Gilets jaunes Acte 64 – Montpellier, le carnage des forces de l’ordre

Samedi 1er février se tenait à Montpellier un acte national très attendu par le mouvement des Gilets jaunes, les rendez-vous dans la capitale héraultaise étant toujours explosifs et forts en émotions. Les Gilets se sont réunis à partir de 10h du matin sur la place de la Comédie, rejoints par de nombreux chats noirs qui ont formé un bloc impressionnant ce jour, et par des syndicalistes venus à titre personnel après l’appel lancé par les syndicats locaux à rejoindre la manifestation du samedi.

La stratégie des Jaunes face à celle de la police

Une stratégie avait été définie pour cet acte : tenir la place de la Comédie. Elle s’est avérée payante, du moins un temps, car le cortège plutôt que de partir tout de suite en promenade, est resté statique près des Trois Grâces, ce qui a permis des échanges avec la population, et même l’intégration de personnes lambdas, de familles et d’enfants, dans la manifestation.

Les forces de l’ordre sont restées lointaines, et conscientes de la présence de ces derniers, n’ont ainsi pas pu intervenir violemment pendant le premier tour de chauffe qui s’en est suivi, et qui a vu le cortège longer le centre-ville avant de revenir sur la place de la Comédie. Manifestants et forces de l’ordre se sont faits face un temps sans qu’aucune violence ne soit à déplorer. Un usage géostratégique très intelligent a été fait des forces policières, qui a pu maintenir l’activité du centre-ville tout en permettant la manifestation. La Mule s’en est réjouit, se demandant si pour une fois, un acte national à Montpellier allait pouvoir se dérouler normalement. Naïveté, quand tu nous prends…

Deux incursions ont ensuite tenté de rejoindre la Préfecture, où les forces de l’ordre se sont cette fois montrées fermes, avec l’usage de gaz lacrymogène dans un premier temps. C’est lors de la deuxième tentative d’accéder à la place des Martyrs de la Résistance, et alors que les chats noirs étaient moins nombreux, que la CDI34, la BAC et la CRS ont été envoyées pour disperser les manifestants, sur la place Jean Jaurès. Des échanges tendus ont précédé une charge dantesque, lors de laquelle un policier a réussi l’exploit de tirer une grenade lacrymogène dans un appartement, dont la vitre a explosé sous la puissance de l’impact.

La CDI et la BAC ont fait usage de trois grenades de désencerclement alors qu’elles procédaient à une charge offensive, que les manifestants ont naturellement fui. Le ton était donné. Car c’est à un véritable carnage que se sont ensuite adonnées les forces de l’ordre sur la place de la Comédie.

La stratégie de la tension génère le chaos

Toute l’après-midi, la place a été couverte de gaz, et les grenades ont pété à droite et à gauche sur des manifestants en très grande majorité pacifistes. De très nombreux blessés sont à déplorer, ainsi que de nombreuses interpellations (23 selon nos confrères du Poing). La police a fait usage du canon à eau à plusieurs reprises. Sans stratégie réelle si ce n’est d’agir avec disproportion pour éparpiller la manifestation, les policiers ont procédé à de nombreuses incursions et charges violentes au milieu de la foule, ce qui a eu pour effet de faire monter la tension progressivement.

En face, des manifestants résolus, et qui intègrent petit à petit des techniques de manifestation efficaces, en se dispersant par petits groupes ingérables pour finir par revenir sur la place. Les forces de l’ordre ont semblé dépassées de nombreuses fois et ont accumulé les erreurs, en se gazant parfois les unes les autres.

Mais les Gilets jaunes n’abdiquent pas. Et les forces de l’ordre ont du fondre le bleu de leur uniforme avec celui de la nuit. Du gaz lacrymogène a été utilisé très abondamment rue de la République, parce qu’une poubelle brûlait. On peut constater dans notre dernière vidéo que les ordres transmis par la hiérarchie ne sont parfois pas appliqués à la lettre.

Des causes politiques, des conséquences dramatiques

Le Préfet de l’Hérault a ce samedi montré qu’un maintien de l’ordre éclairé, apaisant les tensions plutôt que de les aviver, était tout à fait possible. Pendant trois heures, et c’est très rare voire inédit dans l’historique de nos actes nationaux montpelliérains, aucun incident n’a été à déplorer, si ce n’est un peu de casse sur le trajet du cortège, et notamment le McDonalds de la Comédie qui a été défiguré. Les assurances feront leur boulot.

Mais à partir de là, la stratégie de la tension a repris son cours et a abouti à de véritables scènes de guerre civile sur la place de la Comédie. Les preuves de la transgression de la loi par la police sont nombreuses. Celle-ci imagine-t-elle, en tirant au lanceur Cougar une grenade dans un secteur restreint, qu’un enfant attiré par le vacarme qu’elle a attisé, aurait pu se trouver derrière la fenêtre qui a explosé ? Avons-nous échappé de peu à notre Zineb Redouane locale ?

Une personne handicapée qui s’évanouit à cause des gaz, prise en charge par des medics, à nouveau ciblés par les forces de l’ordre pendant leur exercice de soin. Des interpellations abusives de manifestants pacifistes, des charges violentes, des coups de boucliers ou de tonfa sur des personnes âgées, des grenades utilisées abondamment et dans des situations offensives. Encore une fois le maintien de l’ordre “à la française” s’est montré disproportionné et honteux, et a mis en danger la population, comme ses troupes policières.

Quels buts poursuit cette stratégie de maintien de l’ordre ? Quand on voit que la pressurisation des cortèges par les forces de l’ordre s’applique aussi aux manifestations syndicales, à Paris ou Marseille, on ne peut que se demander si le pouvoir ne veut pas in fine discréditer tout mouvement social en attisant les réactions violentes épidermiques de ceux qui ne supportent pas l’injustice, pour aller vers une interdiction totale des manifestations.

Le mot d’ordre clairement politique est ainsi de faire taire non pas seulement les gilets jaunes ou les anarchistes, mais l’ensemble de la population contestataire. Une façon pour le gouvernement de foutre la poussière qu’il génère sous le tapis, en occultant la puissance des mouvements sociaux auxquels il fait face. Nous vivons aujourd’hui dans une république autoritariste et décadente.







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