Assemblée des Assemblées des Gilets Jaunes #4 à Montpellier

Une conférence de presse était ce jour organisée au Dôme, par des gilets jaunes membres de l’organisation de la quatrième Assemblée des Assemblées du mouvement, qui se tiendra à Montpellier les 1, 2 et 3 novembre 2019. Initiative lancée il y a près d’un an, par les gilets jaunes de Commercy, où s’est tenue la première d’entre elles, l’ADA rassemble régulièrement plusieurs centaines de mandataires des multiples groupes de gilets jaunes sur le territoire français.

Le succès des précédentes éditions (plus de 300 participants pour la première, environ 700 pour les deux suivantes) est à mettre en relief avec la trajectoire de ce mouvement inédit dans l’histoire, qui a spontanément cherché à travers ces rassemblements, à se comprendre et se structurer. Si la première édition de Commercy avait abouti à un appel unitaire visant à définir en globalité le mouvement, les suivantes ont pu montrer la diversité d’horizons sociopolitiques qui le parcouraient et en formaient le squelette. Les ADA de Saint-Nazaire et Montceau-les-Mines ont pu montrer à la fois ces différences, et les confronter dans un état d’esprit de résolution et de résilience. Aussi, différents appels et initiatives ont pu refléter la complexité du mouvement.

Bien sûr, l’ADA ne représente pas la totalité des gilets jaunes. Elle n’en est pas un organe politique, ni réellement décisionnaire. Elle peut être critiquée par certains dans le mouvement, qui ne se reconnaissent pas dans cette volonté de structuration et de réflexion politique commune, parfois chez ceux qu’on appelle désormais les “ultra jaunes”. Mais elle constitue toutefois un espace de dialogue, d’échange, un cadre permettant au mouvement de se définir par lui-même autour de socles communs, tout en exprimant dans le respect ses divergences internes. Cette quatrième édition, organisée par les gilets jaunes montpelliérains et héraultais, semble vouloir enclencher, avec l’anniversaire du mouvement qui se profile, un processus de maturation et d’élaboration collective, plus qu’une grande fête collaborative.

Plusieurs axes de réflexions ont été définis en amont et axeront les débats, qui se dérouleront en groupes plus restreints que lors des éditions précédentes et avec plus de temps de parole pour les participants. Le premier sujet de débat est intéressant car il rebondit sur les précédentes éditions de l’ADA : “Quels sont le rôle et la structuration de l’ADA ?“. Le choix de ce thème répond à un certain réalisme sur ce qu’est cet événement, qui n’est pas entièrement représentatif du mouvement mais se propose d’en constituer un socle abordable par tous.

Le deuxième axe répond aussi à une certaine lucidité sur l’évolution propre au mouvement des gilets jaunes. “Comment retrouver un lien avec la population ?” Il est certain qu’avec l’été, et l’immuabilité de la sphère politique malgré des semaines et des semaines consécutives de manifestations réprimées, le mouvement a traversé une certaine forme d’essoufflement et a pâti d’une image sans cesse travestie dans les massmedia, même si certains débats importants ont pu émerger (violences policières, revendications). La lassitude des gilets jaunes a coïncidé avec celle d’une partie de la population, qui voudrait bien récupérer son bon vieux samedi après-midi en centre-ville.

A l’inverse, le troisième axe parie sur les signes de convergence marqués depuis le G7 et cette rentrée sociale mouvementée, et interroge les gilets jaunes sur la façon de travailler avec les autres mouvements. Avec l’occupation du centre commercial Italie 2 et de la place du Châtelet à Paris par Extinction Rebellion, où l’on a pu voir briller le fluo de nombreux gilets, mais aussi la présence de militants écologistes lors de certains actes importants récents des gilets jaunes et inversement, il semble que certaines luttes tendent à se mêler. Comment organiser l’implication du mouvement des gilets dans ce processus d’échange et d’élaboration commune ?

Le quatrième axe concerne la répression, effective, du mouvement. On ne trouve plus les mots pour décrire le processus qui est en cours, entre une police en roue libre et une judiciarisation oppressive des manifestants gilets jaunes par le parquet, qui dépassent aujourd’hui les limites de l’entendement. Les mouvements écologistes ne font pas exception, en dépit de la relative clémence qui a touché les actions d’XR jusqu’à présent. Dans ces derniers, on note une organisation très précise et beaucoup d’information en ce qui concerne les suites policières ou judiciaires des actions menées, ce qui est à la fois un processus rassurant pour les militants, et qui conforte le droit dans un usage de bon sens. Lorsque ceux-ci s’engagent dans une action, ils savent précisément jusqu’où celle-ci peut les mener, ont préparé leur défense avec des conseils juridiques, et sont prêts à affronter gardes à vue, perquisitions, ou éventuelles violences policières.

