[Alternative Féministe] – Les Heures Joyeu∙x∙ses, bar queer et féministe à Montpellier

Quand il s’agit de mettre le quotidien au service du militantisme – ou l’inverse – les féministes regorgent d’idées et de créativité. Les projets fleurissent, au grè de la créativité et de l’envie des militant∙es. Et puisque la lutte n’a pas de barrières, La Mule se propose de contribuer à la visibilisation de ces initiatives en créant une rubrique dédiée à leur mise en valeur. En guise d’inauguration, un projet aussi ambitieux qu’il est important et bienvenu : Les Heures Joyeu∙x∙ses, bar associatif queer et féministe.

 

Les Heures Joyeu∙x∙ses. Le nom donne l’idée. Inclusif et positif. Alors, comment résumer en quelques mots le projet ? « Le projet, c’est d’abord de créer un lieu où les personnes victimes d’oppressions systémiques puissent se retrouver pour partager un moment. La deuxième chose c’est de proposer sur place des moments d’échange, de discussion, des concerts, des expositions, entre personnes concernées par des oppressions ou qui réfléchissent à ces questions-là. » Beau programme.

Et à l’origine de ce projet, il y a deux personnes, Camila (il/elle)* et Léa (elle)*. « Ça fait des années que j’avais envie de monter un bar », raconte Léa. Après avoir intégré un master d’accompagnement entreupreunarial pour ouvrir un bar « classique » commercial, elle a finalement abandonné au moment du confinement. Mais ce sont des rencontres qui vont relancer l’idée. « Pendant le confinement, on avait accroché des mots à nos fenêtres pour inviter les voisin∙es à boire un coup ou faire des jeux. Il y a deux voisines qui ont répondu, et on a commencé à discuter. Je leur ai dit que j’hésitais à monter à Paris parce que niveau militantisme féministe c’était trop bien, et elles m’ont répondu que si tout le monde monte à Paris, y’aura jamais rien qui se créera ici. » La voilà convaincue de rester.

« On a déjà un bar associatif dans les Cévennes avec mes frères et sœurs, ajoute Camila. Il s’appelle El Combalache et ne fonctionne que l’été. C’est pas la même chose que ce qu’on va faire, mais ça nous a donné envie de faire un bar associatif à Montpellier, pour en faire un lieu de rencontres dans une démarche assez militante. » Le projet de bar associatif, queer et féministe est né. En quelques mois seulement, aidé par la complémentarité des deux initiateur∙ices, le projet des Heures Joyeu∙x∙ses est élaboré et mis sur pied.

*Les pronoms entre parenthèses correspondent aux pronoms utilisés par la personne.

Combler un manque à Montpellier

L’idée est aussi partie d’un constat, et surtout d’un manque. En effet, même si Montpellier est souvent, et depuis des années, mise en avant pour son environnement LGBT+friendly, très peu de lieux sont dédiés aux communautés queer et féministes, et ces derniers ne sont souvent que peu accessibles. « Ça nous arrive souvent, après la Pride ou des événements comme ça, quand on a envie de continuer, on sait pas trop où aller, indique Camila. On aime bien la bonne bière aussi. Un lieu comme ça y’en a pas trop, du coup, on s’est dit pourquoi pas le faire. »

Camila, Léa et la tireuse, premiers pas vers la concrétisation du bar. Source : Les Heures Joyeu∙x∙ses

Ainsi, le futur bar cherche à s’adresser à un public particulier, un public qui ne se retrouverait pas dans les structures existantes actuellement à Montpellier. Un public plutôt jeune et précaire, assez représentatif d’une partie de la communauté queer.

 Un lieu qui se veut le plus inclusif et participatif possible

Lutter contre les oppressions, voilà la démarche dans laquelle s’inscrit le projet. Et pour cela, il est nécessaire de créer un espace le plus sûr possible. « Bien sûr, un espace 100% safe n’existe pas et n’est pas possible pour tout le monde. Mais on a cette volonté d’être à l’écoute et on veut construire le lieu avec des personnes pour que chacun∙e puisse se sentir bien et s’approprier le projet. » C’est donc en concertation avec des personnes concernées que des idées pour faire du lieu un véritable espace d’accueil ont émergé. Toilettes et comptoir adaptés aux Personnes à Mobilité Réduite, soirées sans musique ou sans alcool régulières, carnet de commande… La liste est développée.

