« Stop au copinage » : les étudiant∙es du Mo.Co en colère contre la politique culturelle de la municipalité

C’est un sentiment d’injustice mêlé à une impression de mépris. Depuis le 15 mars derniers, les étudiant∙es de l’ESBAM (Ecole des Beaux Arts de Montpellier) tentent désespérément de se faire entendre. Alors que Nicolas Bourriaud, actuel directeur du Mo.Co, arrive au terme de son contrat, il devrait être remplacé par Numa Hambursin, un changement auquel ces étudiant∙es sont fermement opposé.

Et ce n’est pourtant pas faute de l’avoir fait savoir. Ielles avaient d’abord commencé par publier, de leur propre initiative et pour demander le maintien de Nicolas Bourriaud, une lettre ouverte dans la presse locale à destination de Michael Delafosse, puis rencontré son directeur de cabinet Grégory Bozonnet. « De notre point de vue d’étudiant∙es, c’est une personnalité éminente dans le monde de l’art, il a beaucoup apporté au Mo.Co ces dernières années et il a projet culturel diversifié très intéressant. » Seulement voilà, ça coince avec la municipalité. Programme jugé élitiste, plainte en ce qui concerne le budget, Nicolas Bourriaud ne sera pas réélu.

C’est en recevant les résultats du jury de sélection censé départager les candidats de l’appel à projet restants qu’ielles ont découvert les deux têtes de classement, arrivés ex aequo : Numa Hambursin et Ashok Adiceam. « Nous n’avons jamais vraiment eu de retours à propos des questionnements que nous avons soulevés et des inquiétudes que nous avons exprimé, déplorent-ielles. On se sent assez méprisé∙es, notre avis n’est même pas pris en compte dans ces décisions qui nous impactent pourtant directement.»

Le programme de Numa Hambursin en question

« C’est un procès contre le Mo.Co », dénoncent les « étudiant∙es en colère du Mo.Co ». Selon ces dernier∙ères, le programme du candidat vise uniquement à dénoncer des aspects négatifs du Mo.Co. Des aspects négatifs dont les étudiant∙es remettent en cause la véracité. Plus grave, cela prouve selon elleux, la méconnaissance de Numa Hambursin de l’institution.

Deux points posent particulièrement problème. Il remet en question une partie du fonctionnement des musée qui, jusqu’à aujourd’hui, produisent les œuvres des artistes qui y exposent. « Ce serait une bêtise d’interdire ça, c’est un véritable soutien, voire un tremplin pour les jeunes artistes. En plus de ça, ce fonctionnement est économiquement intéressant pour les musées. » Le projet fait aussi miroiter une exploitation plus appronfondie de l’outil que constitue La Panacée. Une mesure que les étudiant∙es rejettent également. « C’est un outil qui est déjà très exploité, il y a déjà des conférences, des rencontres ouvertes au public. Ça montre encore une fois la méconnaissance de l’organisation du Mo.Co. »

Les étudiant∙es sont loin d’être les seul∙es à s’opposer à cette nomination. Avant le vote du Conseil d’Administration, trois lettres sont lues, faisant toutes les trois état de désaccord avec cette situation particulière : une lettre des étudiant∙es donc, mais aussi une lettre du personnel du Mo.Co ainsi que des enseignant∙es.

Nombreux questionnements sur la nomination

13 voix, soit deux tiers des votes du Conseil d’Administration, c’est ce qu’il aurait fallu à un∙e candidat∙e pour être officiellement élu∙e à la direction générale du Mo.Co. Un score qu’aucun∙e n’aura réussi à atteindre. Cependant, Numa Hambursin peut quand même se targuer d’avoir réuni une majorité relative. Ce résultat aurait dû enclencher une procédure pour mener à un nouveau vote, mais aucun nouveau directeur n’aurait du être donné. Ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé puisque à l’issue ce Conseil d’Administration, Numa Hambursin a bien été nommé à la tête du Mo.Co.

« Les conditions de ce vote restent très floues pour nous », assurent les étudiant∙es qui regrettent d’avoir, encore une fois, été laissé à l’écart. « Numa Hambursin n’a pas non plus coché toutes les cases du cahier des charges dans son programme, notamment en ce qui concerne le budget. Dans des conditions normales, il ne serait pas passé. Tout ça c’est du copinage ». Leurs revendications ne sont pourtant pas si confuses : « on veut quelqu’un de compétent ».

La mobilisation continue

L’école des Beaux-Arts est peut-être une institution, mais elle n’est rien sans ses étudiant∙es. « On a décidé de se mobiliser tous ensemble, mais c’est aussi l’occasion de se réapproprier les Beaux-Arts, en tant qu’espace de production artistique ». L’occupation est lancée. Mais ça ne s’arrête pas là. Visibiliser la culture qui est au centre de leurs préoccupations, voilà l’enjeux. « On a d’abord des actions de collage qui sont menés, mais on réfléchi à aller plus loin, pourquoi pas exposer la culture qu’on connaît dans l’espace public pour en faire profiter un maximum de personnes ».

Image : Etudiant·es en colère du Mo.Co

Image : Etudiant·es en colère du Mo.Co

Inquiétant pour la politique culturelle de la ville

En réalité, cela dépasse la simple question de la direction du Mo.Co. Ce qui est au cœur des enjeux de cette nomination, c’est avant tout la politique culturelle de la ville, et l’image qui est renvoyée, en particulier de l’art contemporain. « Pour nous, la culture c’est toutes les cultures. C’est important de pouvoir tout voir, et de ne pas se refermer sur un seul axe. C’est ce que nous avons l’impression que Numa Hambursin veut faire ». Et privilégier une culture plutôt qu’une autre, c’est passer sous silence une grande partie de ce qui existe. « Quelle politique de gauche invisibilise une partie de la culture ? »

Dans un contexte ou la culture au grand complet crie déjà à l’aide, et ce depuis quelques mois maintenant, cette décision qui se révèle avant tout à caractère politique ne témoigne pas vraiment d’une volonté de la municipalité à soutenir le secteur. Pourtant, c’est peut-être le moment de recréer le lien qui s’était quelque peu perdu entre tous les acteurs culturels et le grand public, a fortiori dans l’art contemporain.

Image : Etudiant·es en colère du Mo.Co







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