C’est une belle brochure A4 en couleur, massivement distribuée dans les boîtes aux lettres des héraultais·es, égrainant l’argumentaire du Département de l’Hérault sur son projet de rocade au Nord de Montpellier, le LIEN ou RD68, une extraordinaire et magnifique route “durable”, en partie en 2×2 voies. Le document présente tous les avantages possibles et imaginables d’un tel projet infrastructurel. Imaginables surtout, tant les arguties déployées par la majorité socialiste pour justifier l’irrémédiable destruction de l’habitat naturel de centaines d’espèces et la dévastation de l’une des dernières poches de nature aux alentours de Montpellier, échouent à camoufler le véritable objectif d’une telle route : démultiplier le développement et la croissance économique de la ville selon un modèle qui, en ces temps d’urgence climatique, devrait aujourd’hui plus que jamais être remis en question.
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Visiblement, la déclaration d’une ZAD sur le territoire visé par le dernier tronçon du LIEN a donné des sueurs froides aux décideurs du Département. Après l’expulsion et la destruction immédiates de la Maison de l’écologie et des résistances (MÉR) occupée par les opposant·es au projet (SOS Oulala, Greenpeace, Extinction Rebellion et ANV-COP21), le Département de l’Hérault se lance ainsi dans une campagne de communication massive aux relents de greenwashing, dénonçant les “FakeNews” et vantant sa route comme s’il s’agissait d’un ouvrage écologique. Or, tout cet argumentaire qui s’appuie beaucoup sur la dissimulation, la novlangue et la mauvaise foi, peut être battu en brèche par une simple once de bon sens tant il accumule les éléments de langage bidons et ses propres fakenews enrobées.
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En découvrant la brochure, les opposant·es s’étranglent : “Tout à l’intérieur est dédié à faire passer le LIEN pour un superbe aménagement écologique, pro-environnement, comme si c’était un truc un peu peace, sympa.” Un “territoire dynamisé” pour un arrière-pays qui en serait comme “apaisé”… Toute une page est consacrée au versant environnemental du LIEN, où le Département globalement assure qu’il respecte la Loi et ses dispositions écologiques (en réalité, des compensations visant à limiter tant que faire se peut l’impact des projets infrastructurels sur l’environnement, mais qui n’en font en rien des projets “eco-friendly”). On n’en attendrait pas moins… alors que la première déclaration d’utilité publique du projet avait été annulée par la justice pour “tromperie du public”.
Le Département, ce bétonneur plus écolo que les écolos
“Le respect de la Loi et plus encore !” Plus encore : à savoir, planter quelques arbres pour faire de l’aménagement paysager (des milliers ont déjà été arrachés sur le tracé), et implanter un aménagement cyclable, des aires de covoiturage, etc. Pour les opposant·es : “C’est une méthode de communication de mettre en avant la piste cyclable alors que le projet est bel et bien une nouvelle route. On n’a rien contre la piste, comme pour les parkings relais et aires de covoiturages, tout cela pourrait être mis en place sur les infrastructures existantes, sans qu’on vienne détruire des hectares d’espaces naturels et agricoles avec une nouvelle route.”
Le tracé de la piste cyclable est en lui-même révélateur de la priorité environnementale du projet : elle serait construite entre les deux échangeurs de la route, sans être connectée au reste du réseau cyclable… Autre argument que les opposant·es tiennent pour fallacieux : la fluidification présupposée du trafic. “Une route, ça n’enlève pas du trafic, ça en crée. On a zéro exemple de routes ayant vraiment fluidifié le trafic à long terme, car les principales conséquences d’une telle infrastructure sont l’urbanisation massive autour et le développement de nouvelles zones artificialisées” qui engendrent un nouveau trafic induit.
Le Département renvoie vers son site internet consacré au LIEN, dont ont étrangement disparu les documents de l’étude d’impact pour faire place à un nouvel habillage, dans les mêmes tons que la brochure, avec de nouveaux onglets consacrés aux éléments de communication.
Autre méthode utilisée dans la brochure, la stigmatisation de l’opposition au projet. Sur la brochure, le Département estime que les recours et les retards ont engendré 6,16M d’euros de dépense pour le contribuable, précisant que “sans ces retards, le dernier tronçon serait en service”. Ces recours font pourtant partie du fonctionnement de la démocratie : contester un projet sur son utilité publique doit-il être réduit par les autorités à un retard et des frais ? Un tel argument en dit long sur la considération par les socialistes du fonctionnement démocratique de la société et de ce qu’il permet en terme de remise en question des décisions prises par les élu·es.
