L’année 2020, qui a plongé le monde entier dans une crise sanitaire à bien des égards déstabilisante, touche à sa fin. L’occasion pour nous de revenir sur la trajectoire des diverses luttes qui ont battu le pavé à Montpellier et ailleurs en France, forcément très impactées par les mesures prises par le gouvernement pour entraver le développement de la pandémie (et des mobilisations…). Toutefois, si le premier confinement a porté un net coup d’arrêt aux contestations en cours, il n’aura semble-t-il pas eu raison de l’engouement militant qui s’est accru depuis deux ans, pas plus qu’il n’a permis au gouvernement de boulonner le couvercle de la marmite sociale en ébullition.
Voir aussi notre portfolio – 2020, “Qui sème l’oppression, récolte la révolte”
En effet, le virus aura eu dans un premier temps un effet de cassure nette sur le mouvement social contre la réforme des retraites ; toutefois, celle-ci a été rapidement abandonnée par le gouvernement, qui prévoyait de la passer au 49-3, suite à la prise de conscience de la réalité d’une pandémie amenée à durer. Celle-ci devenait en effet le prétexte à un vaste et inconditionnel transfert d’argent public vers le privé afin de soutenir l’économie – on a rapidement compris qu’on parlait de celle des “premiers de cordée” avant toute autre chose – et l’on pouvait remettre la question des retraites à plus tard. Le serpent de mer n’aura d’ailleurs pas mis longtemps à faire son retour sur scène puisque la piste d’une reprise de la réforme est depuis récemment évoquée par certains politiciens de la majorité.
Un début d’année en faux-plat
Le mouvement social contre la réforme, s’il profitait largement de la dynamique radicale impulsée par le mouvement des Gilets jaunes au cours de l’année 2019, devait, après un gros mois de décembre, se montrer incapable de faire reculer le gouvernement, et démontrer une nouvelle fois les limites de l’action modérée légaliste lorsqu’elle ne s’inscrit pas dans une stratégie globale incluant d’autres modalités plus radicales.
Si des entreprises syndicales ont démontré une radicalisation de certaines bases sectorielles et entamé des blocages économiques efficaces, elles semblent avoir été entravées, voire enterrées, par l’immobilisme connivent de leurs bureaucraties. Alors qu’à Marseille ou Paris, une certaine dynamique s’est produite et a connu la répression, à Montpellier comme dans d’autres villes, l’accumulation de manifestations molles et de grèves perlées n’a produit que le propre essoufflement du mouvement. A noter toutefois, une mobilisation inédite des avocat·es, qui aura entravé pendant plusieurs mois l’exercice de la justice.
Cette dynamique en faux plat, détournant les médias des hebdomadaires manifestations du mouvement fluo, semble également avoir été fatale à ce dernier, déjà très largement détricoté par plus d’une année de répression tous azimuts. Si de nombreux Gilets jaunes ont grossi les rangs du mouvement contre la réforme des retraites, il est difficile de dire que l’ascenseur a été efficacement renvoyé par les syndicats, toujours méfiants à l’égard d’un mouvement assumant la désobéissance civile et l’auto-défense populaire face à la répression.
Le premier jour de février 2020 voit la dernière manifestation d’ampleur des Gilets jaunes à Montpellier, à l’occasion d’un acte national très violemment réprimé par les forces de l’ordre. Parallèlement, la répression judiciaire suit inlassablement son cours : 21 Gilets jaunes condamnés à du ferme dans l’affaire de l’incendie du péage de Narbonne, un GJ condamné à 30 mois de prison pour l’incendie d’une voiture de la police municipale lors de l’acte 43 (il a été relaxé depuis). L’année 2019 avait en effet vu se déployer une grosse dynamique du mouvement à Montpellier, traînant dans son sillage son lot de blessé·es, traumatisé·es et mutilé·es : en janvier 2020 se tient donc dans l’Écusson une marche du collectif des Mutilés pour l’exemple.
En ce début d’année, les actions de groupes écologistes ne sont pas non plus en reste. Le récent groupe local d’Extinction Rebellion accélère le rythme : actions contre la SoGé, contre le port de Port-la-Nouvelle, anti-pub, etc. Alors que les élections municipales approchent, les organisations portant la Marche pour le Climat à Montpellier se purgent des éléments dont la présence était vouée à la récupération politique, et se recentrent sur un coeur de cible plus radical : “Changeons le système, pas le climat!“. La mobilisation est toutefois largement empêchée par les premières mesures de la crise sanitaire et ne permet de voir qu’un modeste rassemblement sur la place de la Comédie.
