Les images ont “choqué” jusqu’au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, pourtant si soucieux de les faire disparaître de l’espace médiatique. Lundi 23 novembre au soir, une action menée par des collectifs et associations de soutien aux réfugié·es, et soutenue par des dizaines d’avocat·es et d’élu·es, se tenait sur la place de la République pour réagir à l’expulsion soutenue du camp de Saint-Denis, regroupant plusieurs milliers d’exilés, la semaine dernière.
Alors que ces évacuations avaient abouti au harcèlement policier quotidien de plusieurs centaines d’entre eux qui n’ont pas été pris en charge et relogés comme la Loi le prévoit, près de 500 s’étaient regroupés sur la place de la République pour y disposer des tentes et y passer la nuit en présence de leurs nombreux soutiens. Grâce aux images des nombreux reporters indépendants présents sur place, nous avons pu reconstituer une partie de ces événements.
PARIS – L’intervention se transforme en mêlée générale. Tensions en cours. pic.twitter.com/UCuRBfGEW5
— Clément Lanot (@ClementLanot) November 23, 2020
L’habituelle violence du maintien de l’ordre à Paris
Inacceptable pour le pouvoir, qui par la main du Préfet Didier Lallement, a dépêché un imposant dispositif policier pour évacuer dans la violence la place, confisquer les tentes des réfugiés et procéder à leur évacuation – ou plutôt leur traque – jusqu’à la lisière nord de la capitale. De nombreux faits de violences policières ont été constatés, allant des bousculades sur des avocat·es, du nassage de certain·es élu·es, d’actes brutaux sur des journalistes, et surtout, de pratiques très violentes à l’égard des exilés dont certains ont été littéralement “vidés” de leurs tentes.
Des policiers sortent directement des réfugiés en train de se reposer dans les tentes. #Republique pic.twitter.com/9lAELHi1fL
— Remy Buisine (@RemyBuisine) November 23, 2020
PARIS – Face à face très tendu. Tensions toujours en cours à #Republique. pic.twitter.com/URRuRWO5ml
— Clément Lanot (@ClementLanot) November 23, 2020
Ces pratiques à l’égard des réfugiés ne sont pourtant pas nouvelles, ce sont simplement celles mises en place depuis des années sur nos frontières, à Vintimille comme à Calais, où la traque et les expulsions permanentes sont orchestrées afin d’invisibiliser au maximum l’existence de la crise migratoire et rendre la vie impossible à celles et ceux qui ont fui des conditions d’existence catastrophiques ou dangereuses.
Lire aussi – De Vintimille à Menton, le manège des frontières
🔺DIRECT INFO🔻#République : les #migrants se déplacent… pic.twitter.com/pxTu5VrpRK
— HORS-ZONE PRESS (@HZ_Press) November 23, 2020
Cachons cette misère que nous ne saurions voir…
Après cette expulsion brutale, les réfugiés ainsi que leurs soutiens ont tenté de se rendre devant l’Hôtel de Ville mais en ont été repoussés, des élu·es comme Éric Coquerel ou Audrey Pulvar ont été nassé·es par les forces de l’ordre. Celles-ci ont fait usage de gaz lacrymogènes et de grenades de défense pour organiser une véritable traque dans les rues de Paris. Plusieurs réfugiés, mais aussi des journalistes, ont été agressés, dont Rémy Buisine, reporter pour le média Brut.
1. Hier soir je couvrais l’installation de centaines de réfugiés place de la République à Paris. J’ai fait des photos des tentes, des photos des personnes venues en soutien et bien sur des photos des charges violentes de la police. Vers 22h la police encercle les réfugiés pic.twitter.com/22Is2CeYSD
— Florent Bardos (@flobardos) November 24, 2020
PARIS – Un groupe d’élus semblent bloqués/nassés devant la Mairie de Paris.
Plusieurs cortèges sauvages sont dispersés dans les rues. pic.twitter.com/jqf1pL1EFv
— Clément Lanot (@ClementLanot) November 23, 2020
IL Y EN RAS-LE BOL ! Bavure de trop. @RemyBuisine qui venait de se faire contrôler, est coincé dans un coin, tapé et menacé par ce même groupe de policier ! #libertedelapresse #ViolencesPolicieres pic.twitter.com/VLMYASfoWj
— Nicolas Mayart (@Nicomay) November 23, 2020
Menace envers un groupe de journalistes avec un flash-ball et coups de matraques
.#menace #police #violence #LBD #manifestation m pic.twitter.com/2vmf39aaaT— Marc-Olivier Chataignier (@Marco_cgr) November 23, 2020
Le petit croche pied juste pour faire mal. Le policier ne cherche même pas à interpeller ! Mais comme le dit #DarmaninDemission, L’IGPN et #Macron, il n’y a pas de violences policières ! #Republique #refugies #PPLSecuriteGlobale #ViolencesPolicieres #StopLoiSecuriteGlobale pic.twitter.com/2opAGvyNHn
— Cerveaux non disponibles (@CerveauxNon) November 24, 2020
Une fois que les réfugiés ont passé le périphérique au nord de Paris, les forces de l’ordre ont rebroussé chemin. “Cachez cette misère que je ne saurais voir…” Ce ne sont pas des policiers que le pouvoir aurait du envoyer hier soir à République, témoignant une nouvelle fois de ses pratiques autoritaires violemment xénophobes, mais des travailleurs sociaux ou de la santé, des acteurs permettant de trouver une solution concrète à ces près de 500 exilés sans solution de logements, alors que plus de 200 000 sont vides à Paris. Heureusement, leurs soutiens étaient toujours là et ont pu procéder à une distribution de nourriture et de matériel pour pouvoir passer une nouvelle nuit… à la rue, en plein confinement et dans les températures glaciales de la capitale.
