Les juges du tribunal administratif de Paris sont allés au-delà de l’avis de la rapporteure publique. La justice a reconnu l’État coupable d’avoir commis une “faute” en ne mettant pas en place les mesures nécessaires à l’application de la trajectoire de réduction d’émissions de gaz à effets de serre qu’il s’était lui-même fixée. La France s’était ainsi engagée à diminuer ses émissions de 40% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, cependant cette réduction ces dernières années s’est limitée à environ 1% par an, en raison de mesures insuffisantes.
🎉 #LAffaireDuSiècle est HISTORIQUE : l’inaction climatique de l’Etat est jugée ILLÉGALE !
Cette victoire, c’est grâce à vous ! 👏
Restons mobilisé·e·s pour aller➕loin et obtenir de nouvelles victoires. Ensemble nous pouvons faire agir l’Etat concrètement pour le climat ! 👇 pic.twitter.com/jmokn6nqBR
— L'affaire du siècle (@laffairedusiecl) February 3, 2021
“L’affaire du siècle”, du nom de la campagne menée par quatre ONG (Notre affaire à tous, Greenpeace, Oxfam et la Fondation Nicolas Hulot) et qui avait recueilli plus de 2 millions de signatures en trois semaines, a finalement abouti sur cette condamnation qui ouvre la voie à de nouveaux développements dans la lutte juridique contre l’inaction climatique de l’État, reconnaissant son implication directe dans ce qui est reconnu comme “préjudice écologique”. Des personnes physiques ou morales s’estimant victimes d’un tel préjudice pourraient à terme impliquer l’État dans sa réparation, auprès des tribunaux, qui pourraient alors imposer des mesures contraignantes, au cas par cas.
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La nature de l’État est en contradiction avec les enjeux écologistes
Toutefois, l’idéologie néolibérale portée par la classe gouvernante semble en contradiction totale avec les enjeux climatiques, ce qui explique le si peu d’empressement des politiques à légiférer autour d’une vision d’ampleur de la question climatique. L’État est un outil certes commun, mais dont les moyens d’action concrète demeurent fondamentalement liés aux intérêts des classes possédantes. Alors que la Convention citoyenne pour le Climat avait formulé toute une série de mesures ambitieuses, reflétant le réalisme qui anime la population quant aux enjeux planétaires auxquels nous faisons face, le gouvernement en a ainsi enterré plusieurs parmi les plus efficientes, et largement vidées de leur substance un certain nombre.
Le projet de loi Convention Climat, qui sera soumis début mars à l’Assemblée nationale, est déjà sous le feu des critiques pour faire reposer la plupart de ses mesures sur les citoyen·nes sans agir de manière conséquente sur les industries, édulcorant même sous la pression du Médef certaines mesures comme le délit d’écocide, et faisant l’autruche sur la question de la réduction des gaz à effets de serre.
L’État a par ailleurs plusieurs fois été semoncé, tant par des instances consultatives comme le Haut Conseil pour le Climat, que par des institutions plus contraignantes comme le Conseil d’État, avec des effets jusque là très limités. Alors que les milieux scientifiques tirent la sonnette d’alarme, estimant que la fenêtre pour agir contre le dérèglement climatique ne cesse de s’amenuiser après des décennies où la majorité des États ont fait la sourde oreille, l’option légaliste semble pour l’heure impuissante par elle seule à pousser l’État à agir avec empressement, tant les intérêts qui animent les décideurs politiques – gouvernement Macron en tête de file – semblent à mille lieux de la notion de bien commun.
Lutte légaliste et radicalité citoyenne
Si la décision du tribunal administratif est une belle victoire pour les rangs écologistes, elle n’en demeure pas moins insuffisante pour “changer le système, pas le climat” selon le nouveau mot d’ordre du mouvement climat. Les luttes écologistes locales victorieuses sont celles qui, à l’image des ZAD, opèrent une résistance physique à des intérêts économiques, et une bataille culturelle auprès de la population.
La lutte mondiale pour le climat quant à elle appelle effectivement à un changement systémique, contraire aux intérêts de la classe dominante. C’est pourquoi, sans une radicalité nécessairement anticapitaliste, qui ne fera pas l’économie d’actions d’ampleur pour tenir la rue ou affaiblir, par de véritables grèves climatiques, l’assise économico-politique des élites néolibérales qui font et défont le monde, le changement de système nécessaire à notre survie semble encore lointain. Si la lutte auprès des tribunaux fait sans aucun doute progresser la bataille culturelle par une intense médiatisation, il apparaît qu’une majorité de la population est déjà parfaitement consciente des enjeux environnementaux. Reste à radicaliser cette base pour la rendre capable d’agir concrètement à son tour.
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