Alors que la “révolution”, ironiquement promise par Macron dans son programme, rime toujours plus avec la poursuite de l’accroissement des inégalités au bénéfice des intérêts du grand capital, le milieu squat autonome montpelliérain poursuit ses actions en faveur des plus démuni·es et notamment des migrant·es, en réquisitionnant plusieurs bâtiments par anticipation des expulsions à venir, avec plus ou moins de succès. Parallèlement, l’activité de lieux comme le CASA del Sol ou la Soucoupe, qui avait accueilli la quatrième ADA des Gilets jaunes, se poursuit inlassablement. A noter que cette année, le Karnaval des Gueux – traditionnelle réunion des forces d’hyper-ultra-méga-gauche – a semble-t-il été pris comme une épreuve du feu par le nouveau préfet, qui l’a tout simplement fait “encager” pendant plusieurs heures, empêchant de facto sa déambulation, et en a arrosé d’amendes les participant·es.
La journée internationale des droits des femmes donne elle lieu à de belles mobilisations, à Marseille comme à Montpellier, deux villes où la Mule était présente.
L’impact brutal du confinement sur le printemps social
Le 17 mars, l’annonce du premier confinement de l’ensemble de la population française sonne comme un coup de tonnerre. Incrédulité, abattement, angoisse, déprime, la charge émotionnelle violente qui s’en suit en aura désarmé plus d’un·e face à la puissance des moyens de l’État quant à la mise en place d’une politique répressive d’ampleur, censée compenser le démantèlement des services publics hospitaliers par les gouvernements successifs. La sidération, l’exponentielle première vague et l’incapacité du gouvernement à y répondre viennent mettre en avant le rôle indispensable des premier·es de corvées, ces catégories d’emplois si méprisées par nos gouvernants, soudainement portées aux nues comme les “nouveaux héros”.
Face à l’ampleur de la crise sanitaire et à ses conséquences sociales dévastatrices, l’État se montre largement incapable de répondre aux enjeux révélés par la pandémie : endiguement de la précarité, rationnement logistique ou alimentaire, action sociale des services publics, moyens alloués aux hôpitaux et à leurs personnels… Dans les rues vidées, hors du temps, c’est donc la population qui va concrètement se mobiliser, à l’image du mouvement Ultra qui a très vite mis en place des actions de solidarités, ou des associations et collectifs d’action sociale ou de défense des droits humains qui s’organisent autour d’une salutaire plateforme de distribution alimentaire, ayant permis la distribution de milliers de colis aux populations dont la précarité s’est aggravée, notamment à travers la crise du logement (ce que sont venues rappeler régulièrement les luttes d’associations telles que Droit Au Logement).
Le confinement, c’est aussi l’explosion des abus et des violences policières : en moins de deux mois, douze personnes meurent en France suite à des interventions des forces de l’ordre, dont Mohamed Gabsi au mois d’avril à Béziers. Le décès du jeune homme donnera lieu à une mobilisation qui suit toujours son cours aujourd’hui et commence à s’inscrire durablement dans le milieu militant. Plusieurs policiers sont aujourd’hui mis en examen dans cette affaire.
Dans la perspective d’un retour à la normale, les luttes se réorganisent à travers les réseaux sociaux et l’expérience, parfois nouvelle pour certain·es, des réunions en visioconférence et des campagnes de mobilisation en ligne (par exemple contre Amazon, une nouvelle fois). C’est à travers l’échéance du premier mai qu’on voit se redessiner un certain esprit d’initiative, largement entravé par les logiques algorithmiques et la frilosité de la population face à un virus dont on ne comprend pas bien tous les ressorts.
Toutefois, si les mobilisations sont prises au piège du confinement, on constate sur les réseaux sociaux que la colère et l’incompréhension de la population ne fait que se décupler à mesure que le gouvernement apparaît douteux voire irresponsable dans ses choix. Et l’espoir d’un changement d’ampleur du système renaît à travers la constatation que tout – ou presque – peut s’arrêter, et redonner un peu d’espace et de respiration à une nature toujours plus détruite par les politiques néolibérales du XXIème siècle.
