Des représentants du collectif montpelliérain Danger Loi Sécurité Globale étaient réunis ce jour devant la Préfecture de l’Hérault pour dénoncer lors d’une conférence de presse l’avancement actuel de la Loi Sécurité Globale et exiger son retrait total. La proposition de loi est en effet passée en Commission mixte paritaire du Parlement hier, laquelle en se rendant décisionnaire précipite sa possible et rapide adoption en lui évitant une nouvelle navette parlementaire.
Dévoiement de la démocratie et de la séparation des pouvoirs
“Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a donné carte blanche aux parlementaires pour se mettre d’accord, explique Me Sophie Mazas de la Ligue des droits de l’Homme. Normalement, une proposition de loi est issue du travail parlementaire et non du gouvernement, on a donc ici un dévoiement de la démocratie. Sous cette pression, la Commission mixte paritaire s’est mise d’accord en à peine deux heures, avec des accords prénégociés.” Le texte finalement issu de cet examen porte désormais le nom de “Pacte de sécurité respectant les libertés publiques” : “on est vraiment dans “la guerre c’est la paix”.
Pour le collectif DLSG, ce texte “orwellien” continue à porter les mêmes atteintes aux droits fondamentaux qu’avant son examen par le Sénat, et notamment à travers la nouvelle rédaction de son très décrié article 24, qui continuera d’empêcher la presse, les journalistes y compris sans carte, et les observateurs tels que ceux de la Ligue des droits de l’Homme, de faire leur travail de documentation des pratiques policières, en permettant aux agents sur le terrain toute liberté d’interprétation du délit de provocation à leur identification. Si certaines aggravations n’ont pas été retenues en Commission mixte paritaire telles que la diffusion des images de la police par elle-même à des fins de propagande ou la reconnaissance faciale sur les images tournées par les drones, le collectif déplore que “le Parlement [ait] décidé qu’en France des appareils mobiles de surveillance pourraient surveiller l’intégralité de la population.”
De multiples saisines du conseil constitutionnel à venir
“Nous allons continuer à contester cette loi, à être unis dans cette contestation, et nous allons organiser très bientôt, au soutien de la saisine du conseil constitutionnel qui va être faite par des députés et sénateurs, une saisine citoyenne, afin de porter une contribution extérieure pour que cette loi soit censurée entièrement.” Le collectif dénonce également que le député Fauvergue ayant porté cette proposition de loi ait lui-même créé une société d’agents de sécurité privée, tirant donc directement bénéfice de la loi à venir, qui instaurera un continuum entre les agents de police et ceux de sécurité privée. “Les dispositions de cette loi permettent une corruption à rebours, puisque les fonctionnaires des forces de l’ordre pourront travailler dans le privé et optimiser tous les contacts qu’ils auront eu dans leur carrière publique, et en cumuler les retraites. C’est parfaitement scandaleux.”
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“Nous allons donc porter cette voix aux côtés des orga nationales, car pour la première fois depuis très longtemps, de très nombreux collectifs se sont mis en place partout en France pour contester cette loi, et nous avons vu localement des assos qui ne sont pas présentes nationalement : des associations culturelles, de personnes en situation de handicap, des assos au contact des plus précaires, qui voient bien le danger de cette loi. C’est aussi la première fois qu’autant de lieux y compris dans l’arrière pays se mobilisent, à Sète, Perpignan, Béziers, dans tout le sud de la France, jusqu’à Pô, Montauban, dans les petites et moyennes villes. Il faut que le conseil constitutionnel ait conscience que ça ne se joue pas que dans les cabinets parisiens et que notre liberté on tient à la défendre.” Et le collectif d’appeler à rejoindre massivement la mobilisation du 1er mai, car la Loi sécurité globale, “c’est aussi la surveillance des syndicats, des travailleurs, des prolétaires, des pauvres, des associations, et c’est cette mise totale de la société sous surveillance que nous contestons.”
Pour l’heure, la proposition de loi va donc subir un dernier passage très rapide pour approbation, devant l’Assemblée nationale et le Sénat, puis il restera ensuite 15 jours pour la saisine du conseil constitutionnel. Le vote en urgence de cette loi et son passage en Commission mixte paritaire semblent prévus pour court-circuiter la navette parlementaire entre Sénat et Assemblée. “Ce qui est dramatique c’est de voir que le gouvernement ne fait même plus semblant de respecter les procédures parlementaires : il y a un détournement ouvert de nos principes constitutionnels, de la séparation des pouvoirs.”
“Nous sommes citoyens d’un pays démocratique qui a pris la déclaration des droits de l’Homme comme socle de son organisation, et on ne peut pas voir sous nos yeux la déliquescence totale du principe de séparation des pouvoirs, c’est inadmissible.”
Répression en urgence
La représentante du Club de la presse Occitanie s’interroge quant à elle sur l’urgence à adopter une telle loi : “Pourquoi cette notion d’urgence si ce n’est pour empêcher la population et les parlementaires de se positionner ? Dans une période où l’on ne peut pas se regrouper comme on veut, où les manifestations sont compliquées et où une partie des gens ne descendent pas dans la rue car leur santé ne leur permet pas, pourquoi dans cette période on choisit de passer des lois qui sont problématiques, et en plus en urgence ? C’est quoi le message ?”
Les Gilets jaunes de Gignac étaient aussi présents et ont tenu à rappeler à la presse la répression qu’ils ont récemment subi lors du pique-nique organisé en commémoration de la Commune, le 18 mars dernier : “Dès le matin, la gendarmerie en tenue de combat est venue avec la police municipale, qui a relevé les identités. Et hier, on a été plus d’une dizaine, y compris ceux qui n’avaient pas décliné leur identité, à recevoir des amendes de 135€ pour rassemblement de plus de six personnes.” D’autant que pour nombre d’entre eux, c’était loin d’être la première. “Pour nous Gilets jaunes, la loi ne va rien changer parce qu’elle est déjà appliquée depuis 2 ans et demi. Et cette proposition de loi, c’est justement fait pour intégrer dans le droit tout ou partie de toutes ces mesures liberticides, et en cela, on est dans lanceurs d’alerte, et c’est pour cela qu’on fait partie du collectif LSG et qu’on se battra jusqu’au bout.”
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Couverture: Photocratie
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