Outre ces initiatives, la réflexion inclusive et bienveillante est aussi menée sur le quotidien de l’établissement. « Avant l’ouverture, on va avoir une réunion avec les personnes qui le souhaitent pour décider d’une charte que toustes devront respecter. »  Et au-delà de ça, le règlement intérieur de l’association prévoit aussi un soutien juridique et une légitimité à exclure les personnes qui ne partageraient pas ces valeurs.

Mais le cœur du projet, lui, se trouve véritablement dans une démarche participative. « Pour l’instant, nous sommes deux à porter le projet, expliquent Camila et Léa. Mais l’objectif, c’est que d’autres personnes s’investissent dans le projet, entrent dans le bureau et fassent vivre le lieu. Nous, on est là pour qu’il prenne son envol. » Les énergies bénévoles sont ainsi les bienvenu∙es.

Indépendance financière

Très vite, la question de l’argent se pose. Comment financer un projet comme celui-ci qui, même s’il repose sur du bénévolat, engendre nécessairement des coûts et investissements. La solution, elle a été trouvée dans la mise en place d’une campagne de dons pour récolter les 10 000 € nécessaires à la concrétisation du projet, campagne toujours en cours à laquelle toustes peuvent participer. « Le système de dons a deux objectifs. D’abord, c’est d’impliquer les gens. On part du principe que si les gens ont envie d’un lieu comme celui-là, la cagnotte ira au bout. Sinon, tant pis. La deuxième chose, c’est qu’on ne veut pas rendre de compte à qui que ce soit. La mairie et les institutions font déjà de belles démonstrations de pinkwashing, que ce soit pour la Pride ou d’autres événements, en refusant toute subvention, on veut montrer notre opposition. » Et choisir l’indépendance, ce n’est pas forcément choisir la facilité. Mais quand la mairie utilise sans complexe l’image de la communauté LGBT+ à des fins politiques, quand le préfet, représentant de l’Etat, s’en prend à une militante féministe, on comprend la volonté de maintenir une distance avec les institutions.

Le bar fonctionnera donc, à terme, sur ses propres moyens, puisque l’idée est aussi de pouvoir rémunérer les intervenant∙es et musicien∙nes, qui viendraient faire vivre le lieu. « Le problème des bars queer aujourd’hui, c’est qu’ils s’arrêtent au bout de 3 ou 4 ans, parce que les personnes ne sont pas rémunérées au nom d’une éthique. C’est bien, mais c’est faire fi du fait qu’on est dans une société capitaliste et que sans rémunération, ça peut pas vivre. » Et pourtant, le but est bien d’installer une structure et de la pérenniser, d’autant plus que le système de rémunération s’inscrit aussi dans la démarche de lutte contre les inégalités dans la mesure où « les intervenant∙es seront en priorité des personnes précarisées, qui n’ont pas d’emploi ou qui galèrent par exemple. » En plus d’œuvrer à la visibilisation de la communauté queer, il s’agit également d’un moyen pour créer une économie solidaire, qui manque cruellement à nos sociétés.

Aller au bout de la démarche

Que serait un bar sans ses consommations ? Là encore, la ligne directrice est claire. « On veut de l’artisanal et du local. » Mais ça ne s’arrête pas là. Pour rester dans une forme de cohérence, le choix des produits s’oriente, ici encore, vers la mise en valeur de producteur∙ices queers ou de femmes. Vins, bières et sirops seront donc sélectionnés pour correspondre aux valeurs promues par le bar. Mais ça ne s’arrête pas là, puisqu’une partie des produits sera fait maison. « Avec le Combalache, on a l’habitude de faire tout maison, on ramasse des trucs et on fait des sirops. On voudrait s’en inspirer pour les Heures Joyeu∙x∙ses. Dans un premier temps, on ne fera pas de restauration froide, mais on le fera peut-être plus tard. »

« On voudrait remercier toutes les personnes qui ont déjà contribué au projet », concluent-iels. Alors même que les travaux dans les locaux ne sont pas terminés et que les démarches administratives sont encore nombreuses, déjà, les envies et les projets d’évolution du futur bar fusent et ne manquent pas, porté par le soutien d’une communauté qui répond à l’appel.

Pour plus d’informations ou pour participer à la création du bar associatif, rendez-vous ici.

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