A Montpellier comme ailleurs, la précarité tue

Ce mardi 24 décembre au matin, une cinquante de personnes se réunissent devant les locaux du CAARUD Axess, centre d’accueil et d’accompagnement, notamment en prévention pour les usagers de drogues. Dans une ambiance qui vire de la tristesse à la joie, elles et ils sont là pour rendre un dernier hommage à Mohamed Boutahri, dit Momo, retrouvé mort entouré de ses couvertures, jeudi 12 décembre à 19h devant le square Planchon, en face de la gare Saint Roch à Montpellier.

Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues. Dans les bois, ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité, et d’efficacité là aussi.

En juillet 2017, peu après son élection, Emmanuel Macron se fendait d’une de ces vagues et mensongères promesses en l’air dont sont friands nombre de nos politiciens lorsqu’il s’agit de se peindre en humaniste. Un beau miroir aux alouettes qui faisait naturellement fi des vagues migratoires croissantes, de la précarisation de la population à travers l’inflation permanente et la flexibilisation du marché du travail, et de l’involonté politique manifeste en terme de question sociale que le nouveau président allait bientôt assumer.

En France, près de 200 000 personnes seraient sans domicile fixe en 2019, un chiffre en constante augmentation puisque l’INSEE en dénombrait 86 000 en 2001, puis 133 000 en 2012. Rien qu’à Montpellier, qui se veut pourtant le porte étendard de la “French tech” et de l’art de vivre à la Méditerranéenne façon Californie en carton pâte, on dénombrerait plus de 4000 personnes sans domicile fixe.

Pourtant, rappelle DAL (la fédération Droit au Logement) dans un communiqué récent, plus de 12800 logements seraient vacants dans la métropole, alors que le Préfet dispose des prérogatives pour les réquisitionner et les mettre à disposition des sans abris (selon des ordonnances datant de 1945 et 1998). Comment explique-t-on alors le nombre croissant de SDF dans les rues de Montpellier autrement que par l’inaction des autorités ?

De même, DAL met le doigt sur l’hypocrisie de pouvoirs publics locaux qui ont doublé les expulsions locatives depuis dix ans, et se placent systématiquement à l’encontre des projets de squats d’accueil et autres centres autogérés en les attaquant en justice. DAL dénonce aussi une politique publique qui se limite à repousser les sans abris aux abords de la ville, dans de véritables bidonvilles, en laissant se dégénérer leur santé comme s’empirer leur marginalisation. Au détriment d’une réelle politique d’insertion, par la construction massive de logements sociaux accessibles aux plus pauvres. Rappelons que l’espérance de vie d’une personne à la rue est de 49 ans.

Momo, lui, aura tenu dix ans de moins. Dans le cortège qui s’élance sur l’avenue Charles Flahaut, les mines ont parfois l’air sombre. L’homme était très apprécié par les autres SDF du coin, dont certains se sont joints à la marche, mais aussi par les nombreux bénévoles qui à travers diverses associations, dont l’Association Humanitaire, apportent aide et réconfort aux sans abris du centre ville. Momo était connu pour sa joie de vivre, sa bienveillance et sa solidarité, il apportait souvent son aide aux distributions de repas.

C’est la troisième personne sans logis qui meurt à Montpellier ces dernières semaines, dans l’indifférence générale. La cinquantaine de marcheurs rejoint le centre-ville, encadrée par quatre policiers à moto, et s’arrête à plusieurs reprises pour interpeller les passants en plein dans les dernières emplettes du réveillon, ou d’autres SDF qui répondent par des gestes d’amitié ou de solidarité. “C’est encore l’heure du travail pour lui” s’amuse un punk à chien en apercevant un “collègue” qui fait la manche. Aux abords des halles Castellane, les plateaux d’huitres se baladent parfois avec curiosité, mais souvent indifférence, autour de l’hétéroclite cortège qui descend vers la place de la Comédie.

La marche se termine aux alentours du square Planchon, là précisément, où Mohamed Boutahri a été retrouvé mort. Les pancartes de carton, qui portent des messages de colère envers la précarité, comme de tendresse et d’amitié pour Momo, sont affichées sur les grilles du parc. Une salve d’applaudissements vient rendre un dernier hommage à l’homme, et le ranimer dans les mémoires de tous.

On aperçoit Muriel Ressiguier, notre députée LFI. Clothilde Ollier également, est de la partie. Comme une odeur de campagne… La maire de Murles, candidate EELV aux municipales à Montpellier, est au coude à coude avec Philippe Saurel selon un récent sondage. Alors que celui-ci ne peut vraiment se targuer d’un bilan positif en matière d’inclusion sociale et de lutte contre la précarité – en témoignent l’importance et la résilience du mouvement Gilet jaune à Montpellier et la multiplication dramatique des sans abris et mal logés -, Mme. Ollier sera quant à elle attendue au tournant lors de cette campagne. Et de son hypothétique mandat.







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