Ah tiens, maintenant boutés hors de la ville comme des indésirables.
« Allez vous planquer sous un pont là, pas trop nombreux, il ne faudrait pas que la vision de votre existence et de votre présence ne dérange l’honnête travailleur au petit matin ». https://t.co/OhWgZWFiJ3
— Louis Witter (@LouisWitter) November 23, 2020
Darmanin rencontre la presse, qui part en claquant la porte
Un peu plus tôt, le ministre de l’Intérieur rencontrait plusieurs journalistes et représentants des syndicats de presse ou société de journalistes, dans un éventail allant de Taha Bouhafs au représentant de la SDJ du Figaro, en passant par David Dufresne, tous remontés à bloc contre la proposition de loi de Sécurité Globale soutenue par le gouvernement. Ceux-ci ont quitté le rendez-vous assez rapidement, constatant et déplorant le déni de Gérald Darmanin quant à la réalité des violences policières et des entraves vécues sur le terrain par les journalistes, chaque fois qu’ils documentent le maintien de l’ordre.
«DARMANIN SE FOUT DE NOUS»
La délégation composée de la @LDH_Fr, @amnestyfrance, @REC_Collectif, de la famille Chouviat et des syndicats de la profession ressort très amère de la rencontre avec #Darmanin sur la #PPLSecuriteGlobale.@T_Bouhafs explique : #StopLoiSecuriteGlobale pic.twitter.com/Pfg3PR7qZF
— Le Média (@LeMediaTV) November 23, 2020
Le ministre n’a pas perdu de temps pour réagir par un nouvel exercice de langue de bois, occultant totalement la réalité du terrain et du comportement de la police quant aux preneurs d’images et témoins de sa brutalité. Nous avons pris le soin de flouter cet extrait, nous ne voudrions pas que le “premier flic de France” puisse voir dans notre travail une quelconque intention “malveillante” !
#Darmanin dans le flou après sa rencontre avec des journalistes… #Republique #StopLoiSecuriteGlobale #ViolencesPolicières pic.twitter.com/j0ZRMg1fvw
— La Mule du Pape – Montpellier MEDIA LIBRE (@Mule_du_Pape) November 23, 2020
Alors que nombre de journalistes étaient présent·es lors de l’expulsion des réfugiés sur la place de la République, reporters et médias indépendants ont passé la soirée à relayer ces images choquantes et indignes. Gérald Darmanin n’ayant pu échapper à celles-ci, s’est fendu d’un tweet encore plus décalé, presque humoristique, reconnaissant par là-même l’importance des images de violences policières et de leur diffusion sans entrave et immédiate dans l’espace public. Annonçant la demande d’un rapport au Préfet Lallement pour expliquer ces images “choquantes”, le ministre tente ainsi d’occulter sa propre responsabilité dans la gestion inhumaine de cette soirée. Une démarche bien hypocrite qui a immédiatement déclenché une avalanche de sarcasmes.
Certaines images de la dispersion du campement illicite de migrants place de la République sont choquantes. Je viens de demander un rapport circonstancié sur la réalité des faits au Préfet de police d’ici demain midi. Je prendrai des décisions dès sa réception.
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) November 23, 2020
On vous laisse avec le petit témoignage d’un confrère sur son vécu de la soirée :
allo @Interieur_Gouv – c’est pour un témoignage
«C’est du jamais vu en France» pour Laurent Bortolussi, Pdg de @LinePress, qui fournit toutes les TV françaises. #libertedelapresse #LoiSecuriteGlobale
23/11/20, Paris, place de la #République pic.twitter.com/xYR33U9arx
— David Dufresne (@davduf) November 24, 2020
Mais ces événements odieux n’en resteront pas là, puisque des collectifs de soutien aux migrant·es ont appelé à un nouveau rassemblement dès ce soir sur la place de la République, à 18h :
Communiqué des Collectifs de Sans-papiers de la région parisienne, Utopia56, Solidarité Migrants Wilson, Marche des Solidarités
Des centaines de migrants se sont installés lundi soir place de la République parce qu’en plein froid et en pleine crise sanitaire ils et elles sont à la rue, harcelés constamment par la police sans aucune solution décente d’hébergement.
L’indignité de leur situation et la violence de la réaction policière ont choqué. Cette fois elle était filmée et a visé aussi bien les migrants que les journalistes, les éluEs et les personnes solidaires des collectifs et associations de soutien. Mais pour les migrantEs cette violence est quotidienne.
C’est pourquoi nous appelons à un rassemblement ce mardi 24 novembre à 18H00 place de la République :
– pour une solution immédiate d’hébergement décent pour les migrantEs à la rue
– pour la régularisation de leur situation
– pour que soit mis fin au harcèlement policier contre les migrantEs et sans-papiers
Logement pour touTEs !
Liberté, Egalité, Papiers !
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