29 Mars, Journée de la jeunesse combattante au Chili

La memoire est une arme chargée d’avenir

 

Depuis l’an 1985, tous les 29 mars, les quartiers populaires du pays rendent hommage aux victimes de la dictature civique-militaire d’Augusto Pinochet, auteur d’un coup d’état contre le gouvernement de l’Unité Populaire et son Président Salvador Allende. La jeunesse combattante donne rendez-vous dans les artères principales des villes, entre le feu des barricades, les feux d’artifice, les graffitis, les guitares : ils et elles ne permettront jamais l’oubli.

En 1985, 53 Chiliens ont été froidement et lâchement assassinés par la dictature civique-militaire. Pour l’élimination de 8 d’entre eux, la technique des “morts dans les affrontements” a été utilisée, faisant ainsi passer les victimes pour responsables de leur propre mort, tout en les qualifiant de “terroristes”, “subversifs”, “violentistes”, des accusations jamais prouvées.

http://www.derechos.org/nizkor/chile/libros/sobarzo/vergara/intro.html 

Eduardo, Rafael et Pablo Vergara Toledo, le dernier assassiné en 1988 par la police.

La nuit du vendredi 29 mars de l’année 1985, plusieurs crimes politiques ont été commis à Santiago du Chili : dans la commune d’Estacion Central, les frères Rafael et Eduardo Vergara Toledo, 18 et 20 ans, tous les deux militants du Mouvement de Gauche Révolutionnaire (MIR), sont exécutés et leurs corps abandonnés dans les rues de la capitale par des policiers membres de la Direction Nationale d’Intelligence (DINA), plus tard devenue Central National d’Intelligence (CNI), avec environ 1500 membres dont des policiers, des militaires, des médecins, des avocats, des politiques et des citoyens.  Le groupe de policiers responsable de ces assassinats était commandé par le sous-lieutenant Alex Ambler Hinojosa accompagné de Nelson Toledo Puente, Marcelo Munoz Cifuentes et Jorge Marin Jimenez. Les policiers ont déclaré dans un communiqué que ces jeunes auraient été abattus suite à des affrontements liés à des faits de délinquance.

Selon les enquêtes menées par la “Commission Vérité et Réconciliation“, la “Corporation Nationale de Réparation et de Réconciliation” et la “Commission Nationale de la Prison Politique et de la Torture” le nombre de victimes entre le 11 septembre 1973 et le 11 mars 1990 serait de 31 686 personnes, dont 28 459 torturés, 2 125 exécutés et 1 102 disparus.

Paulina Aguirre Tobar

Lors de cette même nuit, à 23h15, dans la commune de Le Barnechea, toujours dans la capitale du pays, Paulina Aguirre Tobar de 20 ans, aussi militante du MIR, a été abattue de 8 tirs tirés par le service d’intelligence national (CNI), en rentrant le soir, dans le jardin de la maison. Selon les policiers, la jeune femme a été visée pour avoir sortie une arme et tiré sur les policiers, pour avoir des munitions dans la chambre qu’elle louait, et par légitime défense des policiers. L’enquête du procès a démontré qu’elle n’était pas armée, n’avait aucune trace de poudre à canon sur elle, ni sur ses habits, ni sur ses mains. Paulina était traquée depuis des mois par ces agents.

Manuel Guerrero, Jose Parada et Santiago Nattino, Professeurs membres du Parti Communiste

Le professeur Manuel Guerrero Ceballo, l’illustrateur Santiago Nattino Allende et le sociologue Jose Parada Maluenda, trois membres du “Parti Communiste du Chili”, ont été enlevés pendant la journée du 29 mars et retrouvés morts le lendemain, cruellement torturés et finalement “égorgés”, ce dernier terme donnant son nom à cette affaire qui a bouleversé le pays.

Les policiers impliqués dans ces assassinats ont intégré un autre groupe d’intelligence de la police chilienne (DICOMCAR), dont 16 autres membres ont été reconnus coupables du meurtre. Parmi eux, cinq ont été condamnés à la prison à vie : Guillermo González Betancourt, José Fuentes Castro, Alejandro Sáez Mardones, Claudio Salazar Fuentes et Miguel Estay Reyno. Cependant, tous ont été libérés par la suite, à l’exception du dernier, qui serait décédé durant son incarcération.

“Luisa Toledo, mère des jeunes Rafael, Eduardo et Pablo Vergara Toledo”

Pourquoi on exige de nous de rester pacifiques jusqu’à la mort? Pourquoi nous? Pourquoi nous n’utiliserions pas la violence pour nous défendre ? Si nous avons le peuple Mapuche comme ancêtre, ne sont pas nos ancêtres les lâches parmi les espagnols, et ce sont nos ancêtres les Mapuche qui les ont fait reculer, avec des lances…

Je vois le sourire de Rafael dans chaque enfant, dans chaque jeune qui rejoint la lutte, je vois la sérénité de Pablo, je vois l’éloquence d’Eduardo, ça c’est moi. 

Je suis pour la violence ! Certainement pour la violence. S’ils vont nous fracasser encore une fois, nous tuer encore une fois, nous enfermer encore une fois, s’ils vont encore une fois nous faire disparaitre…

Luisa Toledo

“Le sang versé ne s’efface pas en nettoyant les murs” Denisse Cortez Présente!

“Pas plus de morts pour lutter”

“et ton champ de fleurs bordées est tout un cimetière”, en référence à l’hymne national chilien.

 







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