Michael Delafosse risque un mauvais coup de pub ce lundi

MAJ: Le RLPi a finalement été approuvé par une écrasante majorité en conseil métropolitain, entérinant le statu quo en matière de publicité à Montpellier. Nous référons nos lectrices et lecteurs à ce compte-rendu du Poing.

Alors que chaque échéance électorale voit un peu plus la communication verte s’emparer des programmes sur l’ensemble du spectre politique, urgence climatique et réveil citoyen obligent, les dernières élections municipales à Montpellier n’ont pas échappé au mouvement. En témoigne la liste élue PS/EELV, prête à s’engager le 18 juin 2020 sur 31 des mesures du Pacte pour la Transition, une charte soumise aux futur·es élu·es par un collectif regroupant une soixantaine d’organisations militantes, afin de les positionner sur des mesures ambitieuses.

Toutefois, malgré l’arrivée de proto pistes cyclables et du bio dans les cantines, la première année de la mandature Delafosse aura déjà permis de révéler les ferments démagogiques de ce type de communication politique : rétropédalage sur le calendrier de mise en application de la réforme phare pour la gratuité des transports en commun, vote d’une subvention métropolitaine pour le développement de l’aéroport de Montpellier, bétonisation de la zone Cambacérès, volonté de faire financer en partie le Contournement Ouest (COM) par Vinci en échange d’un rallongement de sa concession de l’A9. Plus récemment, une ristourne fiscale – rendue possible par l’État – et accordée à la régie publicitaire JCDecaux, professionnelle de l’optimisation fiscale, est venue créer la polémique sur la question de la publicité, face à laquelle le maire Michael Delafosse a tenté de renvoyer la responsabilité sur l’ancienne équipe municipale.

Sur ce dernier point, il est de bon aloi de rappeler que parmi les mesures du Pacte pour la Transition figurait la suivante : “limiter la place de la publicité dans l’espace public”. Aussi, le vote pour l’approbation du Règlement Local de Publicité intercommunal (RLPi, le premier sous l’égide de la métropole) qui se tiendra ce lundi 29 mars en conseil métropolitain, retiendra-t-il particulièrement l’attention de citoyen·nes de plus en plus engagé·es sur la question, en témoigne le nombre très croissant d’actions anti-pubs menées à Montpellier ces dernières années.

Ainsi du collectif Changeons le système, pas le climat !, réunissant nombre d’associations militant pour l’application de mesures écologistes à la hauteur de l’urgence, et qui s’est, parmi bien d’autres engagements, activement impliqué afin de voir disparaître la publicité des espaces d’affichage détenus par la municipalité montpelliéraine. Las, la version du RLPi qui sera soumise à approbation au conseil métropolitain lundi et impulsée sous la mandature Saurel, semble loin de satisfaire le collectif, qui s’en est fait l’écho en dénonçant dans une lettre aux élus M3M “l’incohérence avec les enjeux écologiques et sociaux actuels qui sont au coeur du développement territorial de la Métropole.”

Manque de volonté politique, et de transparence

Par ailleurs, selon nos informations, plusieurs élu·es métropolitains auraient semble-t-il été mal informé·es des délais légaux relatifs à la mise en conformité des Règlements Locaux de Publicité antérieurs à la loi Grenelle II du 12 juillet 2010, laquelle transfère aux métropoles la compétence en la matière. En commission, il aurait été clairement indiqué à ces élu·es – notamment à celles et ceux dont les communes ne disposaient pas de RLP – l’urgence à se mettre en conformité et adopter le RLPi de la Métropole. Ce, alors que le délai permis par la loi Grenelle II, et prolongé, à la fois par la loi “Engagement et Proximité” du 27 décembre 2019 et en raison de l’état d’urgence sanitaire, court en réalité jusqu’au 25 octobre 2022. Une manoeuvre qui a suscité l’ire de certain·es élu·es des communes, dont les RLP – parfois bien plus ambitieux que celui proposé par la métropole – sont ainsi toujours valides pour un an et demi. Le délai réel permis par la loi pourrait ainsi permettre de plancher sur une version plus acceptable du nouveau règlement à l’échelle intercommunale, sans passer par un vote précipité.

Pour certain·es élu·es, derrière cette façon de faire, apparait tout un système ancré dans la pratique socialiste du pouvoir local, dont on constate le manque de transparence et la sincérité des débats : le présent RLPi aurait par exemple été transmis 24h avant son examen en commission métropolitaine. Par ailleurs, des élu·s se plaignent de réponses peu claires de la part des socialistes et d’un manque de débat sur le fond du dossier, ou d’une prise en considération a minima des résultats de l’enquête publique.

