action, les manifestants cagoulés et masqués se sont rués sur le grillage du chantier. Les gendarmes mobiles ont riposté en utilisant du gaz lacrymogène et ont interpellé quatre des personnes présentes. Après une enquête menée par la gendarmerie, toutes ont été accusées des mêmes chefs d’inculpation. Certains procès-verbaux font état de jets de tomates pourries ou de pierres, les ITT ayant été délivrées sont très faibles, certains des interpellés ne sont pas identifiés formellement par les gendarmes.

Au procès, les inculpés sont revenus sur leurs motivations éthiques, et sur les conditions parfois violentes de leurs arrestations ou de leurs gardes à vue de 48 heures. L’un d’entre eux, retraité, a été déshabillé et “laissé en slip” à chaque déplacement de cellule ou interrogatoire. Tous.tes ont nié les violences reprochées. Leur avocat, maître Gallon, a veillé à dénoncer une enquête à charge, “impartiale et inexacte“.

Le procès d’une lutte, pas celui d’individus

Alors que plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées devant le tribunal pour soutenir par leurs chants et banderoles les inculpés, le procès voyait les débats arçonnés par la défense autour de la “mise à sac du monde” et de “l’état de nécessité écologique“, renseignés par les témoignages des chercheurs en environnement Christophe Bonneuil et en sciences sociales Mathieu Rigouste, présent à l’audience.

Dans une époque où l’on se tourne vers les énergies dites propres et renouvelables, le combat des militants de l’Amassada détonne. Car à première vue, les éoliennes industrielles semblent s’inscrire dans ce mouvement général de sortie des énergies fossiles. Mais lorsqu’on y regarde de plus près, on peut mesurer l’impact démesuré de ces projets gigantesques sur la nature. C’est contre l’hypocrisie dévastatrice de la transition écologique que cette lutte locale s’est dressée.

Affaiblir l’engagement opiniâtre des militants de l’Amassada, qui connaissent là leur second procès au pénal, semble être la véritable motivation des forces de gendarmerie et du Parquet, qui ont déjà par de multiples manières tenté de surveiller ou réprimer le mouvement.

Malgré la faiblesse des éléments du dossier, la Procureure a tout de même requis 8 mois de prison avec sursis, 5 ans d’interdiction de parution sur le territoire de Saint-Victor et Melvieu, tandis que les parties civiles demandaient pour près de 25000€ de dommages et intérêts. Le jugement est mis en délibéré au 8 juillet. Les juges seront-ils sensibles aux motivations légitimes de ces militants, amoureux de leur terroir et soucieux de l’état écologique du monde ?

 

 







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