Aujourd’hui encore, les pompiers et les infirmières ont pu faire l’objet d’une intense répression, aux côtés de journalistes, gilets jaunes, street-medics, etc. Le front de la lutte sociale ne cesse de s’élargir. Autant d’axes de réflexion qui pourraient permettre aux gilets jaunes de faire face à la répression multiforme qui les touche, à travers les jugements en comparution immédiate notamment, s’ils parvenaient à faire front commun avec les autres mouvances qui luttent elles aussi contre une forme de judiciarisation dirigée par l’exécutif.

La cinquième question sera celle des alliés et des ennemis du mouvement, en réaction à ses propres convictions. Comment définir et formuler clairement contre qui et contre quoi les gilets jaunes se battent ? Revenir sur les revendications pour estimer avec qui il est possible de travailler et d’établir des ponts, notamment au niveau local. Cette réflexion reviendra donc sans doute sur ce qui a été formulé lors des ADA précédentes, et permettra de l’approfondir.

Le sixième axe a pris le parti de se saisir d’une question qui a intensément traversé le mouvement des gilets jaunes dans certaines de ses franges, et qui relève aussi de la profonde action de politisation entraînée dans le mouvement par nombre de ses membres. Il s’agit du municipalisme, projet libertaire dans son fondement, qui consiste à établir des voies de démocratie directe et locale, et peut trouver une réalisation concrète dans le fait de s’emparer des mairies ou institutions représentatives locales pour exercer un rapport de force territorial avec le gouvernement centralisé.

La cerise sur le gâteau, c’est le septième axe, qui s’inscrit dans l’actualité du mouvement. Que faire, à travers l’ADA, pour fêter le premier anniversaire des gilets jaunes, le 17 novembre 2019. L’Assemblée des Assemblées à Montpellier peut-elle diriger une action commune, coordonnée, nationale, pour marquer cette date symbole de la résilience et de l’originalité inattendue de ce mouvement et qui suivra de près sa quatrième édition ? Une année du mouvement social qui a été largement propulsée par l’onde de choc du mouvement fluo, qui se rend toutefois compte aujourd’hui qu’il ne peut pas faire l’économie de l’ouverture sur l’ensemble de la société.

Au delà de cette articulation particulière, les gilets jaunes qui donnent cette conférence de presse insistent sur le fait de laisser place à la diversité du mouvement, quitte à sortir du principe des fameux appels. Le but sera bien plus de se mettre en lien concrètement, et de trouver des pierres d’achoppement entre les différentes facettes qui composent aujourd’hui le gilet.

Ils ont été plutôt ouverts lors de la séance de question de la presse, largement indépendante, même si l’on pouvait remarquer une présence plutôt bienveillante de France 3 Région. Certains sujets ont pu être approfondis. Notamment celui de la place des media dans cette Assemblée des Assemblées, qui avait pu poser question lors de la précédente de Montceau-les-Mines. Alors présents sur place, nous n’avions pu produire de travail de fond, tout contact de notre part prêtant à débat lors des ateliers de discussion collective, ainsi que notre présence en plénière, en tant que presse indépendante. Seuls les media gilets jaunes semblaient alors passer toutes barrières et trouver l’assentiment général. Les autres prêtaient toujours à débat.

En ce qui concerne cette ADA n°4, il semblerait que la question des media ait été concrètement réfléchie et que ceux-ci, sans avoir un accès total et exclusif à toutes les thématiques, disposeront d’une réelle assistance et d’une organisation vouée à leur donner accès régulièrement à l’information. Les gilets jaunes de Montpellier font montre d’une volonté de mener de front des thématiques complémentaires au sein du mouvement social, et d’emmener cette ADA sur une réflexion plus large, réactualisée, après ces vacances qui auront permis le repos de chacun. Et cette rentrée qui en dit long sur l’intensité des luttes actuelles dans notre pays.

Rendez-vous donc les 1, 2 et 3 novembre 2019 à Montpellier.

Toutes les informations sur :
http://assembleedesassemblees.org/

 

 







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