On en attendait pas moins de la part d’une majorité LREM qui aura avalisé depuis deux ans tous les excès d’un gouvernement hors sol, qui gouverne le pays comme on gère une multinationale, sans culture de la démocratie, aveugle et sourd aux aspirations populaires, aux mouvements sociaux, au respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. L’Assemblée Nationale a adopté par une majorité écrasante la controversée proposition de loi de Sécurité Globale, à 388 voix pour, 104 voix contre et 66 abstentions. On notera tout de même l’abstention de 30 députés LREM et 10 ayant voté contre, et le large soutien des députés LR. Les députés RN ont tous voté pour.
Le bruit des bottes et le silence des godillots
Extension des pouvoirs de la police municipale et de la sécurité privée, légalisation de la surveillance par drone, utilisation en direct des images des caméras piétons… Malgré les alertes des défenseurs des droits ou d’instances aussi bien nationales qu’internationales, l’Assemblée aura répondu à la déferlante de la peur dans un espace médiatique aux ordres du grand capital, et aux aspirations de syndicats de police devenus le dernier rempart entre le pouvoir et la gronde sociale qui court le pays depuis des années.
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Ainsi de l’article 24, qui aura cristallisé les débats, autour de la notion des libertés de la presse et d’information, mesure qui viendra sanctionner la diffusion “malveillante” d’images de fonctionnaires de police ou de gendarmerie identifiables. Vu la lenteur des procédures judiciaires, il est à douter des garanties que ce texte prétend apporter à la police quant à la crainte de violences subies par les fonctionnaires hors de leurs heures de travail. Une disposition de pure démagogie, qui ne trouvera sans doute que très peu de traductions judiciaires dans les faits, l’intention de nuire étant difficilement caractérisable dans la plupart des faits, mais permettra surtout à la police, sur la base de simples présomptions, de remplir les geôles de garde-à-vue de journalistes indépendants et de citoyen·nes filmant les opérations de police, souvent en direct.
Une disposition dont les termes sur le papier cachent ainsi la réalité que refusent d’admettre Emmanuel Macron, son gouvernement et sa majorité parlementaire : celle d’une police complètement dépassée par ses excès sur le terrain face aux nouvelles technologies et à leur usage populaire, et qui s’est mise en branle pour remporter cette “guerre de l’image” où elle accumule les défaites dans l’opinion publique depuis des années. Une disposition dissuasive, qui permettra d’écarter du terrain celles et ceux qui n’obéiront pas à cette injonction implicite de cesser de documenter la violence de l’autorité publique. Et dont on a à nouveau constaté le rôle primordial de vigies démocratiques pas plus tard qu’hier soir.
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Les députés REM se tirent une balle dans chaque pied
Si la législature macroniste a une nouvelle fois démontré son incapacité à écouter et comprendre la population dans son ensemble, comme à reconnaître la réalité des territoires qu’elle administre, la Loi n’en est pour autant pas définitivement adoptée ni applicable dès aujourd’hui. Elle doit d’abord passer par le Sénat à partir du mois de janvier, où il est prévisible qu’elle subira un certain nombre de modifications, avant de subir l’examen du Conseil constitutionnel dont le premier ministre Jean Castex a annoncé la saisine par ses soins. L’issue de ce passage devant la dernière instance est pour le moins incertaine tant la loi a suscité de réactions de toutes parts sur son caractère liberticide et son inconstitutionnalité.
Les parlementaires n’en ont donc pas fini d’essuyer les rafales téléphoniques et numériques, l’opprobre d’une partie immense et variée de la population et de sphères militantes plus remontées que jamais et prêtes à renouer avec la résistance malgré la période de crise sanitaire. Ni de devoir faire face aux polémiques qui ne manqueront pas d’être exacerbées dans l’espace médiatique chaque fois que des violences policières poindront, remettant en question le bienfondé d’une telle loi. La fin de ce mandat risque d’être fort mouvementée.
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