Marche des fiertés : l’hypocrisie de la Mairie de Montpellier

Hey toi ! Oui toi, qui a parfois peur de tenir la main de la personne que tu aimes, rassure-toi, Montpellier t’aime. Toi qui n’oses pas révéler qui tu es, par peur peut-être d’être incompris∙e, réjouis-toi, Montpellier t’aime. Toi qui as été rejeté∙e par tes proches parce que gay, lesbienne, bi, trans ou queer, console-toi, Montpellier t’aime. Toi, qui t’es déjà fait casser la gueule pour avoir manifesté une forme de tendresse envers une personne perçue du même genre que le tien, t’inquiète pas, Montpellier t’aime.

C’est qu’on pourrait presque y croire. Dans le centre de Montpellier, ces dernières semaines, des drapeaux aux couleurs arc-en-ciel ont fleuri, affublés de ces deux mots : « Montpellier t’aime ». Les membres de la communauté arc-en-ciel seront ravi∙es de le savoir. La raison de ce soudain engouement serait-elle une prise de conscience fulgurante de la nécessité d’opérer une vraie politique de lutte contre les discriminations ? Pas vraiment. Il s’agit plutôt de l’organisation de la marche des fiertés, qui se tiendra ce samedi 25 septembre dans la ville. Une belle démonstration de pinkwashing.

À  Montpellier, pour les institutions, la Pride n’est pas qu’un simple événement parmi d’autres. En effet, elle regroupe depuis quelques années près de 10 000 personnes, ce qui en fait une des plus importantes de France. Il faut dire que Montpellier bénéficie d’une bonne réputation « lgbt-friendly ». Elue ville la plus gay-friendly par les lecteur∙ices du magazine spécialisé Têtu en 2012, c’est aussi ici que le premier mariage gay et le premier mariage lesbien ont été célébrés. Si l’on peut s’en réjouir, on peut aussi déplorer que ces événements soient devenus des arguments de communication systématiquement ressortis à chaque mobilisation pour les droits LGBT+. Alors quoi de plus normal pour la municipalité actuelle – comme toutes les autres avant elle d’ailleurs – que de surfer sur la vague de popularité de la manifestation ?

La place de la Comédie entourée de drapeaux pour l’occasion.

Pourtant, petite nouveauté cette année, la Ville de Montpellier aura son propre char lors de la marche des fiertés. Pour rappel, la première Pride de l’histoire s’est tenue en juin 1970 à New York, en commémoration des émeutes de Stonewall qui avaient eu lieu l’année précédente, émeutes souvent considérées comme le point de départ de la lutte pour les droits des personnes LGBT aux Etats-Unis. Les Prides, peu importe où elles se déroulent, et même si elles sont aujourd’hui devenues des événements très festifs, sont donc chargées historiquement d’une dimension revendicative très forte. Et la Ville de Montpellier, en imposant sa présence, écrase le discours militant au profit d’une image qui lui fait bonne publicité. Peut-être faudrait-il suggérer que, pour avoir un semblant de crédibilité, au lieu de redécorer aux couleurs de l’arc-en-ciel quelques trams, le service com’ devrait, par exemple, commencer par bannir la terminologie « gay » de leurs communications sur la « Gay Pride », plus vraiment utilisée et assez mal vue, car ne reflétant pas la diversité des manifestant∙es.

Quoi qu’il en soit, sur les réseaux sociaux, tout le monde n’est pas dupe, et les réactions sont mitigées face au pinkwashing – comprenez l’utilisation de messages lgbt-friendly à des fins commerciales et/ou politiques – institutionnel de la mairie.

