À la Pride de Montpellier, bamboche municipale, protestations et célébrations

Une marée humaine comme on en voit rarement à Montpellier. Compacte, dense mais surtout colorée et très animée. Ballons, paillettes, arcs-en-ciel… Aucun doute n’est permis, il s’agit bien du cortège de la Pride. Pour sa 21e édition, la menace du mauvais temps n’aura pas empêché une foule de plus de 10 000 personnes de se rassembler au départ du Peyrou. Les drapeaux s’agitent dans tous les sens, la foule danse, chante et les rues de la ville se remplissent d’une clameur qu’il est impossible de ne pas entendre. Une immense fête à la gloire de l’amour et de la diversité. Enfin, c’est en tout cas ce qui est mis en avant, au détriment de la dimension militante de l’événement qui peine à exister.

Dans le flot humain que compose la marche des fiertés, un seul petit cortège dénote. À l’avant, une banderole : « LGBTI+ Anti-impérialistes Soutien aux bidonvilles expulsés par la mairie ». Derrière, les militant∙es enchaînent les slogans politiques, qui semblent parfois bien loin des préoccupations des autres participant∙es. « On est pas là pour ça », souffle quelqu’un∙e en entendant les cris du cortège queer et révolutionnaire. Regrettable.

La toute première mobilisation de ce type est née d’une émeute, un épisode violent en réaction à une descente de flics dans le bar  LGBT de Stonewall Inn à New York. Rappelons que cet événement est considéré comme fondateur des mouvements pour les droits des personnes LGBT+. Impossible donc d’écarter tout enjeu de lutte de cette Pride. Et c’est pourtant ce qui tend à être fait. À l’exception de quelques pancartes de soutien à la communauté trans sur l’un des 11 chars, les slogans politiques sont rares, en comparaison du nombre de personnes présentes. Comme si lutte et fête n’étaient pas compatibles.

Il faut dire que l’ensemble de l’organisation du cortège ne permet pas vraiment à la dimension militante d’être présente. Entre le pinkwashing institutionnalisé et une diversité très relative, on peut facilement expliquer pourquoi le discours militant est assez effacé. De plus, on peut regretter une certaine absence d’accessibilité à la marche. Rien de prévu pour les personnes à mobilité réduite ou handis, pas de protections auditives distribuées alors que les chars diffusent de la musique à très haut volume, parcours assez long en termes de temps, parfois sans possibilité de s’extraire du cortège à cause de la densité de ce dernier… Il existe pourtant des solutions qui peuvent être mises en place, comme prévoir une place dédiée dans le cortège, facilitant l’inclusion de toustes. Voilà qui pourrait faire l’objet de pistes de réflexion pour les prochaines éditions.

Et puis, il y a l’omniprésence des institutions politiques, qui opèrent une véritable récupération de la mobilisation et s’imposent en vitrine de la marche. Alors, c’est une chose que la mairie pratique le pinkwashing de manière plus qu’ostentatoire en envahissant l’espace public, alors que sa politique de lutte contre les discriminations n’est pas à la hauteur. C’est hypocrite, mais ce n’est pas étonnant. C’en est une autre que Michaël Delafosse brandisse fièrement un drapeau arc-en-ciel lors de son discours avant le départ de la marche, et se félicite du fait que « Montpellier [soit] une ville d’amour, de diversité, très fière d’avoir porté des combats en faveur de l’égalité ». C’est artificieux, mais ce n’est pas étonnant. Par contre, que la tête de la manifestation soit occupée par des élu∙es en écharpe rassemblé∙es derrière une banderole « nos fiertés sont sans frontières », tout sourire devant les photographes, ça, c’est indécent. Ah elle est belle la diversité.

Quand la Pride rencontre la manif anti-pass.

À noter aussi la présence des anti-pass qui se mobilisaient cette semaine encore, comme chaque samedi. Pas de convergence des luttes, mais au contraire quelques heurts lorsque le cortège à rencontré la marche des fiertés sous l’Arc-de-Triomphe. De quoi refroidir l’ambiance pour une poignée de militant∙es.

Cependant, on ne peut pas non plus dire que cette mobilisation est un échec, loin de là. 10 000 personnes réuni∙es dans les rues de la ville, ce n’est pas rien. L’espace d’une journée, la communauté arc-en-ciel impose sa présence dans l’espace public et le fait avec force, impossible de l’ignorer. Alors, malgré tout, un sentiment d’exaltation pointe, exacerbé à la vue des visages illuminés par la joie d’être là, ensemble. 







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