«Saccage 2024» : la résistance s’organise contre des JO destructeurs

Samedi 6 février le collectif de collectifs “Saccage 2024” s’est rassemblé pour la première fois à Paris, sur la place de l’Hôtel de Ville. Sous la pluie battante, la fédération des luttes contre la bétonisation et les grands projets inutiles à été lancée. Objectif  : organiser la résistance en vue des Jeux Olympiques de 2024.

Face à l’hôtel de ville de Paris, l’ambiance est festive ce samedi 6 février  : malgré le froid et la pluie, une centaine de personnes se rassemble pour lancer publiquement l’initiative «  Saccage 2024  ». Le collectif de collectifs se réunit, les luttes des uns et des autres sont partagées et le refus commun des projets inutiles et imposés est réaffirmé. La police est présente et semble être prête à intervenir, mais les présent.es se rassemblent sous deux barnums ou à côté, sous leur parapluies, et restent à l’écoute des prises de parole.

Les Jeux Olympiques, qui doivent se tenir à Paris en 2024, constituent le cadre dans lequel cette mobilisation a grandi. Ces trois prochaines années les travaux d’aménagement entreront dans le vif, et la ville se prépare à accueillir des milliers d’athlètes, les médias, et surtout les retombées économiques apportées par l’événement. Les JO sont notoirement l’occasion, pour les villes d’accueil, de se donner une vitrine internationale, d’attirer des touristes et des investisseurs, et de construire des nouvelles infrastructures, centres de loisirs, et bâtiments d’utilité publique. Du moins, c’est ce que les organisateurs aiment communiquer, et Paris ne fait pas défaut, avec ses vanteries de durabilité et de concertation démocratique, autour de ces projets pharaoniques.

En réalité, ce n’est plus un mystère que les JO signifient souvent spéculations immobilières, gentrification, et grands projets inutiles. Lors de l’édition 2016 au Brésil cela est apparu très clairement, avec des manifestations massives contre les ravages sociaux et économiques inhérents aux massifs investissements dans les Jeux. En 2020, ceux-ci étaient censés se tenir à Tokyo, mais la pandémie a forcé l’organisation à les renvoyer, et il n’est pas encore sûr qu’ils pourront avoir lieu cette année. Il faudra donc probablement s’attendre à une grande détermination face au succès des JO de Paris, vu l’opposition croissante des mouvements sociaux et le manque de fonds auquel les organisateurs doivent faire face.

Les JO, cheval de Troie du Grand Paris

Dans le ville lumière, les travaux sont affidés à un établissement public, la SOLIDEO, dont la présidente est la maire Anne Hidalgo. Le modèle de business qui se profile est donc le classique partenariat public-privé. Ce type d’opération est aujourd’hui connu  : jusqu’à maintenant les partenaires privés en tirent du profit tandis que l’État en assume les risques, on ne comprend donc pas pourquoi pour ces JO de Paris, la logique devrait changer. En outre, les projets sont tous concentrés dans la Seine-Saint Denis, ce qui alimente les soupçons d’un désir d’urbanisation, de profit et de rentabilité, qui s’inscrirait dans le cadre du Grand Paris. Ce projet multi-décennal, lancé à l’époque de la présidence Sarkozy, vise à transformer Paris en une métropole globale, avec tout ce que cela implique en termes de grands travaux, de profit, d’aménagement urbain, et de chasse aux pauvres. Un des nœuds fondamentaux du Grand Paris est le développement des infrastructures, notamment avec la construction de quatre nouvelles lignes de métro automatiques (15, 16, 17 et 18), et l’extension de deux déjà existantes (11 et 14), qui permettraient le déplacement rapide en banlieue. Ce réseau s’appellerait Grand Paris Express, et il s’accompagnerait du renouvellement urbain des zones concernées par la construction des gares. Nouveaux quartiers, centres de loisirs, et surtout centres commerciaux et bureaux  : voilà la recette du Grand Paris. La superposition des JO avec le Grand Paris pourrait être le dernier coup porté pour pousser le projet de gouvernance néolibérale de la capitale à ses limites.

