Disposées sur le rebord de la fontaine devant la Préfecture, plusieurs centaines de bougies éclairent quelques visages à l’air grave. En ce samedi soir, 18 heures, près de 150 personnes sont rassemblées. Certain∙es arborent des drapeaux, d’autres portent des pancartes. Mais l’heure n’est pas à la fête. Le 20 novembre marque le Transgender Day of Remembrance (TDoR), ou Journée du souvenir trans.
« Nous sommes le 20 novembre et cette année, 375 personnes trans sont mortes. Nous sommes le 20 novembre et cette année, 375 personnes trans sont mortes à cause de la transphobie, de la transmisogynie et de la haine. Nous sommes le 20 novembre 2021, et depuis le 1er janvier 2008, plus de 2800 personnes sont mortes dans le monde, parce qu’elles étaient des femmes trans, des hommes trans, des personnes non-binaires. »
Pendant près de deux heures, les prises de paroles se succèdent. Dans chaque témoignage, la même douleur, et souvent, la même détresse face à la violence dont iels sont systématiquement les cibles. Pour certain∙es, c’est la première fois qu’iels prennent la parole. Leur voix est parfois tremblante, l’assemblée les écoute en silence. On les encourage, les applaudit.
« La journée du souvenir trans, marquée le 20 novembre sur le calendrier, c’est tous les jours pour nous. Car nous connaissons tous trop de personnes décédées, nous les connaissons de plus ou moins loin. Nous ne les avons peut-être jamais vues, mais leurs noms, leurs visages, leurs histoires sont si proches des nôtres. »
Il y a du monde. Peut-être plus qu’à l’accoutumée sur ce type de manifestation dédiée aux personnes trans. Mais une chose dérange. Pourquoi est-ce toujours les mêmes visages que l’on retrouve sur chaque mobilisation ? Pourquoi ce sont toujours les mêmes personnes qui viennent montrer leur soutien ? Où sont toutes les autres, celles que l’on entend beaucoup dans d’autres manifestations, mais que l’on voit peu lorsqu’il s’agit de défendre certaines minorités ? La question trans ne les intéresse pas ? Elle devrait. « Nous ne souffrons pas d’être transgenre, nous souffrons du traitement d’être transgenre qu’on nous réserve. »
Elle devrait les intéresser. Nous intéresser. Et pas qu’un seul jour dans l’année. Parce que les violences à caractère transphobe sont le quotidien de certaines personnes, et que refuser de les voir, c’est s’en rendre complice.
« Aujourd’hui n’est pas un jour spécial pour nous, et ça ne devrait pas être juste une journée, nous nous souvenons tous les jours. Les politiques actuelles, les institutions comme le Crous, les structures médicales et bien d’autres encore nous éloignent, nous précarisent, nous tuent. »
Un flambeau est allumé. Il passe de main en main. Pendant quelques minutes, les regards sont tournés vers cette flamme qui circule dans l’assemblée. Et alors que le bâton se consume, quelque chose se crée, comme un lien entre toustes. Un lien d’entraide, un lien de détermination, un lien de solidarité. « Tendons-nous mutuellement la main, et tenons bon. »
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