Quand le gouvernement s’inquiète du “repli communautaire” de nos enfants…

C’est une surprenante fiche pédagogique rendue disponible sur le site du ministère de l’Éducation dans le cadre du plan de déconfinement et de réouverture des écoles. A destination des enseignants, elle vise à alerter sur de présupposés “risques de replis communautaristes” dans le sillage du confinement du à la crise du coronavirus.

La crise du Covid-19 peut être utilisée par certains pour démontrer l’incapacité des Etats à protéger la population et tenter de déstabiliser les individus fragilisés. Divers groupes radicaux exploitent cette situation dramatique dans le but de rallier à leur cause de nouveaux membres et de troubler l’ordre public.

Ce préambule met au moins parfaitement le doigt sur une vérité : l’État s’est bel et bien montré incapable de protéger au mieux la population. Démantèlement aveugle de notre système de santé en dépit des nombreuses alertes lancées par le personnel soignant depuis deux ans, mensonges sur les masques, pénurie de tests, communication vaseuse et irresponsable, le gouvernement a démontré son incapacité totale à prendre en charge une telle crise. Les chiffres des décès dans notre pays, quatre fois plus élevés que chez nos voisins allemands et représentant 10% du total mondial, sont sans cesse là pour le rappeler.

Tout est bruit pour qui a peur

On sent peut-être une certaine fébrilité monter dans les rangs de nos décideurs, alors que les actes de sabotage d’antennes 5G, de fibres optiques ou de radars se multiplient sur le territoire, et que l’ampleur de la fronde à venir est largement décelable sur les réseaux sociaux. La France est en colère. Et cette fois, tous les secteurs sont simultanément touchés de plein fouet par l’inconséquence du gouvernement et ses décisions ineptes successives qui ont sans cesse placé l’argent et les questions économiques au-dessus de tout et notamment de l’humain. Aujourd’hui, après les avoir attendus pendant des semaines, la population que l’État amende massivement, va de plus devoir se payer ses propres masques, dont on voit des exemples de qualité très douteuse être mis en vente hors de prix.

En conséquence, certaines questions et réactions d’élèves peuvent être abruptes et empreintes d’hostilité et de défiance: remise en question radicale de notre société et des valeurs républicaines, méfiance envers les discours scientifiques, fronde contre les mesures gouvernementales, etc.

Encore une fois, c’est très bien vu. Les enfants eux aussi pâtissent de la situation. Ils viennent de manquer deux mois d’école et de sociabilisation, vivront une large période de leurs courtes vies dans la peur d’un invisible virus, et subiront directement l’absurdité de règles de distanciations sociales et de gestes barrières pour à peine quelques semaines d’école. Parce qu’il faut bien faire redémarrer cette économie si vitale… aux intérêts des ultrariches. Remettre la population au travail, valeur fondamentale et indispensable de la société libérale.

• Lutter contre les replis communautaristes qui portent atteintes aux valeurs du pacte républicain et contre toute manifestation de séparatisme ;
• Lutter contre la désinformation, les théories complotistes, les rumeurs et les fake news sur le Covid-19 utilisées à des fins mercantiles et politiques ;
• Accompagner les personnels en établissement face aux réactions de repli des élèves.

Séparatisme ? J’ai bien lu ? C’est dire l’état de la (légitime) paranoïa de nos gouvernants qui craignent sans doute qu’un archipel jaune rouge noir ne vienne vite remplacer sa carte du déconfinement. “La désinformation, les fake news utilisées à des fins mercantiles et politiques“… Après l’affaire “désinfox coronavirus”, après avoir menti sur les masques, sur l’état du système de santé, on est là typiquement dans l’inversion accusatoire. Ce n’est pas d’un comité scientifique dont a besoin ce gouvernement mais d’une équipe de psychiatres.

Identifier les discours ou les signes de replis communautaristes

• Prendre en compte l’intégralité du spectre des idées radicales du communautarisme (ethnique, religieuse, culturelle, sociale, politique, mystique…).