Ainsi, la première chose qui surprend lors du rassemblement de ce samedi 6 février, c’est la diversité des collectifs représentés, qui ne luttent pas tous en soi contre les Jeux Olympiques. Comme le souligne dans son discours un parent d’élève, qui fait partie du collectif contre le projet d’aménagement de Pleyel, la question ne se pose pas uniquement au niveau de l’organisation des JO, mais aussi en termes de responsabilité des élu.es, de la justice et des investisseurs. Les JO seraient une bonne excuse pour faire passer en force les projets du Grand Paris, qui ont rencontré jusqu’à maintenant beaucoup de résistances. Pleyel est un exemple parfait, car le nouveau quartier envisagé par le Grand Paris («  la gare la plus importante des 64 du Grand Paris  » selon les mots du projet, elle doit devenir le terminus des lignes 14, 16 et 17) s’accompagnerait de la construction du village olympique. Tout cela, du point de vue des résistant·es, est un projet de gentrification imposé, qui vise surtout à faire gagner de l’argent aux entreprises immobilièresn et qui va mettre beaucoup de personnes en condition de ne plus pouvoir payer leurs loyers.

Cependant, le discours du Grand Paris et des JO n’est bien sûr pas structuré dans une opposition avec la population. Les bâtisseurs, les organisateurs et les investisseurs insistent sur la création d’emplois, sur la durabilité des projets et sur leur facette “écologique”, sur les bénéfices qui seront apportés aux habitant.es. Le schéma est le même partout, de Pleyel au triangle de Gonesse, de Saclay à Aubervilliers  : ces nouveaux quartiers vont apporter des emplois, du tourisme, des commerces, des services, en somme une vie plus heureuse.

À la Courneuve, le parc départemental Georges Valbon résume toutes les problématiques qu’on a abordé  : il était l’objet du projet «  Central Park » qui visait à en urbaniser l’intérieur. En 2015, une mobilisation citoyenne a stoppé cette initiative  ; mais dès 2017 le Grand Paris y a proposé la construction d’un village des médias pour les JO, dont les organisateurs n’avaient pourtant pas fait la demande. L’urbanisation du parc est justifiée par la nécessité du projet, mais comme le dit une membre du collectif Notre parc n’est pas à vendre, dans un rayon de huit kilomètres autour de celui-ci, près de mille hectares sont déjà dédiés à des bureaux. Il n’y a donc aucune urgence pour une nouvelle artificialisation de la zone.

Jeux Olympiques pour Paris, saccage pour la Seine-Saint-Denis

Le manque de démocratie dans les prises de décision à propos de l’aménagement des espaces urbains est souligné à plusieurs reprises par les intervenant.es. Une activiste qui défend les Jardins des Vertus, au Fort d’Aubervilliers, proteste  : «  ça s’appelle bien les JO de Paris, par contre le saccage il est pour la Seine-Saint Denis […] Madame Hidalgo, elle a un super plan pour planter 170000 arbres dans Paris, par contre, elle va venir saccager la Seine-Saint Denis  ». Le cas de ces jardins ouvriers où sont cultivés de nombreux potagers, est aussi indicateur du danger constitué par le partenariat public-privé  : la piscine olympique qui menace de destruction une partie des jardins, ne serait pas en soi un danger pour l’ensemble par l’ampleur de son bassin. Mais selon l’opposante, pour en garantir la rentabilité à l’entreprise SPIE Batignolles une fois terminés les JO, la piscine sera munie d’un solarium qui, lui, occupera des dizaines de parcelles de jardins.

Cerise sur le gâteau, les JO vont s’accompagner d’une chose qui ne manque déjà pas dans ce pays. Vous l’avez deviné, on parle de la surveillance policière. Le dernier intervenant décrit le projet du Livre blanc de la sécurité intérieure, et dessine un tableau assez sombre  : la loi sécurité globale ne serait que la première étape d’un parcours qui vise à déployer des nouvelles technologies de surveillance au sein de la police. L’idée serait de doter les policier.es de lunettes intelligentes, d’utiliser plus de drones, de développer des technologies de surveillance faciale. Tout cela favoriserait les entreprises françaises, comme Thales, qui font du développement technologique en matière de sécurité leur cheval de bataille. Les JO seront l’occasion pour ces entreprises de montrer au monde leurs bijoux.

Face à ces menaces, la riposte est déterminée et radicale, et plusieurs collectifs promettent qu’ils iront jusqu’à bloquer les travaux avec leurs corps si nécessaire. Entre temps, en effet, dimanche l’occupation effective de la ZAD de Gonesse a été lancée. Il semble que la dernière possibilité de dialogue a échoué il y a longtemps et que demeurent deux visions du monde radicalement différentes qui se font face.







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