Incitation à la consommation en vue d’écouler la surproduction industrielle, pollution visuelle et dispositifs énergivores, gaspillage de papier, perpétuation des stéréotypes de genre, du sexisme et de la sexualisation des corps, colonisation de l’imaginaire, conditionnement de l’enfance, favorisation des multinationales face aux TPE et PME locales, la liste des griefs opposés à la publicité par le groupe montpelliérain d’Extinction Rebellion est longue, et on peut la rallonger encore par l’évidente connivence politique entre la majorité socialiste menée par le maire de Montpellier Michael Delafosse, avec des régies publicitaires aux pratiques douteuses.
Connivence politique avec l’hydre capitaliste
En effet, il y a quelques semaines, après avoir essuyé une polémique concernant la ristourne fiscale de 264 901€ accordée à l’afficheur JCDecaux, champion de l’optimisation fiscale révélée par les OpenLux Leaks, la majorité métropolitaine a fait avaliser un nouveau Règlement local de publicité intercommunal (RLPi), lequel consacre l’envahissement de l’espace public par la réclame capitaliste en dépit des engagements contraires pris par le maire pendant sa campagne. En parallèle, sentant l’odeur du renoncement poindre, le milieu militant avait lancé une vaste campagne singeant la communication métropolitaine et annonçant à la presse comme à la population, en envahissant les espaces publicitaires, la suppression définitive de la pub dans l’espace public. La métropole avait aussitôt annoncé déposer plainte pour usurpation d’identité.
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Si des efforts de communication relayés par une presse bien complaisante ont rapidement pu vanter la disparition de 25% de la publicité à l’échelle de la métropole de Montpellier, c’est surtout parce que nombre de communes la composant n’étaient dotées d’aucun ou de peu ambitieux règlements avant le vote de ce RLPi, devenu obligatoire en cadre métropolitain. Il est donc logique qu’au chaos prompt à dégrader les paysages de ces communes, succède une diminution de la présence de la pub, qui ne relève ainsi en rien d’une volonté politique écologiste.
Pour ce qui est de celles qui disposaient déjà d’un règlement, on constate au mieux un statu quo, au pire une régression dans l’esprit d’une limitation conséquente de la publicité. C’est l’une des raisons ayant provoqué la colère de certain·es élu·es qui demandaient un report du vote de ce RLPi dans le but d’en élaborer une version plus ambitieuse. Ainsi, les coûteux panneaux d’affichage numérique continueront leur expansion, les mobiliers urbains métropolitains poursuivront leur travail de promotion de l’inexorable dégradation de la planète à travers la surconsommation, et les régies publicitaires ne cesseront pas d’engranger de colossaux bénéfices.
Face à la fronde, le président Delafosse a argué de l’urgence à faire adopter un RLPi pour les communes jusque-là sans règlementation. Sauf que les annonceurs disposent de deux ans pour se mettre en conformité (desquels, disons-le, ils feront tout pour profiter), et que les délais légaux prévus par la loi Grenelle II, laissaient un laps de temps suffisamment large pour permettre à de véritables ambitions écologistes d’être mises en place. Delafosse a donc tenté de rassurer en conseil métropolitain, en promettant que ce RLPi pourrait être révisé à l’avenir. Mais comme le maire de Montpellier a déjà pu le prouver sur la première année de son mandat, les promesses n’engagent que celles et ceux qui les croient, en nombre toujours moins important en France à en juger l’abstention aux diverses élections.
Sensibiliser et accentuer la pression
Extinction Rebellion Montpellier a donc, dans une logique d’escalade, décidé d’en remettre une couche avec une nouvelle action anti-pub ce samedi 24 avril en fin de matinée. Dans un mouvement rapide, une vingtaine de militant·es s’emparent de la station de tramway Observatoire, montant sur les abris, craquant des fumigènes, déversant du faux sang sur le quai et les espaces d’affichage, affublant les publicités du message “La publicité tue”, tractant auprès de la population. Deux animateurs déclament un discours dénonçant la gabegie publicitaire et l’incurie politique qui l’accompagne.
À l’heure où la planète se meurt sous le plastique, où les ressources naturelles s’épuisent, où la biodiversité disparaît à un rythme frénétique, la sacrosainte consommation n’est pas prête à lâcher prise. On continue de nous vendre des véhicules polluants comme si de rien n’était, car il faut soutenir l’industrie automobile, quoiqu’il en coûte pour la planète. Mais la planète, elle n’en peut plus.
On continue à nous vendre des produits de luxe, des parfums, des bijoux, de la fast-fashion, quoiqu’il en coûte pour la planète. Mais la planète, elle n’en peut plus.
On continue à nous vendre de la nourriture issue de cultures et d’élevages intensifs, quoiqu’il en coûte pour la planète. Mais la planète, elle n’en peut plus.
On continue à nous vendre toujours plus de réseaux, de 5G, de servers, d’appareils connectés, quoiqu’il en coûte pour la planète. Mais la planète, elle n’en peut plus.
Rapidement, des agents de la Tam débarquent avec un ostensible agacement, et font appel à la police nationale. “Comment ça poucave !” glisse fort à propos l’un des usagers du tram, alors que les bleus débarquent en nombre illico presto. Les militant·es poursuivent néanmoins leur action, largement plébiscitée par les personnes qui attendent le tram, et ne répondent pas aux injonctions de quitter le sommet des abribus, malgré un message diffusé par la Tam avertissant du danger relatif aux lignes électriques. Relevons qu’en dépit de ce prétendu danger, la Tam n’a pas jugé bon de couper le courant et de stopper la circulation des trams. Finalement, les militants perchés descendent, avant de se voir relever leurs identités comme le reste du groupe. Un militant sera interpellé pour avoir badigeonné le quai de faux sang, et conduit au commissariat central, avant d’être relâché.
Lors du débrief, les militant·es d’XR se félicitent de la réussite de l’action, bien accueillie par la population, qui a pu leur témoigner son soutien et l’accroissement de la visibilité de leurs actions. Dans les rangs, des nouvelles têtes enthousiasmées, qui montrent quant à elles l’engouement suscité par la mobilisation écologiste citoyenne alors que chaque semaine apporte son lot de mauvaises nouvelles pour la planète, entre réalité de l’urgence climatique et simulacres politiques aux ambitions piteuses. Les efforts de sensibilisation des militant·es écologistes, au côté des milieux scientifiques, semblent pour le moins porter leurs fruits. Reste à voir s’ils susciteront la mobilisation et la radicalisation nécessaires d’un plus vaste ensemble de la population contre le greenwashing permanent, le mythe de la croissance verte et le sacrifice de la nature sur l’autel du profit.
Photographies : Photocratie.
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