Les progrès des capacités de traitement des données au travers d’algorithmes et du Big Data semblent exponentiels et inarrêtables. Comme bien systématiquement dans l’histoire de l’homo sapiens, il semblerait qu’une certaine élite politique et économique soit disposée à promouvoir et se saisir de cette nouvelle gradation technologique. La France, parmi bien d’autres pays, se dote actuellement d’une armada sécuritaire expérimentale, alliant dans l’air du temps, surveillance urbaine et traitement automatisé.
Automatisation et centralisation des flux vidéos ou de données à des fins prédictives, reconnaissance faciale, micros, détection des émotions ou comportements “suspects” dans l’espace public, verbalisation automatisée, la liste des initiatives de maires français marchant main dans la main avec des industriels (Engie, Thalès, IBM, Huawei et autres multinationales humanistes) n’en finit pas de s’allonger. A défaut d’une politique sociale et économique cohérente, solidaire et humaine, une partie de nos représentants politiques ne se fait aucune honte d’exacerber le sentiment d’insécurité pour ensuite cadenasser l’espace urbain, mangeant dans la main d’entreprises qui accumulent des données qui valent de l’or. Dans la droite ligne des politiques sécuritaires néolibérales ou social-démocrates tenues en Europe depuis vingt ans, et affranchis par un arsenal législatif qui n’a fait que ronger les libertés publiques.
L’irrévocabilité du progrès nous met-elle face à nos propres limites ? Si la société urbaine dans son ensemble devient prédictive, si les comportements sociaux sont maîtrisés et régulés dans leur ensemble, ne sommes-nous pas voués à perdre tout libre arbitre et toute liberté ? L’être humain, déjà constamment happé dans son intimité par l’écran de son smartphone, ne va-t-il pas finir par perdre son essence et se dissoudre dans un espace public quadrillé par la technologie ?
C’est face à ces constats, et par des questionnements similaires, que militants et associations s’engageaient récemment, en juin 2019, sous le label Technopolice. Sur leur site internet, on trouve un manifeste s’insurgeant contre la mise en coupe réglée de la population urbaine (80% et en constante augmentation en France, comme dans le monde) par le concept de la Smart City, nom croquignolesque que le secteur capitaliste concerné appose sur toutes ces inventions liberticides.
Lesquelles cachent mal l’intention à peine voilée d’accumuler un maximum de données pour mieux vendre, et pourquoi pas influencer les comportements des citoyens pour s’assurer d’en faire de bons consommateurs. L’utilisation de la technologie dans la répression du mouvement social ou le saucissonage législatif de la liberté d’expression sur internet, sont déjà des exemples de comment le politique succombe, à toute époque, à résorber les espaces où s’exercent la Liberté.
Soutenu par d’autres associations ou organisations de diverses franges d’action (Framasoft, la Quadrature du Net, la LDH, Bits of Freedom, le Syndicat des Avocats de France, parmi elles) Technopolice est aussi un espace d’échange et de réflexion au travers d’un forum, et du “carré“, plateforme d’analyse et d’échanges directs entre citoyens ou militants. On peut également bénéficier d’un point sur les différents projets et entreprises concernés en France, et sur les divers moyens d’action ou de mobilisation à développer dans le cadre d’une lutte contre la généralisation de la surveillance.
Photographie: R. Parreira
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