Bien qu’engagé sous la mandature Saurel, le RLPi qui sera voté lundi a subi quelques ajustements sous l’ère Delafosse, comme la limitation à 4m² de la taille des panneaux de publicité numérique. Mais le problème est-il réellement celui de la taille de ces panneaux ou de leur simple et abondante présence dans l’espace public ? En coulisses, on se dit très déçu du “manque de volonté politique” derrière ces ajustements cosmétiques traduisant un déphasage complet avec les enjeux écologiques actuels, et bien que le règlement puisse subir des modifications a posteriori, on a du mal à croire aux paroles quand on constate à quel point les actes viennent s’inféoder bien plus aux régies publicitaires qu’aux aspirations citoyennes. Aussi la question se pose de la sincérité d’un Delafosse qui avait déclaré : “Je serai un maire écologiste”.

Négliger la volonté citoyenne, un bon calcul politique ?

Le vote de ce RLPi en l’état pourrait ainsi être un nouveau jalon dans cette longue histoire du renoncement qui nous précipite dans l’inexorable pignon sur rue des multinationales sur l’espace public. Pourtant pour les militant·es écologistes, les arguments abondent à en faire disparaître la publicité : encouragement à la surconsommation, à la surproduction et au gaspillage, mise en avant quasi-monopolistique des grandes entreprises au détriment des TPE et PME locales, consommation massive de papier et d’électricité… ainsi, la promotion continue d’un système qui détruit notre environnement et notre vivre-ensemble, voué à conditionner la consommation et réduire à néant la pensée critique.

Aussi, le collectif Changeons le système, pas le climat ! n’est pas avare en propositions, également transmises aux élu·es de la Métropole : réduire la taille et la densité des espaces publicitaires dans l’espace public, interdire la publicité commerciale sur le mobilier urbain municipal, ou encore proscrire les écrans numériques publicitaires dans le RLPi.

Alors que ces derniers ont depuis quelques années poussé comme des champignons à travers la ville, Michaël Delafosse et sa majorité semblent attendus au tournant par le milieu militant comme par une partie des représentant·es à la métropole. Le maire de Montpellier, qui a su se rendre visible à l’échelle nationale par une certaine stratégie de communication (il vient d’être labellisé élu local de l’année), pourra-t-il se permettre de voir la Métropole continuer d’accuser du retard en matière de transition écologique ? Le renversement facile d’une Saurélie larguée sur la question malgré de multiples efforts en matière de greenwashing pourrait politiquement tenir lieu d’avertissement, à l’heure où la prise de conscience de l’urgence climatique accroît la mobilisation de la population : la communication ne suffit plus et l’attente est forte. À Montpellier, M. Delafosse a toutefois pu, au terme de municipales dantesques et entravées par la crise sanitaire, profiter du suicide cynique d’EELV puis de sa caution servile, par un accord d’entre deux tours boutant Saurel du trône clapassien et laissant loin derrière la douteuse alliance de “quatre fantastiques”

Si M. Delafosse, que l’on voit se positionner de manière toujours plus macron-compatible par sa geste sécuritaire et “laïque”, ambitionne peut-être un avenir au-delà du Clapas, qu’en sera-t-il en 2026 pour les élu·es de sa majorité, qui accompagnent chaque rendez-vous manqué avec une ligne écologiste ambitieuse ? La même question se pose plus généralement pour la baronnie socialiste alors que les départementales approchent. Mais pour l’heure, c’est celle de la publicité à Montpellier qui dès lundi va s’inscrire dans l’agenda politique, et faire résonner à nouveau le choix visiblement cornélien pour bien de nos élu·es entre le logiciel néolibéral et la viabilité de notre planète.

Entre temps, un malicieux tour a été joué à la collectivité. En effet, plusieurs rédactions locales – dont celle de la Mule – ont reçu ce samedi un communiqué de presse au nom de la métropole, annonçant la suppression à venir de la publicité de l’espace public lors du vote de ce fameux RLPi. « Pour stopper la pollution environnementale, visuelle  et culturelle, et la surconsommation générée par la publicité, la Métropole retire l’affichage publicitaire de ses rues et le remplace par des espaces d’expression publique ». Toutefois, un bref examen du document et de son adresse expéditrice (enregistrée sur gmail) laissent à deviner un habile coup fourré, que la métropole s’est empressée de dénoncer comme une “usurpation d’identité numérique” et une “fake news“. On le regretterait presque… La collectivité a annoncé qu’elle porterait plainte.







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