8M22 – À Paris, dans la fête et dans la rage

Le cortège pour la journée internationale des droits des femmes et des diversités de genre a défilé massivement ce 8 mars a Paris. 35 000 personnes étaient présentes selon les organisatrices, et pour une fois aucune d’entre elles n’était un.e policier.e en service. Il n’a pas été épargné, en revanche, par les candidat.es à la présidentielle. Manquaient à l’appel Emmanuel Macron, aux prises avec la guerre en Ukraine et dans le viseur de la manifestation, Éric Zemmour, Marine Le Pen et Valérie Pécresse, pour des raisons évidentes. Moins évidente l’absence du candidat communiste, Fabien Roussel. Mais Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Philippe Poutou étaient bien là. Le long parcours de manifestation, de la Gare du Nord à la Place Gambetta en passant par le cimetière du Père Lachaise, n’a pas découragé les participant.es, qui l’ont suivi pour la plupart jusqu’au bout. Le défilé a été joyeux et énergique, sans oublier de montrer la rage produite par les inégalités et les violences sexistes.

Au centre de la marche, le thème des féminicides, qui n’ont jamais cessé au cours du quinquennat Macron. Les organisatrices, NousToutes, l’ont souligné avec un die-in devant le cimetière Père Lachaise, pendant lequel 600 femmes représentant les tuées pendant les cinq dernières années se sont, tour à tour, allongées par terre. L’émotion palpable s’est exprimée ensuite par des cris de “Pas une de plus, pas une de plus !” partagés par tout le cortège. La présidence Macron est visée par les slogans criés, par les pancartes et par les prises de parole, considérant la communication autour de la “grande cause nationale” comme du “Blah Blah Blah”. Un exemple : les grévistes de l’éducation ont rappelé que la réforme Blanquer a rendu l’école plus élitiste, impactant considérablement plus les filles que les garçons. Les nombreux “dérapages” du ministre de l’intérieur Gerald Darmanin, qui a été accusé d’agression sexuelle (sans suite), étaient aussi dans le collimateur des manifestantes.

Les slogans détournant la dernière gaffe du chef des polices, qui a lancé “Vous inquiétez pas madame, ça va bien se passer” sur un plateau TV à Apolline de Malherbe.

Mais les revendications ne se sont pas arrêtées à la violence faite aux femmes : le thème du travail a été aussi porté au sein du cortège, par les syndicats mais pas que. Anne 1 , une syndicaliste soutien des grévistes au Monoprix de la place de la République, explique : « Dans les travaux “de service”, ce sont toujours les femmes les plus combatives. Dans le cas du Monoprix, c’est une femme qui était enceinte et qui a demandé à son patron une prime pour les transports qui a eu comme réponse : “Faites du vélo, moi j’en fais, ça fait du bien”. » Les femmes sont au centre de la question du travail, elles représentent en effet la majorité des travailleur.ses précaires. « Les femmes sont les plus déterminées, continue Anne, aussi parce que souvent elles ont un double travail : au taf et à la maison. Elles veulent que ce soit reconnu. »

Autre sujet sur la table, imposé par l’actualité, la guerre et les relations internationales. La manifestation a fait preuve d’un remarquable internationalisme. Le grand cortège des femmes kurdes, en l’honneur des trois militantes du PKK (Fidan Doğan, Sakine Cansiz et Leyla Söleymez) tuées à Paris le 10 janvier 2013, ouvrait la voie à d’autres : parmi les plus visibles Turques, Tamil, Soudanaises, Algériennes et Afghanes. Dans le cortège Tamil, les drapeaux Kurdes et ceux des Tigres Tamoul (organisation indépendantiste de l’Eelam Tamoul, au Sri-Lanka) étaient portés ensemble : « C’est parce que c’est partout pareil, partout c’est la même lutte », explique un manifestant.
La guerre en Ukraine a suscité beaucoup d’émoi, et inspiré des slogans. L’animatrice du cortège kurde de rappeler : « Ce sont les femmes qui paient en premier la guerre, c’est elles qui perdent leurs maris, leurs fils, c’est elles qui doivent prendre soin de leur famille, que ce soit en Ukraine, en Syrie, ou ailleurs ». « Les guerres des hommes nous tuent », lisait-on simplement sur une pancarte.

L’Anti-Pub de Paris a été particulièrement active pendant la manifestation

Les mots d’ordre ont été divers, antiracistes, internationalistes, écologistes, mais tous dans une perspective féministe qui indique une prise de conscience et une diffusion d’un sentiment révolutionnaire. Bien qu’une marche ne puisse pas changer le monde, et que celle du 8 mars parisien ait été très largement sage et dans les bornes, elle souligne une radicalité des propos et un ras-le-bol général, partagé par une large partie de la population.

 

 

1 Tous les noms ont été modifiés







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