Charte de la laïcité : des associations se rebiffent, Delafosse fait la sourde oreille

Le maire de Montpellier Michaël Delafosse annonçait à la rentrée de septembre imposer une Charte de la laïcité aux associations du Clapas, un projet qui, en pleine polémique médiatique déclenché par le gouvernement sur les séparatismes, hérissait immédiatement une partie des milieux militants et associatifs montpelliérains. Un texte cosigné par de nombreux·ses militant·es issues du PCF, de syndicats, ou d’associations, dénonçait le fait qu’ “exiger des associations de signer « la charte de la laïcité » [ndlr: initialement prévue dans la « loi contre le séparatisme », elle a depuis évolué sous la forme d’un contrat républicain], et de conditionner à ceci l’attribution de subventions, voire pire, d’aller regarder ce qu’elles disent et ce qu’elles font, tout cela n’a rien à voir avec la laïcité.

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Depuis, l’initiative du nouveau maire a largement été relayée dans l’espace médiatique, suscitant le débat depuis Libération jusqu’à Valeurs Actuelles, qui comme l’ont relevé nos camarades du Poing, l’a globalement encensé pour son placement sur les questions d’Islam et de sécurité, tout comme le Figaro qui parle du “maire qui bouscule son camp“… Ce ne sera pourtant pas le premier élu de “gauche” à s’emparer des obsessions sécuritaires de la droite. Durant les vacances de fin d’année, les associations montpelliéraines ont fini par recevoir un courrier leur demandant de signer la dite Charte, que l’édile avait annoncé rendre impérative à toute attribution de subvention.

En réaction, la fédération héraultaise de la Libre Pensée annonçait dans un communiqué refuser de signer la Charte, et même avoir l’intention de la contester devant le tribunal administratif : “Nous l’assénons : ces chartes de la « laïcité » n’ont rien à voir avec l’esprit dans lequel s’est construite la loi de 1905, loi libérale au service de la liberté de conscience et de la liberté des cultes. La laïcité organise la séparation des Eglises d’avec l’Etat, elle n’a donc pas à s’appliquer aux associations ni aux citoyens, qui sont libres de penser ce qu’ils veulent. Y compris penser ce qu’ils veulent de la laïcité qui n’a pas vocation à être une idéologie d’Etat et dont la promotion n’a pas à être imposée aux associations.” Et de dénoncer un double jeu politique, avec l’attribution récurrente de subventions par la municipalité en faveur du culte de Saint-Roch.

Quelques jours plus tard, c’est l’association Saudade qui par une lettre ouverte annonçait à son tour refuser de signer la charte, et dénonçait la vision autoritaire de la laïcité du maire Delafosse : “L’initiative conjointe prise par vous, Ville de Montpellier, et le gouvernement français, de conditionner la moindre subvention à la signature d’une “charte” qui, selon le sens de votre courrier, est redondante avec la Constitution ne peut que nous interroger. Pourquoi, en effet, serait-il nécessaire de « réaffirmer ces valeurs constitutives » que nous avons sans cesse affirmé ? Cette redondance n’est pas anodine et elle intervient dans un contexte qui nous fait craindre que le sens que vous donnez au mot « laïcité » soit exactement contraire à celui auquel nous sommes attaché à la fois par la loi, l’histoire et notre sentiment commun.

Entre temps, le 2 janvier, la Ligue des droits de l’Homme Montpellier envoyait pour sa part une lettre à Michaël Delafosse, en lui demandant un certain nombre d’éclaircissements tant sur les fondements de sa charte que sur ses conditions d’application. En l’absence de réponse du maire socialiste, la LDH Montpellier rend aujourd’hui publique cette missive et les questionnements qu’elle aborde. Dans un premier temps, celui des bases démocratiques d’un tel texte : “Le fait que cette mesure ait figuré dans votre programme ne lui donne pas, pour autant, la valeur juridique et le poids démocratique nécessaires pour une décision d’une telle portée et d’une telle ambition… démocratique. A notre connaissance cette décision de la Ville de Montpellier n’a pas été l’objet d’un débat en séance publique du conseil municipal, ni du vote d’une délibération. Le courrier ne fait pas référence à un arrêté municipal que vous auriez signé. De même, la charte elle-même ne s’appuie pas sur la loi du 9 décembre 1905, texte fondateur, comme vous le savez.

La LDH s’interroge ensuite, en tant qu’association bénéficiant de moyens accordés par la ville, sur les éventuelles sanctions en cas de refus de sa part de signer la charte, ce qu’elle envisagerait de faire. Question est ensuite faite de la nature du suivi qui va s’imposer aux associations signant la charte afin de vérifier la conformité de leurs actions avec ses principes, ainsi que sur l’attribution des subventions au cas par cas et de leur publicité auprès de la population. “Vous avez compris que votre “charte de la laïcité” suscite, au sein de notre section, bien des interrogations et même des inquiétudes. Voilà pourquoi nous vous remercions de prendre soin de répondre à ce courrier.

Un soin que ne s’est visiblement pas donné la peine de prendre le maire Delafosse jusque là.

Crédit photo: Photocratie







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