Déconfinement, réveil timide des luttes sous le joug répressif
Le gouvernement sent évidemment le vent tourner, et prépare déjà ses mauvais tours pour la rentrée, en esquissant ses premiers cris d’orfraie sur le “repli communautaire”. Malgré le déconfinement du 11 mai, la population reste très méfiante à l’égard du virus, et alors qu’on aurait pu s’attendre à une reprise d’ampleur des mobilisations dans la rue, on n’assistera à Montpellier qu’à un modeste rassemblement mêlant quelques centaines de Gilets jaunes et néophytes le samedi 16 mai, émaillé par une gestion policière brutale qui fera une blessée grave.
Les interdictions de manifester pleuvent au motif de la crise sanitaire, déniant toujours plus l’exercice des libertés fondamentales, et la répression de certains groupes Gilets jaunes comme ceux de Gignac se poursuit. En attendant, les abus policiers se multiplient, alors que la droite évoque pour la deuxième fois en quelques mois l’idée de flouter les images montrant des policiers identifiables… une mesure portée par certains syndicats de police et reprise par la majorité dans sa proposition de loi de Sécurité Globale quelques mois plus tard.
Avec le déconfinement, ce sont aussi de nouvelles mobilisations qui se font une place plus nette dans l’espace médiatique. En premier lieu, celle des soignants et personnels médicaux : environ 3000 personnes défilent pour les soutenir à Montpellier, plus de 220 rassemblements se tiennent partout en France, dont celui de Paris qui connait une forte répression. Le Ségur de la Santé annoncé en grande pompe par le gouvernement ne suffira en rien à apaiser les esprits, très largement dénoncé de toutes parts pour son inadéquation à la situation catastrophique de l’hôpital public. Le mouvement des soignants se poursuivra jusqu’aux vacances d’été.
Au mois de juin, suite à la mort tragique de George Floyd à Minneapolis, les mouvements antiracistes et contre les violences policières opèrent une détonante fusion jusque sur le territoire français. A Montpellier, celle-ci rebondit sur la mort de Mohamed Gabsi, et donne lieu à une mobilisation d’ampleur avec une très forte présence des jeunes, qui se perpétuera quelques semaines. L’ampleur internationale du mouvement poussera à un adoucissement très temporaire du maintien de l’ordre, dont on a pu constater un exemple à Montpellier avec la manifestation consécutive des Gilets jaunes, gérée très différemment des précédentes.
Les groupes écologistes se remettent aussi timidement à la manoeuvre, avec des mobilisations à Fournès contre l’implantation d’un entrepôt logistique au profit d’Amazon, ou contre celle du complexe Décathlon-Oxylane aux portes de Montpellier. On profitera des élections municipales, qui voient l’alliance du PS et d’EELV l’emporter dans le Clapas, pour mettre un petit coup de pression aux nouvelles instances. Surtout, une nouvelle mobilisation est en train de préparer son ancrage dans le milieu militant, celle agissant contre le LIEN RD68, ce projet de rocade dont la construction est imminente, juste au nord de Montpellier.
Le Préfet de l’Hérault Jacques Witkowski, n’aura pas attendu longtemps après la fin de la trêve hivernale exceptionnellement prolongée, pour expulser à tout va les squats qui depuis longtemps prennent le relai de l’État dans son obligation de loger et prendre en charge les plus démunis : la Soucoupe, le CSA Bonnard, le CASA sont tour à tour expulsés. Réaction immédiate du milieu squat avec la réquisition de nouveaux bâtiments, dont celui de Saint-Vincent-de-Paul dans le quartier des Beaux-Arts, pour reloger les nombreuses familles du CSA.
Le gouvernement, somme toute déstabilisé par la crise sanitaire et les polémiques sur les violences policières, a dû subir un remaniement. La nomination à l’Intérieur de Gérald Darmanin, accusé de viol et pour le moins d’avoir abusé de ses pouvoirs politiques pour obtenir des faveurs sexuelles, et à la Justice d’Éric Dupont-Moretti, connu pour ses positionnements sexistes et misogynes, déclenche l’ire des mouvements féministes et une vaste libération de la parole sur la question du viol et des violences sexuelles ou sexistes.