Les opposant·es s’interrogent de plus sur le montant avancé par le Département : “soit ils ont pris des avocats extrêmement chers, soit ce montant ne reflète pas du tout les frais de justice, et c’est le coût de la 2ème étude d’impact qui serait inclus“. Rappelons donc que cette deuxième étude d’impact est intervenue à cause de l’illégalité de la première déclaration d’utilité publique, le Département ne peut ainsi s’en prendre qu’à lui-même et avance un montant exorbitant en toute mauvaise foi.
Créer des FakeNews puis les dénoncer
Mais là où on hésite entre le rire et les larmes, c’est lorsque la brochure proclame : “Stop aux FakeNews” et tente de démonter les arguments des opposant·es, tout en assénant son propre lot de contre-vérités. Pour cela, on prendra soin de présenter ces arguments de manière fallacieuse, en les caricaturant et les réduisant à des remarques naïves. Ainsi, pour l’opposition “le LIEN serait un projet autoroutier”. “On n’est pas débile, c’est une route départementale, mais qui vient faire jonction entre deux autoroutes [l’A9 et l’A75]. C’est ce qu’on appelle une “jonction autoroutière”, ce sont les termes mêmes utilisés dans le SCOT et parfois même dans le passé par le Département.” Plus de 10% du trafic estimé de la route pourrait ainsi provenir des autoroutes, bien que le Département assène qu’il n’y aura “aucun péage” sur le LIEN.
Deuxième argument présenté de mauvaise foi : “Le LIEN irait de pair avec le projet Décathlon Oxylane et la réouverture d’une carrière Lafarge”. Ces dossiers “totalement distincts” pour le Département, sont pourtant annonciateurs du véritable objectif du LIEN, qui vise à entraîner le développement économique et l’artificialisation du Nord de Montpellier. “Quand on dit que ces projets sont liés, c’est qu’ils font tous partie d’une même logique d’urbanisation du territoire. On est bien d’accord que le Département n’est pas dans le conseil d’administration de Décathlon et Lafarge, c’est encore un reproche de mauvaise foi. Pour autant, on reste dans le cadre d’une politique d’aménagement aberrante, d’une coordination de l’expansion urbaine, en pleine urgence climatique. Ces projets sont bel et bien dépendants du LIEN. Les documents d’enquête publique de la carrière Lafarge par exemple démontrent que c’est grâce à la construction du LIEN que la carrière va réouvrir et que son trafic va pouvoir augmenter.”
Le Département se garde bien par ailleurs d’évoquer la ZAC de Bel-Air et son étude d’impact, qui précise elle aussi que sa mise en place est dépendante de la mise en service du LIEN. “C’est écrit dans les documents d’urbanisme, le LIEN et la ZAC sont donc liés. On parle de 40 hectares de terres supplémentaires sur des zones agricoles et naturelles, qu’on pourrait ajouter à ceux du LIEN.”
Avec sa troisième “fakenews”, le Département continue de prendre les gens pour des imbéciles : “Le LIEN serait un cheval de Troie pour bétonner massivement le nord de Montpellier”. Le Département avance qu’aucune des zones n’est constructible aux abords de la route, celles-ci étant classées N (naturelles) ou A (agricoles) dans le Plan Local d’Urbanisme. Ce qui ne veut en rien dire que ce n’est pas voué à changer : les PLU sont régulièrement révisés, et il n’y a effectivement pour l’heure, tant que la route n’est pas construite, aucun intérêt à transformer la nature de ces terres. “Dans dix ans, on peut être sûr que le LIEN va appeler de l’urbanisation, c’est toujours comme ça que ça se passe. Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui les zones ne sont pas urbanisables qu’elles ne le deviendront pas.”
“Le département met en avant sa charte paysagère, qui prévoit que les zones autour de la route ne seront pas urbanisées. C’est surtout pour le bien être des automobilistes qui vont traverser de jolis paysages, et ça ne veut pas dire que de l’autre côté, ce ne sera pas artificialisé. On reste sur une route qui vient couper en deux un véritable poumon vert. Une fois que ce sera fait, on aura plus aucun scrupule à urbaniser et détruire de nouveaux espaces, la zone n’étant plus exceptionnelle par sa richesse et sa préservation.”
