Faire interdire les armes non létales : quelles solutions collectives ?

Le temps d’un colloque, la campagne Stop Armes Mutilantes, lancée fin 2019, a réuni à Montpellier le samedi 2 juillet 2022, de nombreux collectifs, associations et ONG qui luttent contre les violences policières et soutiennent celles et ceux qui les subissent. Les Médias Indépendants de Montpellier (Le Poing, Rapports de Forces, La Mule, Radio Gi.ne) étaient présents pour couvrir l’événement.

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Partie 3 : Faire interdire les armes non létales : quelles solutions collectives ?

Finalement, après de nombreuses heures de débat, les intervenant·es du colloque se sont réuni·es pour évoquer leurs stratégies pour lutter contre la violence d’État, avec l’objectif de mettre en commun, transmettre, et agir de concert sur le plan national. On débute par les actions de plaidoyer mises en avant par Anne-Sophie Simpère d’Amnesty International, pour qui « les armes mutilantes sont intrinsèquement contraires aux droits internationaux car disproportionnels » de fait et aux effets non maîtrisés. Actions de plaidoyer également menées par l’ACAT, qui apparente les violences policières à des traitements inhumains et dégradants, voire dans certains cas, à de la torture. Le collectif Désarmons-les !, qui se définit comme « abolitionniste radical », et pour qui « construire un rapport de forces nécessite de lutter au côté de ceux qui ont des approches différentes », présente ensuite son action de documentation et de sensibilisation. Ian B soulève ainsi l’enjeu des formations à mettre en place pour les familles des victimes ou les associations, celui de se réapproprier les moyens de l’enquête ou de l’importance de la communication : « Tous les moyens sont bons pour faire face au système de l’impunité et pour résister. »

 

Le Syndicat des avocats de France rappelle par la voix de Chloé Chalot, qu’on peut aussi utiliser le droit au niveau de l’État, en attaquant par exemple les institutions sur l’utilisation d’armes de guerre telles que les grenades, contraires au droit de manifester. L’avocate explique aussi la nécessité de se fédérer entre avocat·es spécialisé·es dans ce type de dossier, et de coopérer avec les collectifs de familles de victimes et les associations.

 

Issam El Khalfaoui, quant à lui, propose d’autres moyens d’action : la stigmatisation des experts qui valident des récits judiciaires incohérents ou faux, et qui sont souvent les mêmes qui reviennent dans les procédures ; ou encore, la communication à des journalistes spécialisés dans les médias étrangers. « Au Japon, depuis 1945, la police a tiré 3 fois pour refus d’obtempérer. En France, la peine de mort sans jugement est permise, alors que Macron donne des leçons » aux pays où la peine de mort est légale. Une option que partage Alexander Samuel, qui revient sur son expérience avec les gaz lacrymogènes, qu’il a réussi à rendre visible à l’international en mobilisant et la presse étrangère et la communauté scientifique.

 

Mélanie, la Gilet jaune amiénoise, pointe l’absence des syndicats qui « devraient soutenir les luttes autonomes [contre les violences d’État] et les mettre au centre de leurs actions par rapport au maintien de l’ordre. » Elle rappelle aussi l’importance des réseaux qui se constituent, comme le réseau Entraide, vérité et justice, qui fédère de nombreuses familles de victimes de violences policières. Red, la street-médic et illustratrice, en appelle pour sa part à mobiliser les artistes pour visibiliser la thématique à travers des éléments de communication, stickers, affiches, bandes dessinées.

 

Un autre intervenant ne croit pas tant aux appels à l’unité qu’à la mise en place de campagnes communes et de solutions pratiques : copwatching, autodéfense, lutte culturelle à travers les médias indépendants, création artistique in situ pour visibiliser géographiquement les violences d’État, ou même… s’en prendre aux infrastructures liées au maintien de l’ordre, par exemple en bloquant l’une des usines qui fabriquent les armes ou grenades, ou encore les grands salons de l’armement, tel que Milipol.

 

Stop Armes Mutilantes, le collectif montpelliérain à l’origine du colloque, a fini par exprimer sa position : ses membres mènent une campagne pacifique pour demander l’interdiction pure et simple des armes mutilantes, tout en cherchant à lancer un mouvement commun focalisé sur cette question, pour fédérer au plus large et éviter de possibles divisions sur la question du rôle de la police et du maintien de l’ordre en France.

 

Dans l’ensemble, le colloque se termine sans marche à suivre tout à fait concrète, mais avec des objectifs à atteindre. Avec en ligne de mire notamment, les procès des victimes du maintien de l’ordre autour desquels il faudra activer des mobilisations nationales : celui de Laurent Theron le 13 décembre 2022 à Paris, ou celui en appel de Ian B, à date encore inconnue mais qui se tiendra à Montpellier. Mais l’objectif principal reste de fédérer tous les réseaux associatifs et collectifs autour de la campagne « Stop Armes Mutilantes », objectif atteint dans le cadre de ce colloque, qui aura permis à cette lutte spécifique de passer du niveau local au plan national. Si d’autres objectifs concrets restent à définir, ils ont commencé à se dessiner le 2 juillet à La Carmagnole.

 

 







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