La deuxième vague (des mobilisations)
La reprise de septembre marque l’indécision du gouvernement quant à la fameuse seconde vague épidémique qui menace, et que beaucoup ne veulent pas voir. Les luttes profitent de cet entre-deux pour faire leur rentrée en grande pompe, et annoncer les contours d’une nouvelle année scolaire riche en combats. A Montpellier, le mois doit cependant commencer par deux mauvaises nouvelles : l’expulsion du squat Bouisson-Bertrand tenu par l’association Solidarité Partagée et hébergeant des dizaines de personnes, ainsi que l’agression sidérante subie par un groupe de colleuses féministes sur le pont de Lapeyronie, en pleine action percutées volontairement par un automobiliste.
La rentrée vient révéler le caractère schizophrénique des autorités publiques locales quant à la crise du logement. Après cette nouvelle expulsion de squat, et alors que la municipalité et la Préfecture font du marché illégal de la Paillade un bon moyen de faire la chasse aux pauvres plutôt qu’à la pauvreté, on apprend que le squat Utopia 003 va bénéficier d’une transition douce évitant la sortie sèche de ses occupant·es, qui seront pris en charge en amont et en aval du déménagement du lieu.
Le gouvernement quant à lui commence clairement à montrer les crocs sur la question sécuritaire, Darmanin annonçant en grande pompe son nouveau Schéma national du maintien de l’ordre aux accents ultra-répressifs, et préparant déjà le terrain quant à la question du floutage des policiers, qu’on retrouvera dans le fameux article 24 de la proposition de Loi de Sécurité Globale. Le film Un pays qui se tient sage de David Dufresne vient justement rebondir sur cette actualité en proposant une réflexion aboutie sur le rôle de la police en France et l’explosion des violences policières. Sa projection à Montpellier au Diagonal sera suivie d’un débat organisé par le collectif StopArmesMutilantes et filmé par la Mule.
Peut-être parce que les réseaux sociaux semblent alors montrer les signes d’une reprise dynamique des manifestations contestataires, le gouvernement accélère son mouvement vers le tout-sécuritaire : la date du 12 septembre est depuis longtemps annoncée comme celle de la reprise pour les Gilets jaunes, alors que les syndicats appellent à manifester le 17. Le 12 voit ainsi se dérouler bien des manifestations mouvementées et brutalement réprimées, comme à Montpellier, Toulouse ou Paris. La journée du 17 quant à elle marque une reprise plutôt modeste du mouvement syndical, à Montpellier comme à Paris.
La lutte pour les droits des Sans-Papiers marque pour sa part une rentrée des plus intéressantes, avec l’annonce d’une marche nationale au départ de nombreuses villes de France, dont Montpellier, et à destination de Paris. La marche dans la Capitale va réunir des dizaines de milliers de personnes, sans aucune réaction du gouvernement. Largement invisibilisé, le combat des Sans-Papiers doit subir de plus la montée de la xénophobie et de l’islamophobie ambiantes, stimulées au niveau national par le gouvernement avec sa loi contre les séparatismes et l’assassinat de Samuel Paty, comme au niveau local avec la Charte de la laïcité promue par le maire Delafosse, et qui vient susciter de forts remous sur sa gauche, celle-ci considérant à raison que la Loi de 1905 se suffit à elle-même.
Les mobilisations écologistes reprennent aussi leurs activités, avec une journée sur les lieux du futur Décathlon-Oxylane au nord de Montpellier, à l’appel de la Confédération paysanne et de groupes écolos. Un peu plus tard, c’est pour mettre le doigt sur l’absurdité du développement continu du trafic aérien, mis en exergue par la crise du coronavirus, que les militant·es écologistes montpelliérain·es marchent, comme ailleurs en France, sur l’aéroport Montpellier Méditerranée.
Du côté de l’enseignement supérieur, c’est à une rentrée chaotique qu’ont droit les étudiant·es, dont le malaise s’est considérablement accru du fait de l’impréparation du gouvernement à la reprise de l’épidémie. Un premier cluster à l’université Paul-Valéry entraîne la prise de mesures plus concrètes pour y répondre. Toutefois, l’absence de vie sociale, la précarité, vont rapidement devenir un poids très lourd à porter pour les étudiant·es. Cette période très difficile sera marquée à Montpellier par le suicide de l’une des leurs, Doona, jeune femme trans, qui suscite une forte mobilisation en soutien à la communauté trans, largement invisibilisée dans l’espace public et médiatique.