Silence radio sur la question des thérapies de conversion

C’est là que réside toute l’hypocrisie de la municipalité. Elle investit l’espace militant, alors que sa politique en matière de lutte contre les discriminations est déplorable. « […] À Montpellier nous poursuivons le combat pour permettre à chacune, chacun, de vivre librement son genre, ses amours et sa sexualité. En France, ces droits sont garantis par la loi, il est de notre responsabilité de les revendiquer », affiche fièrement le maire Michaël Delafosse. Mais alors, quand plusieurs municipalités en France déclaraient leurs communes comme « zone de liberté » pour les personnes de la communauté LGBT+, en réponse aux « zones sans LGBT » qui pullulaient en Pologne en janvier dernier, où étaient les élu∙es Montpelliérain∙es ? Lorsque le bruit courrait qu’une clinique à Montpellier pratiquait des thérapies de « réorientation sexuelle » par électrochoc, pourquoi n’y a-t-il eu aucune réponse ?

D’ailleurs, sur la question de ces thérapies de conversion, c’est bien simple, le maire est absent. Et ce n’est pas faute d’avoir cherché à le faire réagir. Le 17 mai dernier, journée de lutte contre les LGBT+phobies, quatre collectifs montpelliérains publiaient une lettre ouverte à l’attention de Michaël Delafosse, dont La Mule s’était faite le relais, en invitant ce dernier à prendre position. Ils ne recevront jamais de réponse. Selon Jérémy Crépin, collaborateur de cabinet à la mairie de Montpellier, la lettre n’est jamais arrivée jusqu’au président de Montpellier Méditerranée Métropole, puisque lui-même, qui serait en charge de ces questions-là n’aurait rien reçu. Les collectifs ont pourtant bien reçu un avis de réception de leur courrier recommandé… Décidément, toujours la faute de La Poste.

Des intérêts sécuritaires

Il serait cependant faux d’affirmer que la municipalité n’a pris aucune décision dans le cadre de la lutte contre les LGBT+phobies. Le 12 avril, le Conseil municipal votait l’approbation d’une convention avec l’association FLAG !, association qui vise à accompagner les victimes de violences à caractère LGBT+phobes par le biais d’une application du même nom qui permet de faire des signalements d’agressions. Le tout, accompagné d’une subvention de 2000 €. Faudrait pas exploser le budget non plus. Seulement voilà, il s’agit de « l’association LGBT du Ministère de la Justice et de l’Intérieur », bien loin d’être une structure indépendante donc.

Lors de ce Conseil municipal, Sébastien Cote, délégué à la protection de la population et de la tranquillité publique, en charge notamment du Conseil Local de Prévention de la Délinquance et de la police municipale déclarait : « L’avantage aussi pour la collectivité, au-delà évidemment de cet engagement et de ce soutien, c’est de pouvoir obtenir ensuite la géolocalisation de ces actes, qui nous permettront, au sein du Conseil Local de Prévention de la Délinquance de repérer dans l’espace public les lieux plus particulièrement dangereux pour les personnes LGBT+». Il s’agit donc pour la mairie de collecter des données sur ces agressions. Mais pour faire quoi ensuite ? Cela s’inscrit, en fait, dans la politique sécuritaire du maire qui, depuis sa prise de fonction, n’a de cesse de promouvoir toujours plus de contrôles policiers. Une instrumentalisation des luttes pour les droits des personnes LGBTQI+ à des fins d’encadrement de la population, qui vont souvent de pair avec une stigmatisation des quartiers populaires où les signalements sont souvent nombreux.

Quoi qu’il en soit, l’influence de la Mairie sur la manifestation ne s’arrête pas là, puisque le parcours prévoit un départ du parc du Peyrou, un arrêt sur la place de la Comédie, puis direction… la Mairie. Ben voyons. Alors que cette année, la Pride, qui n’avait pas eu lieu l’année dernière, est porteuse d’un vrai message politique, « nos fiertés sont sans frontières », la Ville de Montpellier se paie un véritable coup de com’, et ce, sur le dos des militant∙es qui, elleux, effectuent un travail du quotidien et luttent, vraiment, pour la cause LGBTQI+. Déplorable.







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