La République en marche arrière

Aïe ! On voit bien à quelles idées radicales culturelles, sociales ou politiques ces termes font référence. Tous ces mouvements sociaux qui se sont lancés dans la chamaillerie sous le quinquennat Macron, ces feignasses de derniers de cordée qui ont coulé notre économie en manifestant tous les samedis puis pendant une grève historique qui aura mobilisé des pans entiers de la société… pendant que le CAC40 tout entier continuait de se gaver de pognon, naturellement sans aucune radicalité dans son positionnement sociétal !

Repérer les glissements sémantiques fréquents entre « communauté » et « communautarisme ». Le terme de « communautarisme » est utilisé pour signifier une dérive opposée à l’idéal républicain, qui donne la primauté des règles du groupe sur la loi républicaine française universaliste et intégratrice. Le communautarisme peut être alors considéré comme une menace pour la cohésion sociale en France.

Encore une fois, bien vu ! Décidément, nos politiques ont un très bon sens de l’analyse. Alors que les hordes de “factieux” et les foules “séditieuses” se sont jetées dans la bataille, envoyant tel des Gaulois réfractaires sous perfusion de potion magique, tant de nos braves policiers à l’hôpital, il n’est pas à douter que ceux qui ont été emprisonnés, blessés, parmi les rangs des barbares, ne reconnaissent aujourd’hui plus la primauté de cette “loi républicaine française universaliste et intégratrice“, qui les a énucléés, traumatisés, ou encore casés dans des banlieues dégueulasses et volontairement délaissées ou stigmatisées par nos pouvoirs politiques qui comptent bien sur la montée de l’extrême-droite pour communautariser et ainsi criminaliser une large part de la population.

Être attentif aux atteintes à la République qui doivent être identifiées et sanctionnées.

Le bâton et… le bâton

Il semble que de nombreuses atteintes à la République de la part de nos responsables politiques aient pu être identifiées sous le quinquennat Macron, entre la répression violente des mouvements sociaux et des banlieues, le démantèlement au forceps de notre système social collectif au profit du grand capital, ou la gestion calamiteuse de la crise du coronavirus. On n’avait pas eu de carotte, mais on a pris l’habitude du coup de bâton.

Le gouvernement demande donc aux enseignants d’identifier et de punir nos vilains enfants qui pourraient bien s’être pris de passion pour Bakounine et Trotski pendant ces vacances forcées, se mettre à vouloir saboter le système informatique de l’école ou faire des prêches et des prières pendant la cantine. Hâte de voir le petit Théo cracher sur le drapeau français en criant “Covid19” et faire un doigt d’honneur au portrait de Macron.

Identifier les techniques de communication des groupes radicaux qui reposent sur diverses manières de procéder :

• Attiser les peurs comme par exemple en qualifiant l’émergence du Covid-19 de « châtiment envoyé par Dieu sur qui Il veut » Le coronavirus est interprété comme une punition céleste ;

• Exploiter la satisfaction vengeresse : certains groupes extrémistes se félicitent de ce désastre sanitaire en exploitant le déroulement et les effets sur le mode coutumier de la vengeance ;

Les enfants, ces extrémistes…

On le sait, les enfants ont parfois ce prosélytisme sous-jacent, cette verve qui les porte vers Dieu et la religion, il va donc falloir être très attentifs aux écoles privées remplies de nos futures élites. Ce n’est pas des petits Jésus qu’on veut pour demain, mais plutôt des petits Bolloré et des Arnault. Pour ce qui est de la vengeance, on ne peut voir que cela dans la destruction des antennes téléphoniques, ou le boycott de l’application StopCovid qui va permettre de ficher tranquillement une grande partie de la population.