La mi-octobre voit un événement important : la création d’une Zone à Défendre sur le trajet du dernier tronçon du LIEN RD68. Des citoyen·nes et militant·es issu·es des collectifs SOS Oulala, Greenpeace, Extinction Rebellion et ANV-COP21, annoncent avoir fait la réquisition d’un bâtiment situé sur la zone du chantier, et baptisé Maison de l’Écologie et des Résistances. Panique au Département, promoteur de ce projet de “route durable”, qui en organise presque aussitôt l’expulsion à la légalité très douteuse, aux côtés de la Préfecture de l’Hérault. Les militant·es dénoncent alors la répression et l’absence de dialogue, affirmant que la lutte va continuer et que cette expulsion ne signifie en rien la fin de la ZAD.
La fin du mois d’octobre voit l’annonce d’un nouveau confinement, consacrant la médiocrité de la réponse politique à la crise sanitaire, alors qu’aucune mesure d’ampleur n’a été prise durant l’été pour anticiper une reprise de l’épidémie. Immédiatement, le milieu de l’éducation s’insurge face à un protocole sanitaire mal préparé et inapplicable, les lycées se mettent en grève, les blocus lycéens se voient brutalement réprimés. Des manifestations spontanées se tiennent aussi un peu partout en France, réunissant les opposant·es au reconfinement.
L’agenda de la crise sanitaire va coïncider avec les aspirations sécuritaires du gouvernement, qui présente par l’entremise de sa majorité à l’Assemblée Nationale, la très décriée proposition de Loi de Sécurité Globale, dont l’article 24 vient violemment gifler le milieu du journalisme et déclencher une mobilisation à la convergence inédite, mettant très en avant le travail des médias indépendants quant à la question des violences policières notamment (tout comme le silence coupable des massmedia pendant des années).
Au niveau contestataire, tout semble s’accélérer autour de cette proposition de Loi et des mesures prises pour contrer la crise épidémique. Un collectif montpelliérain demande la saisine du conseil constitutionnel sur l’État d’urgence sanitaire. Le documentaire complotiste Hold-Up vient semer la zizanie dans l’opposition, mettant en exergue l’explosion des théories du complot, à la faveur de l’instabilité psychologique renforcée dans la population par la crise sanitaire. Mais ce second confinement n’a plus rien à voir avec le premier, comme on peut de toutes parts le constater.
Ainsi, la mobilisation contre la Loi de Sécurité Globale va pouvoir exploser dans l’espace médiatique, et donner lieu à la mise en place à Montpellier d’une inter-orga très vaste, réussissant l’exploit de réunir plus de 5000 personnes en manifestation, en pleine crise sanitaire. Parallèlement, le deuxième anniversaire des Gilets jaunes est tué dans l’oeuf par le Préfet.
Une fois la Loi adoptée par l’Assemblée Nationale, le gouvernement tente toutefois un écran de fumée en annonçant la réécriture – on ne sait par quel tour de passe-passe législatif – du fameux article 24. L‘expulsion indigne des réfugiés de la place de la République à Paris, et l’affaire Michel Zecler, remettent en effet le couvert sur la question des violences policières et sur l’importance des images témoin diffusées sur internet.
Un peu moins visible, la Loi de Programmation de la Recherche, consacrant une libéralisation dangereuse des universités sur le modèle anglo-américain, vient susciter une mobilisation modeste mais persistante à Montpellier. Sur le plan de l’éducation toujours, nous allons aussi assister à la mobilisation et à la grève inédites des Assistant·es d’éducation (aussi appelé·es les pions) partout en France, et qui trouvent une belle réponse dans l’Hérault.
On voit aussi au cours du mois de novembre de belles mobilisations féministes autour de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes et minorités de genre, avec une action collective menée sur la place de la Comédie par divers collectifs, et une action d’affichage un peu plus tard sur les grilles du Peyrou par une inter-orga consacrée à la question.
L’actualité écologiste ne sera pas non plus en reste en cet automne. Deux décisions judiciaires positives vont d’abord tomber à Montpellier : la relaxe pour violences du “jeteur de feuilles d’origine végétale” de l’Amassada et la fin des poursuites absurdes le touchant, entamées par le parquet de Rodez et jugées en appel dans la capitale héraultaise ; et la décision plutôt parlante du tribunal correctionnel de condamner sans peine Lewis, décrocheur de portrait présidentiel dans le cadre de la campagne menée par ANV-COP21 sur le plan national.