Au delà de la zone en elle-même, l’impact du LIEN serait multiple. Les routes sont toujours des appels d’air à l’artificialisation : au delà des alentours directs, toutes les communes qui seront connectées de manière plus rapide à Montpellier risquent d’accueillir de nouvelles zones résidentielles en réponse à l’énorme pression foncière sur Montpellier même. Un phénomène qui s’observe déjà dans les communes du Nord Est de l’agglomération qui sont connectées… aux premiers tronçons du LIEN. “Les promoteurs vendent souvent le temps de trajet.” L’élargissement de la couronne urbanisée pourrait trouver là un nouvel argument pour se poursuivre.
En d’autres termes, par la logique du développement et de la croissance infinis, on est à fond dans l’accompagnement du capitalisme par l’État et on comprend mieux quels types d’intérêts économiques animent le LIEN et en font un serpent de mer récurrent depuis des décennies. “Le département nous enfume en nous faisant croire qu’il n’y aura pas d’urbanisation autour du LIEN, mais c’est bien celle de l’ensemble du territoire qui est en jeu. C’est même dit dans l’étude d’impact : le LIEN aura un impact fort sur l’urbanisation.”
Le Département de l’Hérault aime à se présenter comme un grand défenseur de la nature. Il se sert pour cela de deux grosses zones “vitrines”, toujours très mises en valeurs dans les documents de communication : le Bois Saint Sauveur et le domaine de Restinclières. “Les projets qui y sont menés sont vraiment bien, il y a un bon travail sur l’agroforesterie, mais ils s’en servent comme excuse pour justifier la destruction de dizaines d’hectares sur d’autres projets.” Ainsi, le domaine de Restinclières devient l’espace de compensation des zones détruites par le LIEN : on ne crée donc en rien de nouvelles zones protégées, on se sert de terres déjà gérées de manière agroécologique pour détruire d’autres espaces naturels ou agricoles.
“Le LIEN conduirait à 114 espèces protégées détruites”. Là encore, l’argument des opposant·es est présenté de manière trompeuse : il ne s’agit évidemment pas d’espèces qui vont disparaitre en tant que telles. Ce sont en revanche leurs individus qui vont être impactés, leurs habitats détruits, grâce à la dérogation officielle qui décompte 109 espèces protégées. Certaines espèces endémiques ne pourront trouver de conditions de subsistance ailleurs sur le territoire. Le Département n’évoque évidemment pas la présence d’espèces non prises en compte par l’étude d’impact, et que les opposant·es au projet ont fait attester par des chercheurs. Ils ont d’ailleurs, par le biais de leur avocate, adressé un recours gracieux au Préfet, lui signalant la présence de ces espèces protégées parmi lesquelles la Loutre ou l’Engoulevent d’Europe.
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Même façon de présenter les choses de manière biaisée : “Le LIEN représente 60 hectares de terres bétonnées”. Le Département s’appuie pour démonter cet argument sur le chiffre de 10 hectares de surfaces imperméabilisées, qui correspondent à la route en tant que telle, limitant donc sa présentation du projet à sa simple bande d’asphalte. “Ces 10 hectares correspondraient en effet aux 7,8km de route multipliés par sa largeur, et n’incluent que la partie bitumée, mais pas tout ce qui est autour.” Ce ne sont pas ainsi 60 hectares de terres qui vont être “bétonnées”, mais bien directement impactées, pour y placer toutes sortes de déblais et remblais, bassins de rétention, aménagements paysagers qui vont entraîner la perte de surfaces naturelles au profit d’espaces totalement anthropoïsés, définitivement impactés. L’étude d’impact évoquerait par elle-même 70 hectares de terres impactées par l’aménagement global de la route.
Une route qui protège l’environnement ?
Les autres arguments brandis par le Département questionnent l’impact de la route en terme de risques. Le Département met ainsi en avant toutes les mesures de prise en charge des risques et qui relèvent en réalité de dispositions légales, comme si ces mesures effaçaient le risque, voire même, ajoutaient une plus-value à la protection de l’environnement. Ce sont en réalité des mesures qui visent à limiter les risques, lesquels sont bel et bien démultipliés par ce type de projets infrastructurels.