• Participer à une vision manichéenne du monde (les bons scientifiques et les mauvais, les croyants et les impies etc.) ;

Les bons politiciens et les mauvais… Les honnêtes gens, et les filous… Le peuple et les grands patrons… Bon et puis il fallait bien faire une petite référence larvée au Professeur Raoult, qui est venu foutre son merdier ingérable au beau milieu de la Bérézina.

• Engendrer volontairement des confusions et des antagonismes (islam/islamisme, communauté/communautarisme, identité/nationalité, religion/laïcité…) ;

• Critiquer tous les discours d’autorité, notamment scientifiques, et en même temps de s’en servir pour discréditer les discours qui sont hostiles à leurs thèses.

Engendrer volontairement des confusions et des antagonismes ? Le gouvernement sait de quoi il parle. Les masques sont inutiles/les masques sont indispensables, il n’y a pas de violences policières/en fait si mais les policiers sont fatigués, on fait un grand débat/on passe au 49-3, on tabasse les journalistes “militants”/on “lutte” contre les fakenews… En fait, il n’y a que sur cet État d’urgence permanent que le gouvernement ne se contredit pas et affirme clairement son positionnement autoritaire à tous ceux qui osent se lever et lutter dignement contre son action néfaste au monde. Hâte également de voir les petits Kévin et Gabin s’époumoner dans une féroce discussion à bâton rompue sur le protocole à l’hydroxychloroquine et critiquer le discours d’autorité de la maîtresse qui tente difficilement de leur rappeler les gestes barrières.

Le gouvernement propose par la suite une série d’activités pédagogiques, telles que des débats sur “l’indivisibilité de la République“, sur la laïcité, ou “une intervention des équipes académiques des Valeurs de la République” notamment dans ces “quartiers particulièrement sensibles identifiés”… On craint le pire.

On ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs

Renforcer l’esprit critique des élèves avec l’éducation aux médias et à l’information (l’EMI) qui participe à la prévention du complotisme à l’école, afin qu’ils réussissent à résister à la tentation d’une lecture du monde simplificatrice et aux vidéos de propagande qui circulent sur internet.

La Mule confinée trépigne sur ses sabots. On vit une époque formidable, où les gens pensent que la terre est plate. Et le complotisme, c’est bien pratique de l’assimiler à la critique de ce petit réseau de riches et de pantouflards qui s’est accaparé nos ressources et le pouvoir tout au long de l’histoire de notre aimée Cinquième République. Cette lecture du monde simplificatrice où l’on considère que tous ces copains qui bouffent ensemble et se refilent des conseils d’investissements en sacrifiant des rangées de travailleurs et la viabilité de notre planète représente une caste privilégiée interconnectée avec une communauté d’intérêts la poussant à agir avec sociopathie à l’égard d’autrui et à s’accaparer toujours plus de pouvoir et de fric.

C’est donc sur nos enfants, que l’État d’urgence s’abat à son tour. Nos chers enfants, à qui l’on va devoir expliquer strictement ces fameuses règles de distanciation sociale, que l’on va accompagner à l’école la boule au ventre avec toujours cette inconnue du virus dans un coin de la tête. Nos enfants que nous allons devoir affubler de masques aux garanties ridicules, nos enfants dont les mains vont s’écailler comme celles des infirmières sous la morsure régulière du gel hydroalcoolique, les mains que nous leur interdiront avec fermeté de porter à leurs bouches et leurs nez morveux.

On a vu beaucoup, tout au long de cette crise, et nombre d’entre nous avons été rudement mis à l’épreuve. Mais aujourd’hui, c’est donc le “repli communautaire” qui préoccupe nos décideurs… non sans raisons. Toutefois, c’est peut-être de leur propre repli qu’ils devraient se préoccuper. Alors que le déconfinement promet un renouveau et un élargissement de la contestation sociale, le gouvernement ne marche pas sur une ligne de crête comme l’a déclaré Édouard Philippe en présentant son plan de sortie de crise, mais sur des paquets d’oeufs.







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