Les groupes écologistes ne vont évidemment pas se contenter de ces décisions et reprennent aussitôt leurs activités : antipub pour XR, mobilisations virtuelles des opposant·es au Décathlon Oxylane, campagne d’affichage sauvage menée par ANV-COP21 contre la connivence entre le gouvernement, les parlementaires et Amazon. La question de la ZAD du LIEN va aussi refaire son apparition avec la scandaleuse campagne de propagande menée à grand frais par le Département de l’Hérault jusque dans les boîtes aux lettres de ses administré·es.
La mobilisation contre la Loi de Sécurité Globale se poursuit au mois de décembre dans une certaine confusion entraînée par l’interdiction de manifester édictée par le Préfet de l’Hérault pour le 5 décembre. Les opposant·es décident toutefois de maintenir un rendez-vous sous forme de conférence de presse sur la place de la Comédie, réunissant plusieurs centaines de personnes.
Au même moment, nous apprenons la condamnation à huit mois de prison ferme sans mandat de dépôt de Ian B., membre du collectif Désarmons-les, interpellé un an plus tôt lors d’une manifestation Gilets jaunes à Montpellier. Quelques jours plus tard, la Mule dévoile une vidéo démontant les accusations de violence touchant le jeune homme et remettant en cause la version des faits suivie par le Parquet comme par les juges.
Encore quelques manifestations contre la Loi de Sécurité Globale, une belle mobilisation des artistes de Montpellier touché·es de plein fouet par la crise, ainsi qu’un acte IV de la mobilisation des Sans-Papiers réunissant quelques centaines de personnes, et c’est déjà l’heure de la trêve des vacances hivernales, marquant la fin d’une année 2020 au final bien chargée en contestations et en revendications, en dépit d’une crise sanitaire les ayant largement entravées.
En effet, cette année qui faisait suite à l’importante mobilisation continue des Gilets jaunes, est venue discréditer l’action gouvernementale aux yeux de pans bien plus larges de la population qu’il n’en avait été jusqu’alors. Les mondes médicaux, enseignants, militants ou de la recherche ont été durement éprouvés par les politiques menées et par la gestion de la crise sanitaire. Mais celle-ci aura démontré à l’ensemble de la population l’incapacité d’un gouvernement qui se promeut comme le reflet politique de ces fameux premiers de cordée qu’il vante tant : déni de la réalité de la pandémie, mensonges irresponsables sur les masques ou les capacités hospitalières, communication erratique, déni de la deuxième vague, mesures sanitaires inéquitables…
Alors qu’il avait pu jusque là s’épargner la grogne d’une proportion sans doute déjà minoritaire des Français·es, le gouvernement a réussi à se mettre à dos une colère quasi-générale, et l’exploit d’aggraver toujours plus une situation sociale déjà catastrophique et bouillante. L’année 2021 risque donc d’être celle – espérons le, à la faveur d’un essoufflement de la pandémie – qui verra à nouveau exploser les conflits sociaux et politiques. Ce sur quoi le gouvernement ne s’est pas trompé avec sa Loi de Sécurité Globale, venue mettre beaucoup d’huile sur un feu déjà virevoltant, mais preuve de la fébrilité intense qui anime l’élite politico-économique face aux multiples contestations sociales de ces dernières années.
Photographies : R. Parreira, Alix D., Photocratie, Jude, Clara Maillé
Qu’en a-t-il été pour la Mule cette année ?
Comme pour beaucoup, le printemps et son confinement furent difficiles pour notre collectif, assez désorienté par le brutal coup d’arrêt et les restrictions de libertés édictées, alors que la mobilisation sociale n’avait pas cessé depuis un an et demi et notre activité avec. Le premier confinement a ainsi été celui des remises en question et des réflexions sur le rapport de forces entre la population contestataire et l’État. Toutefois, le déconfinement et la reprise quasi-immédiate des luttes a redonné du coeur à l’ouvrage et de l’espoir aux Mules, qui ont par la suite accueilli en leur sein le souffle bénéfique de nouveaux membres. La Mule, aujourd’hui, c’est une petite famille d’une dizaine de personnes qui contribuent chacun·e à leur façon, entre rédacteur·rices, photographes, vidéastes, et bien sûr fondamentalement ami·es.