Exemple sur les risques d’inondations : une telle route nécessite la construction de nombreux bassins de rétention, qui ont des impacts sur les espèces comme sur le territoire, et qui n’annulent en rien, mais diminuent simplement le risque d’inondations entraîné par la route. Chaque artificialisation et imperméabilisation des sols via le béton et l’asphalte entraîne quoiqu’il en soit un risque plus fort d’inondations, car elles empêchent l’absorption de l’eau par les sols et les nappes phréatiques sur de vastes zones. “Ces mesures sont comme des pansements sur une plaie béante et permettent ensuite de dire : on contrôle la situation” pour les opposant·es.
“Sur les risques d’incendies, le Département est vraiment ridicule. Ils font croire que la route est un coupe feu. C’est un argument de mauvaise foi : la présence d’une route démultiplie les risques d’incendie, même si la route fait en soi coupe feu… Ils tournent les choses de manière à faire croire que la route diminue les risques d’incendie sur la zone.”
Mêmes circonvolutions sur la pollution de l’air, en s’appuyant sur un argument peut-être pas faux : la diminution du trafic sur les axes intrants montpelliérains, et donc de la pollution de l’air. “D’abord, on est loin d’être certains que ça va déporter le trafic de la ville sur un axe périphérique, sans politique efficace de la commune de Montpellier pour forcer les automobilistes à ne plus passer par le centre. Mais surtout, la création d’une nouvelle route comporte son trafic induit. Même si toutes les mesures sont prises pour limiter le trafic sur les axes premiers, il y aura quand même un trafic supplémentaire découlant de celui du LIEN par appel d’air : de nouveaux usagers, qui n’utilisaient pas leur voiture auparavant pour ce trajet, vont maintenant l’utiliser. Si on additionne trafic induit et trafic déporté, le trafic global du réseau routier sera supérieur et la pollution de l’air ne diminuera pas, elle sera juste déplacée. Au final, le Département déporte le problème tout en proclamant qu’il le règle. On reste dans la logique de favoriser le tout voiture, et tout ce que ça engendre.”
La bataille de la com’
Il est très difficile de bidonner de manière convaincante, quand bien même on serait rompu à la politique politicienne. La baronnie socialiste locale trouve ainsi du fil à retordre dans les oppositions qui se multiplient face aux projets qu’elle porte et qui ne font que refléter la collusion naturelle entre milieux politiques et économiques. Consciente de l’éveil de la population quant aux questions d’éthique ou d’environnement, elle cherche dans ces efforts de communication une manière de détourner le regard et l’intérêt de la population.
Une préoccupation que ne viendra pas démentir l’appel d’offre passé en catimini sur la plateforme du Département de l’Hérault, et qui vise à recruter un cabinet de communication spécifiquement dédié à la question du LIEN. Attention aux yeux…!
Le Maitre d’ouvrage souhaite s’appuyer sur un prestataire spécialisé dans l’accompagnement de grands projets d’aménagement du territoire pour élaborer et déployer une stratégie de communication, avant et pendant la réalisation des travaux.
A travers ses actions de communications, les objectifs du prestataire seront :
– De communiquer afin d’informer les riverains, les communes et les associations et autres cibles à déterminer (presse, usagers, entreprises… de l’avancement du projet.
– De mettre en valeur le travail réalisé par le maître d’ouvrage.
Pour cela, le prestataire axera ses actions de communication sur 3 grands principes :
– Sur l’anticipation par une communication volontariste et dynamique, de la désinformation possible des opposants et des réactions que pourraient susciter le projet.
– Sur le respect des engagements pris par le maître d‘ouvrage et notamment en matière d’environnement. Pour cela il s’appuiera sur : – Le travail réalisé par le coordinateur environnemental, missionné par le maître d’ouvrage. – La valorisation des actions et des mesures mises en œuvre par le maître d’ouvrage et le comité de suivi environnemental (voir annexe engagements du Département – volet environnemental), en faveur de l’environnement. – les bénéfices pour les différentes cibles
– Sur le suivi et l’avancement de l’opération : phasage général de l’opération, phasage par chantier, état d’avancement, sujets techniques, environnementaux et administratifs qui pourraient apparaitre en phase chantier.
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