Non, l’appli StopCovid ne s’est pas installée automatiquement sur nos smartphones

Depuis quelques jours circule sur les réseaux sociaux l’une de ces chaînes virales qui, par des effets d’annonce et de décontextualisation de faits, entraînent en général l’adhésion de la population à des contre-vérités dont on se passerait bien en ces temps de désinformation et de mensonges d’État. Ici, il s’agit de l’application StopCovid, qui aurait été installée automatiquement sur les smartphones, alors que le gouvernement assurait que l’installation se ferait sur la base du volontariat.

Confusion entre API et appli

Cette affirmation a été relayée par le site Wikistrike, connu pour répandre régulièrement de fausses nouvelles, et qui a joué caisse de résonance dans la diffusion de l’information. Contacté, un membre de la Quadrature du net, nous explique que non, l’application StopCovid n’a pas été installée automatiquement sur nos smartphones. Une telle interprétation se base en fait sur la confusion entre l’application StopCovid et le système d’API (ensemble de méthodes installé par défaut sur le téléphone par Apple ou Google) des smartphones.

En ce qui concerne Androïd, la publication qui tourne conseille de désactiver le système de traçage Covid19. Or, la manipulation conseillée n’a absolument rien à voir avec l’appli StopCovid. Dans le cas d’iOs, il semblerait qu’Apple ait effectué une mise à jour comprenant une fonctionnalité “Journalisation des expositions au COVID-19” qui encore une fois, n’a rien à voir avec l’appli StopCovid. Ces fonctionnalités sont en fait là pour fluidifier l’usage des nombreuses applications de traçage développées autour de la planète et reposant sur la base des systèmes d’API de Google et Apple qui se sont associés pour “épauler” les gouvernements (l’Allemagne ou l’Italie ont par exemple fait ce choix). Mais ce n’est pas le cas de la France !

En effet, l’un des arguments avancés par le gouvernement pour justifier le développement de sa propre application, qui ne se base pas sur les API existantes, était justement de protéger les données des citoyens du giron de Google ou d’Apple. Argument un peu fallacieux, puisque les données sont en fait hébergées et traitées par les États eux-mêmes et non par les deux géants du numérique, mais qu’en plus, le gouvernement a choisi de faire confiance à Microsoft pour stocker les siennes…

En soi, l’appli StopCovid ne fonctionne donc pas sur les bases développées par Google ou Apple, il serait donc très surprenant que ces derniers installent automatiquement une application dont ils ont été écartés de la conception, et qui ne se base par sur leur système d’API. De manière légale, le gouvernement ne peut également les y forcer sans s’engager dans un nouveau processus législatif. D’autre part, l’application StopCovid n’est pas encore sortie en soi, elle sera disponible à partir de demain mardi 2 juin, à midi.

Pas de panique donc, aucun système de traçage nouveau n’est mis en place dans nos smartphones à moins que l’on ait téléchargé et installé l’appli StopCovid. Ce sont les applications téléchargées et non les API du système d’exploitation qui effectuent le traçage et communiquent les données au gouvernement.

Un révélateur de l’appréhension de la population

Présentées comme une des solutions incontournables pour contrer la pandémie, les applications de traçage ne semblent ni faire l’unanimité de la population, ni preuve d’une grande efficacité. Selon les experts scientifiques, il faudrait au moins que 60% de la population installe l’application pour qu’elle puisse avoir une quelconque efficacité. Rappelons que 25% des Français ne possèdent pas de smartphone…

De plus, il semblerait que le système français, basé sur le Bluetooth, technologie par ailleurs peu sécurisée, soit en partie incompatible avec les iPhones, qui désactivent le Bluetooth lorsque l’écran est en veille. L’application ne serait donc utile et active que lorsqu’on utilise son iPhone… En matière de sécurité, l’exemple de l’application qatarie, qui repose aussi sur le Bluetooth, révélé par Amnesty International dévoile une énorme faille de sécurité ayant exposé les données de plus d’un million de personnes.

D’autre part, de nombreux exemples montrent l’inefficacité technique d’une telle solution : en Australie par exemple, un seul cas a été révélé par le système de traçage numérique, malgré des millions de téléchargement. En Islande, il est considéré comme presque inutile, malgré un taux de 40% de téléchargements.

La population en France ne semble pas très encline à télécharger StopCovid, que de nombreuses personnes assimilent à un procédé de fichage. A cet égard, leurs interrogations sont légitimes au vu de l’utilité réelle d’une telle application, alors que le nombre de cas dépistés et de décès ne cessent de se réduire, tout comme celui des patients en réanimation. Comme pour les masques, les effets de la réaction du gouvernement se produisent alors que tout semble se terminer…







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