Sur le terrain, comme bien souvent auparavant, nous avons été victimes de multiples entraves à l’exercice de notre travail de la part des forces de l’ordre : trois amendes à 135€ à la clé, de nombreuses interpellations pour contrôles et fouilles, etc.
Au mois de janvier 2021, la Mule du Pape fêtera ses deux ans d’activité, avec plein de surprises à la clé pour marquer l’événement. Nous saluons et remercions chaleureusement nos lectrices et lecteurs, nos soutiens, actifs ou non, toutes celles et ceux qui nous ont fait des dons ou ont souscrit à des abonnements de soutien et ont ainsi permis à notre activité de se pérenniser et de bénéficier d’un coup de pouce financier bienvenu.
Nous tenons aussi à saluer l’ensemble de nos consoeurs et confrères des médias indépendants montpelliérains, dont le travail se révèle toujours plus essentiel : Radio Gi.Ne, le Poing, Rapports de force, le d’Oc,… Mais aussi de nos ami·es photographes ou vidéastes de terrain et qui se reconnaîtront ici.
Nous rappelons que nous sommes toutes et tous bénévoles au sein de notre collectif, né du terreau fertile des manifestations Gilets jaunes, aussi vos donations nous permettent-elles de défrayer certains reportages dans d’autres villes (Paris, Toulouse, Marseille, etc) et de nous acheter ou renouveler le matériel indispensable à nos travaux. Notre média est ainsi totalement indépendant, ne dépendant d’aucune subvention publique ou privée.
La Mule, cette année, ce fut pas loin de 300 articles vous informant de l’activité des luttes locales, de la politique nationale voire internationale, des reportages, des rencontres, des événements et initiatives auxquels nous avons participé. Au delà de cette implication, nous avons publié cette année de nombreux dossiers et enquêtes dont vous pouvez retrouver la liste ci-dessous :
Luttes sociales, écologiques, politiques :
- Fournès : comment Amazon arrose nos élus et ruine nos paysages
- Crise du logement : quand l’État démissionne, l’explosion de la précarité
- Bétonisation : Montpellier, le LIEN ou l’arbre qui rase la forêt
- La Mélangeuse : auto-gestion et liberté, l’utopie concrète
- De Vintimille à Menton, le manège des frontières
- Notre-Dame-des-Landes : la Terre est une Zone à Défendre
- Les cantines populaires, atout indispensable au sein des luttes
- Écologie sociale et municipalisme libertaire, face à l’effondrement qui vient
- Rojava, expérience autonome au coeur des enjeux internationaux
- De St-Victor à Tehuantepec, l’Amassada étend sa lutte contre EDF et son monde
- Démocratie Numérique Populaire : Automédias, réinventer avec les Gilets jaunes
- Démocratie Numérique Populaire : Réseaux sociaux et Gilets jaunes
- Démocratie Numérique Populaire : Plateformes Gilets jaunes, organisation et délibération
- LIEN RD68 : comment le Département de l’Hérault veut nous laver le cerveau
- Portfolio : l’art urbain révolutionnaire
Police :
- Coups de matraque & Spray : des violences policières gratuites ?
- Docu : Dégagez y’a rien à voir ! Intimidations et violences contre les observateurs et reporters
- Rapport scientifique accablant sur la nocivité du gaz lacrymogène
- Grenades GENL : quand la violence monte d’un cran ?
- “Dégage sinon je t’embarque” : filmer la police est un droit
- La Nation Flic : le gouvernement est déchaîné
- Nouveau schéma du maintien de l’ordre : l’emballage cosmétique du tout répressif
- Les multiples cas de la violence policière sur les profils psychiatriques
- Violences Judiciaires : Ian B., 8 mois fermes pour une main sur un bouclier
- Sémiologie : la police dans l’épicentre de la violence
- Police&Tech – Fichage dissimulé, libertés piétinées
Coronavirus :
- L’humanité face à elle-même, une histoire de pandémies
- En pleine crise du coronavirus, les luttes sociales pallient l’incurie de l’État
- Mesures COVID : le ras-le-bol des commerçants de l’Écusson
- Hold-Up : l’axe du mal et la bouffée délirante
Extrême droite :
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