Le 10 juillet, date de la fin de la trêve hivernale, un collectif composé de plusieurs associations de défense des droits de l’Homme (LDH, DAL, Cimade), de collectifs squats et de syndicats (FSU, CGT, Solidaires) avait demandé, lors d’un rendez-vous avec la Préfecture, un moratoire sur les expulsions de squats à Montpellier.
Lors de cette réunion, le sous-préfet Philippe Nucho aurait annoncé que la priorité de la Préfecture était l’expulsion du squat “Bouisson-Bertrand” à Euromédecine, tenu par l’association Solidarité Partagée et accueillant plus de 200 personnes. Pressé notamment par les représentants des collectifs de petits squats, dont le CSA Bonnard, et des syndicats, le sous-Préfet s’est engagé, selon plusieurs sources présentes, à ne pas mettre à la rue les “familles avec enfants“.
Une trahison préfectorale ?
Or, comme l’ont relaté nombre de médias de la presse régionale et nos camarades du Poing, stupeur mercredi 22 juillet : le Casa del Sol, et surtout, le CSA Bonnard qui accueillait plus d’une cinquantaine de personnes dont des familles, cinq mineurs, ont été expulsées par une intervention policière. Drôle de sens de la priorité. Dix d’entre elles, en situation irrégulière, ont été prises en charge par la police aux frontières, certaines placées en centre de rétention administrative. Dans un communiqué de presse, le Préfet Jacques Witkowski assume ces expulsions et les justifie : “ces occupations illicites placent les personnes qui s’y sont installées dans des conditions sanitaires et sociales indignes“.
M. Witkowski propose donc aux expulsé·es et leurs enfants quatre nuits d’hôtel avant de se retrouver à la rue, bel exemple du sens de la dignité de l’État, qui avait pourtant trouvé bien commode de pouvoir se reposer sur les squats pendant le confinement, alors que l’hébergement d’urgence sur notre territoire était plein à craquer et que les réquisitions s’étaient multipliées (voir notre reportage : En pleine crise du coronavirus, les luttes sociales pallient l’incurie de l’État). Le Préfet a, comme d’habitude, sans doute considéré que ces quelques nuits à l’hôtel constituaient une solution de relogement viable.
Alors que le sous-Préfet s’est engagé auprès du collectif le 10 juillet, peut-on voir dans ce tête à queue du Préfet une tentative de décrédibilisation de M. Nucho, qui officiait déjà sous la direction de son prédécesseur Pierre Pouëssel ? Et permettre un peu de ménage dans l’ancien exécutif, en commençant par désavouer la parole de son subordonné ? Ou bien l’une de ces erreurs de communication interne si représentatives de la bureaucratie administrative étatique … ?
Comment expliquer cette volte-face auprès des milieux militants reçus moins de quinze jours auparavant, et qui s’est faite au prix de la stabilité de l’existence de ces familles ? Femmes, hommes et enfants, qui ne s’attendaient pas à se voir expulsées ainsi du jour au lendemain, en pleines crise sanitaire et période de pics de chaleur… Quoiqu’il en soit, le collectif a d’ores et déjà recontacté la Préfecture en l’attente d’une explication.
Des collectifs squats réalistes, et réactifs
Quoiqu’il en soit, des militant·es peu confiant·es dans l’engagement de la Préfecture, avaient anticipé l’expulsion du CSA Bonnard, et procédé le 15 juillet à la réquisition d’un nouveau bâtiment, situé 1 rue Saint-Vincent-de-Paul près de Boutonnet et inoccupé depuis plusieurs années, afin d’y reloger les familles. L’annonce de cette occupation a été faite ce jour auprès de la mairie, propriétaire des lieux, par la Ligue des droits de l’Homme 34, et de nombreux militant·es et soutiens sont dès la fin de matinée venu·es en renfort.
La police nationale sur information de la municipale, s’est auto-saisie, et est venue dans l’après-midi reconnaître l’occupation. Après les constatations de la police scientifique, les agents se préparaient à recevoir un ordre d’intervention. Cependant, celui-ci n’est pas venu. Pendant plusieurs heures, les agents ne semblaient pas savoir dans quel cadre légal ils agissaient, et des doutes subsistaient sur l’existence d’une possible plainte par la municipalité. Militant·es et policier·es sont ainsi resté·es dans l’expectative un long moment, les un·es à l’ombre et les autres sous le soleil écrasant.
Delafosse ne veut pas faire tâche
Face à la médiatisation des récentes expulsions, la mairie, en tant que propriétaire, n’a pas souhaité que l’expulsion se produise, M. Delafosse ayant eu la bonne intelligence de s’épargner un mauvais coup de com’ en plein début de mandat en se mettant à dos les associations et collectifs qui luttent contre le mal-logement à Montpellier, et dont l’action est cruciale (Lire notre article : Quand l’État démissionne, l’explosion de la précarité). Les demandes de logements sociaux dans le département sont en effet passées de 14000 à 40000 en quelques années. Selon la Fondation Abbé Pierre, environ 5000 personnes seraient expulsables dans la métropole.
Le collectif ayant procédé à la réquisition a obtenu un rendez-vous avec les services municipaux ce lundi prochain pour envisager une pérennisation de l’occupation, le temps au moins que des propositions de logement décentes soient émises pour ces personnes en attente de régularisation. Le nouveau président de la métropole et maire de Montpellier pourrait bien faire d’une pierre deux coups s’il parvenait à trouver un relogement pérenne à ces personnes parmi les plus de 10000 logements vacants de la ville.
Alors que la Préfecture annonçait récemment avoir supprimé 145 des 320 places d’hébergement créées à la faveur de la crise du Covid 19, déjà largement insuffisantes, on estime qu’environ 4000 personnes sont SDF ou vivent en bidonville à Montpellier.
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