Depuis quelques semaines, les membres du gouvernement et de la majorité rivalisent d’éléments de langage, maladroitement édulcorés et abscons, pour justifier le virement identitaire à droite opéré par Emmanuel Macron. Le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer a par exemple considéré de bon aloi d’estimer publiquement que “le voile islamique n’est pas souhaitable dans la société“, sans faire mention de ses propos plus que douteux sur la radicalisation “des petits garçons qui ne veulent pas tenir la main des petites filles“.
Dans un réflexe pavlovien plein d’hypocrisie, Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux ou M. Blanquer lui-même, ont prétendu se porter au secours de la maman voilée, accompagnatrice d’une sortie scolaire au conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, vertement prise à partie le 12 octobre 2019 par un élu RN, Julien Odoul. Cette cacophonie gouvernementale ne doit rien au hasard du calendrier. Car c’est Emmanuel Macron lui-même qui a tenu à relancer ce faux débat (la laïcité est strictement encadrée par la Loi de 1905), récurrent dans notre pays depuis les attentats du 11 septembre 2001 : la place de l’Islam au sein de la République, et notamment de son versant salafiste ou dit radical.
Récupérant la bonne vieille méthode Sarkozy-Buisson (voir notre dossier La Ligne Sarkozy), tout en la renouvelant, d’un langage feutré et lénifiant propre au discours ultralibéral moderne, Emmanuel Macron a sauté sur l’occasion qu’offrait la tuerie de Mickaël Harpon à la Préfecture de Police de Paris pour relancer cette thématique clivante, mais terriblement irrésistible pour faire monter le Rassemblement National afin de polariser les futures élections. Aussi une façon de détourner la sphère médiatique d’une crise sociale sans précédent, et du démantèlement continu de l’État à travers une succession de réformes ultralibérales impopulaires, alors que la répression ne cesse de se radicaliser.
On retrouve à peu près toujours la même stratégie : saturer l’espace médiatique de thématiques xéno- et islamophobes, attaquer l’Islam sur sa compatibilité avec la laïcité, l’utiliser comme bouc émissaire pour maintenir dans la peur une partie non négligeable de la population électorale, tout en se proposant d’apparaître comme le garde-fou le plus respectable aux “dérives communautaristes”. Évoquant une “hydre islamiste” lors de son hommage aux quatre victimes de l’attaque, mettant en cause un “Islam politique” incompatible avec la République, appelant à bâtir “une société de vigilance” et à repérer les “signes de radicalisation”, M. Macron s’ingénie à braconner l’électorat de la droite dure et du Rassemblement National. Tout en promettant un débat serein sur la question de l’Islam en France, et en appelant à “ne pas stigmatiser les musulmans“.
A ce petit jeu, il est pourtant certain que les Français préfèrent désormais l’original à la copie, comme l’ont montré les dernières élections européennes (lire notre analyse), véritable leçon de populisme pour l’élève Macron : la professeure Le Pen était au rendez-vous et a même su canaliser une partie du vote des gilets jaunes. Bien que les loups de la droite dure et désormais l’apprenti Macron serpentent sur ses terres, il semble que la présidente du RN soit la plus convaincante en matière de stigmatisation des musulmans. Peut-être parce qu’elle est aussi la plus extrême et la plus habile à jouer sur la peur d’une partie de la population (voir notre dossier sur la montée de l’extrême droite européenne).
Mais s’il est un domaine dans lequel notre jeune président et son équipe n’ont bel et bien plus besoin de faire leurs preuves, c’est celui de la répression et de l’autoritarisme. Banalisation et déni des violences policières, packages législatifs sécuritaires, entrée de l’État d’urgence dans le droit commun, pressions sur la liberté de la presse, stigmatisation et répression des manifestants, des grévistes, des militants et notamment anticapitalistes. La liste est longue, qui décrit un pouvoir à la fois craintif et violent envers un mouvement social surprenant par sa résilience, sa virulence, et son exponentialité.
C’est à l’aune de ces constats que la Quadrature du Net – association qui lutte depuis plus de dix ans pour la défense des droits et libertés des citoyens sur Internet et dénonce la surveillance de la population au travers des nouvelles technologies – a publié une infographie singeant la communication du gouvernement sur la question de la radicalisation. Titrée “Stop-Autoritarisme, agir contre la menace gouvernementale“, celle-ci propose à la population de s’informer sur les signes de “dérive autoritaire” qui doivent alerter.
De nombreuses fois confrontés à des “signaux, faibles” et parfois moins, de radicalisation autoritaire du gouvernement, nous relayons cette infographie dont vous pourrez prendre connaissance ci-dessous :
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