ZAD du LIEN – Défendre la nature, défendre la décroissance

Comme nous l’avons constaté sur le terrain, le Département de l’Hérault a résolument engagé son passage en force sur le dossier du LIEN. Les travaux de déboisement sur la zone à défendre ont repris hier mardi 2 novembre et se sont poursuivis ce jour. Les activistes qui occupent le tracé du LIEN ont appelé à un large soutien pour résister au chantier. Une manifestation est également organisée par le collectif de soutien à la lutte contre le LIEN ce samedi 6 novembre, à 11h, devant la Préfecture de l’Hérault à Montpellier, pour exiger la suspension immédiate des travaux.

Peut-être pour éviter la possibilité d’une arrivée considérable d’éco-renforts, aujourd’hui, une nouvelle vague de déboisement a repris sur la zone. Hier, pendant quelques heures, les activistes ont réussi à arrêter les travaux. Mais vers 15 heures, une dizaine de gendarmes sont venus pour sécuriser le chantier. Les gendarmes ont quitté les lieux lorsque les travailleurs ont fini leur journée.

Ce mercredi, les travaux ont démarré dès 9h sous la surveillance massive de la gendarmerie. Une trentaine d’hommes en armes étaient présents pour dissuader toute action des activistes, encerclé·es et relégué·es dans leur zone habitée. Le Département de l’Hérault et le préfet Hugues Moutouh, semblent bien décidés à engager des moyens importants pour dévaster cette poche de garrigues au nord de Montpellier, en dépit d’un avis récent du Conseil d’État remettant en question la déclaration d’utilité publique du projet. La semaine dernière, c’était la première barricade de la ZAD qui était détruite et évacuée, comme un message politique fort, envoyé aux opposant·es.

Ces derniers jours, des centaines d’arbres, érables de Montpellier, pins méditerranéens, bouleaux, etc, parfois à la longévité d’un demi-siècle, ont été rasés et réduits en rondins. Sur une planète aussi fragile que la notre, dans un monde où les écosystèmes sont déjà en effondrement total, les politiques qui privilégient le mythe de la croissance infinie et le bétonnage démesuré doivent être combattues, à défaut d’être censurées. Pourquoi ne pas investir dans les transports publics, plus verts et plus efficients ? Dans l’intermodalité, les pistes cyclables ? Pourquoi ne pas investir dans une pensée de long terme et développer des formes de production locales, nationales ? Pourquoi ne pas préserver les terres agricoles des pourtours des villes, dont la fertilité a souvent concouru à l’implantation géographique de ces dernières ? Non, ce qui prime, c’est une vision mercantile et autoritaire de la société, à l’échelle internationale, où la nature est une ressource à exploiter, et non un partenaire à préserver.

Dans un monde capitaliste à très grande vitesse, le L.I.E.N, ou Liaison Intercantonale d’Évitement Nord, qui vient relier l’A9 à l’A750, représente un accroissement des flux de fret et la marchandisation d’une vaste zone naturelle et agricole, qui aboutit au réservoir de Bel-Air, poumon de la biodiversité montpelliéraine. Mais dans un monde déjà en détresse, pourquoi ne pas réduire la vitesse, améliorer les routes que nous avons déjà, et insister sur un mode de vie plus lent, plus humble, en phase avec les défis écologiques que pose l’urgence climatique ?

Ces activistes, souvent méprisés par la communauté, les médias, car ils et elles sont la frange la plus radicale du mouvement écologique français, sont fortement et injustement mis·es à l’épreuve et par beaucoup, au ban de la société. Issu·es du mouvement ZAD Partout, les activistes écologiques porté·es sur l’incarnation de la décroissance, nous montrent d’une part une liberté réelle, extraordinaire, et de l’autre, une résilience humaine rare. Leur refus d’un monde normatif et capitaliste qui dévore tout, finit par les inspirer, et constitue une force leur permettant d’abdiquer de leur confort, pour simplement défendre la nature.

Mais votre greenwashing le plus manifeste, c’est le LIEN. Vous parlez de route durable, mais ce qui est durable, c’est la pollution et les vagues de béton engendrées par cette infrastructure monumentale. Car le LIEN c’est à la fois un périphérique et une liaison entre deux autoroutes inscrites dans un réseau routier international. C’est la déforestation de plus de 40 000 arbres sur 28 ha, c’est la destruction de 115 espèces protégées, l’artificialisation du réservoir le plus riche en biodiversité de la métropole, le saccage d’une centaine d’hectares naturels ou agricoles.

Être zadiste et vivre sur une ZAD, c’est un engagement politique. Si le monde idéologique des activistes est parfois communiste, parfois anarchiste, parfois philosophiquement nihiliste, ils et elles sont fondamentalement écologistes, et essaient de créer un monde de résistance, avec les coeurs dans la boue et la tête dans les arbres. Leur fonctionnement est généralement horizontal, avec des porte-paroles, des commissions et des assemblées générales. Il y a des gens qui aiment être autonomes au sein de ces collectifs, et d’autres s’organiser en groupes. Les zadistes sont souvent dans la fleur de l’âge, ils et elles ont fini ou mis de côté leurs études, en philosophie, en histoire, charpenterie, boulangerie, architecture, etc. Ils et elles s’engagent sur la ZAD, mais en parallèle, militent pour les droits des migrants, des minorités de genre, contre l’autoritarisme de l’État. Font partie d’associations, de collectifs, de médias indépendants. Ils et elles sont partout.

 

La décroissance, c’est un concept-fantôme, provocateur, qui entend dénoncer la pensée unique développementiste et ouvrir des espaces communs de débat – et de conflit, verbal et non-violent, s’il le faut. La décroissance, c’est le cauchemar du développementiste, c’est aussi son poil à gratter. Il n’y a pas de « théorie » de la décroissance ni de « programme » politique. Se réclamer de la décroissance, c’est se réclamer de l’ouverture, du dynamitage du développementisme. Nous avons besoin d’une crise majeure du développement car c’est seulement de cette façon que nous sortirons de ce carcan qui nous étouffe et nous mène au gouffre.







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