Le froid glacial n’a pas tempéré leurs ardeurs. Ce mardi 1er décembre, environ 70 assistants d’éducation (AED) ont manifesté leur colère devant le rectorat, rue de l’Université, à Montpellier. Jamais les « pions » ne s’étaient mis en grève depuis la création de leur contrat, en 2003. La mobilisation, partie de Marseille il y a seulement deux semaines et organisée ici par le collectif Vie S’Colère 34, ne fait que commencer.
« AED méprisés, vies scolaires fermées !!! ». Au mégaphone, Raphaël, 41 ans, sticker Sud-Educ 34 sur la veste, est là « pour rendre visible la précarité des AED, qui ont énormément de travail, administratif, éducatif, ou de surveillance ». Une colère « qui s’inscrit dans la lutte contre la destruction du service public ». Dans son lycée pro à Saint-Paul-Minervois, Raphaël compte « 50% de grévistes. Et c’est 100% au collège ».
Quentin, AED au collège des Escholiers de la Mosson, énumère les revendications du collectif : « la titularisation des AED précaires », « un plan d’embauche massif », « la prime Rep et Rep + pour les AED et les AESH », « la fin du chantage au renouvellement », « 35 heures par semaine, pas 40 ou 41, et des vacances scolaires », « le paiement des repas », « un statut mieux pris en compte ».
Une revalorisation du métier défendue par sa collègue Anaïs, du même bahut. Derrière son masque, décoré d’un pion barré d’un trait rouge, elle explique : « J’ai 29 ans, je suis AED depuis mes 19 ans, et je n’ai eu aucune évolution de travail ou de poste, ce n’est pas normal ». Titulaire de deux Masters et d’un DU en banque – « deux ans de souffrance » -, Anaïs explique avoir « voulu faire (s)on métier » d’assistante d’éducation. Un métier dont les conditions se dégradent, entre le « manque d’outils matériaux », la bascule vers la répression (« les élèves voient bien qu’on est dépassés par les événements »), et donc la précarité. « L’année prochaine sera ma dernière », regrette Anaïs, qui, même sans prime Rep et en travaillant « pendant les vacances sans être payée plus », reste « attachée aux gamins ».
Héloïse, elle, est AED à Fontcarrade, « le collège du maire » (Michaël Delafosse y est prof d’histoire-géo). Comme Quentin, elle fait partie de la délégation reçue par deux représentants de la rectrice. Pendant que leurs camarades donnaient de la voix dans la rue, Héloïse a trouvé « une vraie écoute » mais « peu de prises de risques » dans des « discours tout prêts ». Consciente que les décisions se prennent au ministère, Héloïse se contente de l’essentiel. « Ils ont compris que nous n’étions pas des gens sans éducation ou sans envie », et les revendications remonteront. « Je m’étonne que ce soit encore pareil partout. C’est le cœur de la société qui se prépare, la citoyenneté qui se préforme, et ceux qui s’en occupent se retrouvent en détresse ». Et sans interlocuteur. « Il n’y a aucun pôle AED au rectorat, remarque Medrik, enseignant aux Escholiers et représentant syndical Sud Education. Ça montre que pour eux, on ne vaut rien. Ça pourrait être une revendication supplémentaire ». #NousNeSommesPlusVosPions
Place Candolle, il restait encore une cinquantaine d’AED pour l’assemblée générale. L’occasion de faire connaissance, et d’appeler ceux qui n’y sont pas à rejoindre leur discussion Whatsapp. Trois commissions sont nées de cette réunion. Une commission Caisse de grève, pour gérer notamment la cagnotte en ligne et aider ceux qui en ont besoin (à salaire faible, la grève coûte). Une commission Communication, pour faire le lien avec les réseaux sociaux, les médias et les élus. Et une commission Relations extérieures, pour se coordonner avec les autres collectifs.
En ce qui concerne les perspectives, l’assemblée a approuvé la proposition d’intégrer les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) au mouvement ; et d’ouvrir le débat sur les conditions de la titularisation. Estimant qu’une reconduction immédiate de grève serait « contre-productive » à deux semaines des vacances de Noël, le collectif donne rendez-vous à la rentrée pour relancer le mouvement. « Ça laisse un mois pour faire grossir la mobilisation », indique Medrik, qui rappelle que « tout ce qu’on a obtenu, on l’a eu par le rapport de force ». « Ce n’est pas aujourd’hui qu’on obtiendra ce qu’on veut, confirme Quentin. Mais ce qu’on a fait aujourd’hui, c’est historique, ça n’a jamais eu lieu. » 40 établissements en grève dans l’Hérault, 500 dans toute la France, les chiffres donnent confiance à Raphaël. « Il faut qu’on transforme l’essai. On va y arriver. »
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