Week-end de confluences sur la ZAD du LIEN et appel à l’occupation

Les choses s’accélèrent pour la lutte contre le LIEN, cette “route durable” promue par le Département de l’Hérault au Nord de Montpellier. Le week-end dernier a vu, à l’initiative du collectif de soutien à la ZAD du LIEN, plusieurs centaines de personnes venues des quatre coins de la France et souvent engagées dans des luttes contre de grands projets inutiles, réunies autour d’un programme de confluences alliant échanges et débats, ateliers artistiques et concerts. On notait la présence de collectifs de lutte venus d’ailleurs mais aussi d’alternatives locales : les Faucheurs volontaires, l’Amassada, Arrêt du Nucléaire, Stop Amazon, Railcoop, le collectif contre l’extension de l’aéroport de Montpellier…

La rencontre a culminé avec l’inauguration d’une grande exposition militante, “à la frontière entre le street art et le land art“, déployée sur la colline du Mas de Gentil, zone déjà déboisée du chantier, visible depuis la route départementale et les alentours, afin d’alerter et informer la population sur le projet. Enfin, un nouveau collectif a annoncé prendre possession de la zone à défendre afin de marquer une nouvelle étape dans la résistance au projet, et appelle toute personne déterminée à venir se joindre à l’occupation.

Une lutte radicalement anticapitaliste

Depuis un an et notre première rencontre avec le collectif SOS Oulala, qui a poursuivi cette lutte longue de vingt ans et auparavant menée par des riverain·es, l’argumentaire qui vient s’opposer à ce projet faramineux d’infrastructure routière s’est bien étayé. Après avoir fait un état des lieux des questions écologiques, politiques ou encore économiques, c’est la logique de métropolisation de la ville dans son ensemble, qui est soulevée par l’opposition au LIEN. Car cette route départementale, qui va finir de ceinturer Montpellier par le Nord, semble être le cheval de Troie de nombreux autres projets d’urbanisation. Le développement de grandes infrastructures routières est en effet aussi celui du territoire attenant, et comprend, dans le cadre de la métropole, de nombreuses problématiques que l’on retrouve partout en France (et dans le monde).

D’où cette nécessité et cette opportunité de réunir des luttes réparties un peu partout sur le territoire, et de mettre en commun des acquis, des recherches et des expériences, qui globalement combattent contre le même ennemi : le mythe néolibéral de la croissance infinie, l’avidité infinie du capitalisme. Des conférences débats sont venues mettre concrètement le doigt sur cette problématique : l’une assurée par des représentant·es de l’Amassada (voir notre suivi de cette lutte contre l’éolien industriel) autour de la question des réseaux et de l’expertise technocratique comme bâillon démocratique, une autre par le professeur à l’Institut d’urbanisme de Lyon Guillaume Faburel, venu d’un oeil très critique exposer le phénomène de métropolisation, ou encore d’autres interventions d’Arrêt du Nucléaire ou de l’asso Paysarbres. L’idée a également émergé de créer une base de données pour les luttes, réunissant argumentaires politiques ou juridiques, documentation, articles scientifiques, personnes ressources, etc, autour de la question de la métropolisation et de la lutte contre les grands projets.

Inscrites dans une logique compétitive, les grandes villes européennes, dont se targue désormais de faire partie Montpellier, se développent en suivant un principe d’attractivité renforcé par la construction d’infrastructures routières synonymes d’urbanisation et de gestions des flux à grande échelle. L’échelon métropolitain semble à l’échelle parfaite pour le capital : de grosses marges de manoeuvre sur le plan de l’aménagement du territoire, une démocratie locale assez opaque, un entre-soi politico-économique restreint et perméable. Les villes qui parviennent à se métropoliser drainent ainsi un flux d’investissements conséquent, qui entraîne la polarisation et la centralisation de l’activité économique vers le coeur du territoire, transformant les communes alentours en villages dortoirs et appelant un maillage infrastructurel visant à connecter l’ensemble. C’est dans cette logique que s’imprime le projet du LIEN.

Mais la construction de grands axes routiers entraîne un multiple effet papillon : en relançant ou rendant possible l’extractivisme des ressources naturelles du territoire (dans notre cas, il s’agit de la carrière Lafarge de Combaillaux qui reprendrait du service et serait même étendue), en rebattant le jeu du foncier agricole qui bénéficie dans la majorité des cas à une agriculture intensive peu respectueuse de l’environnement, ou en entraînant la viabilisation d’espaces naturels à destination de la grande distribution (comme le projet de Décathlon Oxylane situé à 2 minutes du tracé du LIEN) et soumis à une logique de spéculation foncière. Le département de l’Hérault qui présente le LIEN comme une route écologique, car visant à désengorger Montpellier, fait de plus l’impasse sur le phénomène du trafic induit, c’est à dire le fait que la création de nouveaux axes ne désengorge le réseau que pendant quelques années, l’urbanisation successive entraînant un nouvel afflux d’utilisateurs.

Le LIEN n’est donc pas qu’une simple route, mais bien l’une des pièces maîtresses d’un vaste ensemble de projets d’urbanisation, qui agglomèrerait pour l’heure déjà 70 hectares de projets de ZAC, et qui s’inscrit dans la logique de la métropolisation montpelliéraine. On ne peut qu’imaginer le développement de hubs routiers et d’entrepôts logistiques idéalement situés sur la jonction autoroutière qui se cache derrière la “route durable” du département. Et si la zone est l’une des dernières poches de biodiversité encore préservées autour de la ville, c’est bien parce qu’aucune infrastructure routière d’ampleur ne s’y trouve. En cas de victoire contre le LIEN, ce seraient ainsi bien d’autres luttes à mener contre la bétonisation de la zone qui n’auraient plus lieu d’être.

Pour plus d’informations, lire : Bétonisation, le LIEN ou l’arbre qui rase la forêt

Un collectif indépendant appelle à occuper et défendre la zone

Après ce week-end de réflexions et de confluences, un nouveau collectif indépendant a lancé l’occupation du tracé du LIEN, posant un nouveau jalon radical à la suite de plus de vingt ans de lutte contre le projet. Dans un communiqué publié sur sa page Facebook, le collectif appelle “toutes les copaines révolté.e.s […] à nous rejoindre le plus vite possible et en nombre. Nous sommes des militant.e.s libertaires et écologistes, des utopistes, des riverain.e.s, des squatteur.euse.s, et des électrons libres de diverses organisations politiques et environnementales … On occupera jusqu’à l’abandon du projet, déterminé.e.s à protéger notre terre, nos communs, notre futur. Nous luttons contre le L.I.E.N et son monde. Contre le béton qui stérilise notre avenir à tous et à toutes pour le profit de quelques un.e.s.

On occupe la ZAD aujourd’hui parce que l’urgence climatique et sociale nous appelle à un blocage immédiat de tous les projets destructeurs. Et contrairement à ce qu’on entend souvent dans la bouche de nos chers élu.e.s, patrons et journalistes, une ZAD ce n’est pas un QG de terroristes anti-démocratie, ni un regroupement de « casseurs » cherchant la violence à tout prix.” Des militant·es présent·es sur place nous confirment leur volonté de faire de la ZAD du LIEN un espace d’expérimentation et d’autogestion, de liberté et de solidarités, et un espace d’organisation, ouvert et utile aux autres luttes.

Les militant·es ont transmis une liste de besoins et d’autres informations via leur page Facebook.

Crédits photo : ZAD du LIEN







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